Il gare la voiture dans l'allée. Il coupe le contact. Il cherche frénétiquement ses clés. Il déballe la pile de cartons vides et les dépose sur le palier. La main encore un peu tremblante, il introduit la clé dans la serrure. Il la tourne. Enfin, il pousse la porte. L'air poussiéreux remplit ses poumons et vient chatouiller ses narines. Il retient un éternuement et récupère ses cartons en refermant la porte derrière lui.

En redécouvrant ce décor, les souvenirs l'assaillent. Une larme perle au coin de son œil droit. Il la chasse d'un geste distrait de la main. Depuis combien d'années n'était-il pas revenu là ? Il aurait dû venir la voir plus souvent. Ne pas attendre des adieux dans une chambre d'hôpital. Mais la vie est folle et court tellement vite. Il ne l'a pas vue passer. Il n'a pas vu qu'elle était en train de s'en aller, tout doucement.

Il se ressaisit. Il est ici pour vider la maison. Elle est vendue. Cet endroit appartient désormais au passé. Il s'empare d'un premier carton et entreprend d'y ranger la vaisselle, œuvrant machinalement. En essayant de ne pas la revoir, là, œuvrer derrière les fourneaux, lui souriant. Sa tâche achevée, il s'attaque au salon. Et les cartons s'empilent, s'empilent. C'est fou ce qu'on peut accumuler dans une maison !

Il lui faut encore s'occuper de l'étage. Tout doit être vide demain pour quand l'entreprise viendra récupérer les meubles avant l'arrivée des nouveaux propriétaires. Tout est déjà soigneusement étiqueté, prêt à être mis à la vente. C'est plus simple ainsi, il n'a pas la place pour les garder. Il monte lentement l'escalier. Las. Les pieds reposant lourdement sur les marches. Il s'arrête alors devant une porte. Ses yeux parcourent les aspérités du bois. Sa main s'approche de la poignée, puis... Il suspend son geste. A quoi bon ? Il a déjà liquidé cette pièce depuis bien longtemps, il ne reste plus rien.

Cependant la nostalgie le gagne, alors, pour une dernière fois, il pousse les pans de la mémoire de sa vieille chambre. Le soleil, à travers les persiennes, baigne de lumière le squelette de son lit d'enfant. Le matelas n'est plus là. La pièce est froide. Les grains de poussières jouent les aurores boréales. Tout est à la fois comme avant et tellement différent.

Dans un coin, un pied brun dépasse de sous un drap blanc. Une belle étiquette jaune s'y attache fièrement. Il s'avance, se saisit d'un coin du drap et l'ôte dans un geste sec. Et le laisse glisser au sol.

Il est là, devant lui. Toujours fidèle. Toujours présent. Son éternel compagnon. Il l'a plusieurs fois trahi pourtant. Oublié. Délaissé. Mais il est encore là devant lui, l'accueillant sans rejet. Sans jugement.

Son doigt s'appuie sur une de ses touches, et le son emplit la pièce. L'onde se répercutent sur les murs, et dans son âme. La digue de son cœur cède et se déverse sur ses joues. Il se penche fébrilement et arrache l'étiquette : "300$". Non, il ne laissera pas partir son premier amour, son meilleur ami, son fidèle compagnon. Il va le ramener avec lui.

Et tandis que ses mains retrouvent les dames blanches et noires, son enfance lui revient en pleine figure. Les notes s'élèvent, pures, nostalgiques, sincères. Évidentes. Ses mains n'ont rien oublié, son âme non plus.

Il la revoit, assise à ses côtés. Elle l'écoute simplement. Elle adorait l'écouter jouer. Elle lui sourit. Lui et son piano. Elle et son amour. Le plus important. Il l'a pourtant oublié, pris dans les engrenages de la vie, pressé par la trotteuse de la grande horloge. Mais aujourd'hui, en retrouvant son vieil ami, il est submergé par un besoin d'essentiel. Plus qu'un compagnon, c'est lui-même qu'il a retrouvé dans cette chambre d'enfant. C'est là que se trouve le Sens. Il s'est peut-être perdu en chemin, mais c'est ici qu'il s'est retrouvé. Dans cette petite chambre, devant le piano de son enfance, avec elle dans son cœur. Il formule alors cette promesse :

"Tu verras, je réussirai, tout le monde m'entendra jouer, et même si je ne réussis pas, tous les soirs, je jouerai pour toi. C'est promis, Maman."

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#PTDwithARMY
Pour le concours de WattpadFanficFR
Update : texte français gagnant :)