
Chap 23 🍿 Part I
NATHAN
Partie I/II
— Je suis ébaubi, dis-je d'une voix neutre en jouant avec l'eau de mon bain.
Clément me jette un regard confus avant d'arquer un sourcil, sa brosse à dent dans la bouche. Je le contemple avec un petit sourire, m'attardant sur sa bouche emplie de mousse et ramène mes genoux contre mon torse avant de les entourer de mes bras pour y poser ma joue. Fermant les paupières, j'explique :
— Extrêmement étonné.
— Tu es kenophobe aussi.
Je fronce les sourcils et bouge mon petit nez avant de fouiller dans ma mémoire, agacé qu'il connaisse un mot dont je n'ai pas la définition. Je n'ai même pas besoin d'ouvrir les yeux pour savoir qu'il sourit, fier d'étaler sa science.
— C'est la peur du noir.
— C'est pas censé être l'achluophobie normalement ?
— Si, mais il y a aussi la nyctophobie.
Malgré moi, je pouffe franchement et relève la tête en peignant mes cheveux vers l'arrière. Apercevant le regard boudeur de mon ami, je réplique :
— Je suis désolé, mais quand tu me dis kenophobie et nyctophobie, je ne peux pas m'empêcher de penser à la phobie de baiser. Tu vois ? Ken ? Niquer ?
Il lève les yeux, blasé et je ricane avant d'accrocher la petite grenouille ventouse contre le mur. On a depuis longtemps chassé tous les jouets de bébé qui encombraient plus qu'autre chose notre douche, mais je me souviens avoir tenu à garder cette grenouille. Sûrement parce qu'on jouait souvent avec elle en présence de mon père. Même aujourd'hui, il m'arrive de la tripoter quand je prends des bains. Ça me détends.
— Ta mère rentre tard en ce moment, me fait-il remarquer tandis que je dévisse le bouchon dans mon dos, près à sortir.
— Elle a beaucoup de boulots en ce moment, je réponds en haussant les épaules avant de chercher ma serviette des yeux.
Il me la tend et m'observe sortir avec minutie. Je sens ses yeux enflammer chaque centimètres de ma peau mise à nue et je m'empresse de m'enrouler dans le tissu, désireux de ne pas avoir une érection. Ce serait con.
— Tu ne pense pas plutôt qu'elle..., il me jette un coup d'œil mal assuré avant de fermer le dentifrice, qu'elle voit quelqu'un ?
Je le fixe sans broncher, emmitouflé dans la serviette blanche, sentant l'eau dégouliner jusqu'à mes pieds. Ma mère ? Rencontrer quelqu'un ? Quelle bonne blague ! Mon sourire sarcastique est aussitôt mal interprété puisqu'il se pince les lèvres et que je sens sa leçon de morale arriver bien trop vite.
— Nath... je veux pas que tu le prennes mal, mais... elle est à un âge où t'as pas forcément envie de rester seul. Je veux dire... elle... elle rencontrera peut-être quelqu'un d'autre...
J'aimerais dire que ses mots ne me font pas d'effet, mais c'est faux. Mon cœur se serre un peu parce que si mon père n'avait jamais eu de cancer, personne n'aurait pu prendre sa place. Il n'y aurait eu aucune possibilité. Ils s'aimaient tellement... Je soupire profondément et m'applique à me sécher afin d'échapper à ses iris.
— Elle n'oubliera jamais ton père, Nath...
Sa voix douce et réconfortante me noue la gorge. Je n'ai pas forcément envie de pleurer, mais sa voix affectueuse et l'empathie dont il fait preuve me touche plus que cela ne devrait.
— Je sais, Clem..., je réponds en m'attaquant à mes jambes. Mais elle ne voit personne.
— Tu en es sûr ou tu t'en convainc ?
Je réfléchis sérieusement à cette question parce qu'elle n'est en aucun cas idiote, puis noue le tissu autour de mes hanches même si j'ai la très nette impression que Clément m'a fixé tout du long. Lorsque je rencontre la lueur inquiète de ses yeux, je lui adresse un sourire sincère.
— J'en suis sûr. Pour l'instant en tout cas. Elle ne veut pas refaire sa vie. Elle m'a dit que papa était le seul de sa vie, le seul qu'elle ai vraiment aimé. Elle ne veut personne d'autre. Elle dit qu'ils étaient fait l'un pour l'autre et qu'elle ne pourra jamais aimé quelqu'un comme elle l'a aimé. Pour elle, il n'y a de place pour personne d'autre.
Ces mots m'arrachent de petits picotements au coin des yeux que je chasse après quelques clignements. Les traits tirés de mon ami me réconfortent et je marche jusqu'à lui pour le prendre dans mes bras.
— Je vais bien, Clem.
Il ne répond pas, se contentant de poser son menton sur mon épaule tout en entourant mon dos de ses bras. On reste comme ça longuement jusqu'à ce que je vienne caresser son dos de mes doigts, éprouvant la douceur de sa peau. Il frissonne contre moi et je souris avant d'embrasser sa clavicule. En me détachant, je visionne la salle de bain avant d'attraper mon caleçon que j'enfile rapidement.
— Arrête de me regarder comme ça, je dis à Clément en rougissant légèrement.
Son cou se tâche de rouge avant que ses pommettes en fasse de même, puis il sourit moqueusement et hausse les épaules. Je délaisse la serviette dans la salle d'eau et traverse le couloir jusqu'à ma chambre. Il referme la porte derrière lui et m'agrippe avant que je n'ai pu fouiller dans mon armoire pour revêtir mon pyjama. Me faisant tomber à côté de lui, je laisse sa main jouer avec mes cheveux et ferme les paupières quand elle caresse ma joue. Ses dents mordillent mon épaule nue et je souris, silencieux.
— Tu veux qu'on y aille à quelle heure ?
— Dix heures, je réponds, mes lèvres me picotant lorsque ses doigts échouent dessus. Ma mère ne sera pas levée avant.
— Ok.
Son souffle échoue contre ma chair et m'arrache un frisson avant qu'une ombre ne vienne cacher la lumière. Je fronce les sourcils et ouvre les yeux, découvrant Clément au-dessus de moi. Son sourire malicieux étire le mien et j'attends qu'il vienne de lui-même franchir cette barrière qui n'en est plus une. Ses doigts glissent dans mon cou avec lenteur avant de descendre sur mon torse, me réveillant pleinement.
Le moi confiant lui lancerait sûrement une phrase du genre : "si tu attends le déluge, on est mal barré !", mais le moi actuel paniquerait qu'un de mes mots brise ce rapprochement. Je suis sur un fil tendu au-dessus du vide, priant pour qu'un coup de vent ne me fasse pas tomber et dégringoler les étages que j'ai mis tant de temps à gravir.
Lorsque ses lèvres se pressent contre les miennes, je lui réponds avec fougue, agrippant sa nuque. Une de mes jambes crochètent les siennes et je savoure ses mains qui se baladent sur mon corps. En cet instant, je n'en ai rien à faire que tout ça ne représente pas grand chose à ses yeux. Je sais qu'à chaque fois que cela se termine, une vague de déception et de peur me submerge. Quand recommencera-t-on ? Finira-t-il par mettre un terme à tout ça ? Sortira-t-il avec quelqu'un d'autre ? Je pourrais me déclarer. Je pourrais lui dire. Mais je ne veux pas. Il sait. J'en suis certain. S'il a décidé de l'ignorer, c'est qu'il n'est pas prêt à l'accepter. Ou que cette vérité lui fait peur. Alors il se terre au fond de son trou et attends que la tempête ne passe. Sauf que tant qu'il continuera de me donner un peu d'espoir, elle ne s'arrêtera pas. L'ouragan-Nathan ne prendra pas de congés.
Une de ses mains glisse le long de ma cuisse, m'arrachant un frisson presque violent. Lorsque son index se glisse sous le tissu de mon boxer, je tressaille et prie pour qu'il l'enlève. Sa bouche quitte la mienne et vient poser une traînée de feu sur ma mâchoire, mon cou, ma clavicule, mon épaule, pour revenir jusqu'à mon oreille qu'il mordille.
— Dis Nath... comment c'était la dernière fois ?
Mon souffle s'emballe alors que son nez caresse ma chair. Mes mains ancrées dans son dos, son pubis frotte contre le mien et réveille des sensations enivrantes.
— Tu parles de... ?
Je ne peux finir ma phrase parce que ses dents se referment dans mon cou pour tirer ma peau. Je grimace, mais accueille cette morsure avec habitude, lâchant un soupir lorsqu'il libère ma chair endoloris. Sa langue vient râper dessus et je soupire.
— C'était bien...
Il sourit contre ma peau et repart à l'assaut de ma bouche, mêlant cette fois-ci sa langue à la mienne. Je farfouille dans ses cheveux bruns, me demandant ce qu'il se retient de dire. Voudrait-il recommencer ? Oh oui ! je songe en me rappelant tout le bien-être que j'ai éprouvé en ne faisant plus qu'un avec lui. Oh non ! je pense en glissant mes mains dans son dos. Si on doit remettre le couvert, j'estime que nous devrions échanger de rôle. Chacun son tour !
Je palpe son fessier avant de le malaxer, sentant Clément tomber contre moi. Son souffle saccadé échoue contre mon cou alors que nos corps se frottent entre eux, savourant l'excitation et le désir qui nous ravage. Je mords l'épaule de mon meilleur ami jusqu'à ce qu'il lâche un petit couinement et glisse une main sous son jogging, puis son caleçon. Touchant sa peau nue sous mes doigts, je le sens se crisper lorsque j'effleure sa raie. Son corps tendu me ramène à une réalité plus cruelle et j'enlève ma main, comme brûlé.
J'oublie que Clément n'est pas moi, qu'il ne ressent peut-être pas tout ce que j'éprouve, qu'il m'offre peut-être tout cela parce que je le désire. Parce que c'est lui. Parce qu'il ne voudrait pas me perdre. Il serait prêt à tellement de choses pour me garder près de lui. Tant que les mots ne sont pas dit, rien n'est brisé. Mais je ne suis pas sûr que nous pourrons continuer indéfiniment comme ça. Je m'agace plus rapidement quand il feint de ne rien voir et le ton monte lorsqu'il s'agit de Jacques. Parce qu'il est aveugle. Parce qu'il ne voit pas que la seule personne que je veux, c'est lui.
Pour tout dire, c'est la première fois que je ne le comprends pas.
Je sais qu'il sait, mais je me demande s'il le sait vraiment.
Il se redresse soudainement et je ne cache pas ma déception, mes mains abandonnées contre le lit. Il me fixe en tirant sur le bas de son tee-shirt avant de le faire passer au-dessus de sa tête et de le jeter au pied du lit. Mon cœur s'emballe dangereuse, une scène bien précise se superposant à la sienne. Sans me quitter des yeux, il fait glisser son jogging sur ses cuisses puis s'en sépare avant de tirer sur l'élastique de son sous-vêtement. Un sourire joueur sur les lèvres, il dit :
— Un p'tit strip-tease ?
— T'as presque tout enlevé, ce n'est plus drôle, je réponds en boudant.
Mes yeux pétillent et détaillent son corps comme s'ils souhaitaient s'en souvenir à jamais. Il fait claquer la bande de son caleçon contre sa peau et s'approche de moi avec lenteur, ses mains échouant près de ma tête.
— Il y a encore le bas.
— Plus pour longtemps, je réponds avec un sourire en coin, glissant mes pouces sous le tissu.
Il hausse ses sourcils de manières suggestives et je fais durer l'instant en faisant mine d'enlever le tissu avant de le remonter brutalement. Ce jeu dure quelques minutes jusqu'à ce que je ne me soulève pour effleurer ses lèvres, ravis de constater la bosse puissante qui tord son boxer.
— C'est plus drôle quand le spectateur déshabille le strip-teaser..., je murmure.
— C'est interdit normalement, marmonne-t-il en suivant le mouvement de mes lèvres.
— Tu va me punir ? je demande avec un sourire carnassier.
— Je crois, oui, souffle-t-il, comme hypnotisé.
Je l'embrasse doucement avant de retirer son caleçon avec lenteur, savourant sa peau sous mes doigts. Sa langue joue avec la mienne et il finit par m'aider à enlever le tissu, impatient. Son membre dur et droit effleure le mien, encore à l'abri et je décide d'inverser la situation. J'agrippe une de ses jambes avec la mienne et, d'un coup de hanche, je le fais basculer sur le dos. Il grogne, mais le baiser enflammé que je lui donne le fait rapidement taire.
Ma main saisit sa hampe qui pulse sous mes doigts et je le pompe, savourant les grognements qu'il laisse échapper. Il agrippe mes cheveux presque en tirant dessus, plantant ses ongles dans mon épaule. Je souris et dérive sur son cou avant de parcourir son torse de baisers. Je croque loin de ses os, fait le tour de son nombril et remonte son mollet sur mon épaule pour embrasser sa cuisse. Je plante d'ailleurs mes dents dedans avant de contrôler les traces que j'y ai laissé, un sourire satisfait sur les lèvres.
Haletant et tremblant, il me contemple à travers une brume de désir. Sa main attrape la mienne pour me dire d'aller plus vite, mais je la chasse, mentionnant que c'est dorénavant mon territoire. Taquin, je frôle ses boules du bout de mes doigts en observant chacune de ses réactions, remonte le long de son sexe dressé et effleure son gland avant d'enrouler son pénis et d'imprimer une nouvelle fois des mouvements de va-et-vient. Son grognement m'excite. Cette vue me rend toute chose. Mon propre désir n'attends que d'être soulagé.
Aventurier, et peut-être un peu fou, il faut l'admettre, ma main libre effleure son muscle rosé qui m'appelle. Aussitôt, il frissonne et serre les fesses avant de me fixer avec crainte. Je réitère mon geste deux fois, mais il semble appréhender beaucoup plus que moi. Déçu qu'il ne se laisse pas tenter, j'embrasse sa cuisse avant de remonter jusqu'à ses lèvres pour goûter leur parfum et me faire pardonner de cette farce stupide. Farce qui n'en a que le nom. J'étais amplement sérieux. Je voudrais tellement le faire mien...
— St... stop ! halète-t-il avant de se crisper et de répandre sa semence entre nous.
J'interromps mon geste et observe ma main avant de sourire espièglement et de la lui présenter.
— Lèche.
Encore un peu trop plongé dans les sensations que lui procurent l'orgasme, il me contemple comme s'il ne me voyait pas. Je dépose mon doigt sur sa lèvre et sa langue vient automatiquement le lécher avant qu'il ne me repousse.
— C'est deg...
— T'as avalé mon sperme la dernière fois, je réponds en haussant les épaule avant de rire.
Il pose une main sur ses yeux avant de grogner et tente de reprendre une respiration normale. Assis entre ses cuisses, je le regarde avec un petit sourire avant de renifler ma main, intrigué de savoir si ça a une odeur. Aussitôt, il se redresse et agrippe mon poignet, les joues rougies.
— T'allais le lécher ?!
J'esquisse un petit sourire moqueur et plisse les yeux avant de répondre :
— Pourquoi pas ?
Il m'envoie une expression blasée et me fait basculer sur le dos en crochetant ma main sale au-dessus de mon crâne. Il observe mon érection et sourit malicieusement avant de faire glisser le sous-vêtement sur mes fesses. Il me déshabille lentement et contemple mon sexe dur comme la pierre de ces visions érotiques qu'il m'a offertes. Je me sens rougir et tente désespérément de discipliner mon cœur trop sensible. Son doigt vient alors caresser mon entrée et m'arracher un frisson alors que je me crispe. Qu'est-ce qu'il fait ?
— Tu voulais tellement le faire que ça ? se moque-t-il en faisant référence à ce que j'ai tenté d'initier.
Je me pince les lèvres avant de planter mes dents dans celle inférieure, sans répondre. Oui, je meurs d'envie de remettre le couvert. Mais mon p'tit coco, jamais je ne te le dirais, je songe en plissant les yeux. Je suis fatigué d'essayer de lui ouvrir les yeux.
— C'est fermé aujourd'hui, je finis par répondre alors qu'il continue de me caresser, m'arrachant des tremblements fébriles.
Il arque un sourcil et retient un rire avant de m'embrasser chastement. Alors qu'il s'éloigne, je le retiens et approfondis ce baiser, cherchant à unir nos langues.
— Enlève ton doigt..., je souffle en le sentant me titiller.
Il sourit, amusé, et je lui mord la joue avant de lui offrir un regard sérieux. Je vois la panique traverser ses yeux, comme s'il se demandait s'il avait fait quelque chose de mal. Je ne peux décemment pas le laisser croire cela et j'en profite pour lui donner une petite idée de ce que je veux. De ce que je souhaite réellement. Et j'espère qu'il lira à travers mon regard, au-delà de mes mots. Parce qu'il est quand même le seul décodeur-Nathan que j'ai sous la main. Et s'il commence à être défectueux...
— C'est donnant-donnant, Clem. Tu l'as fais. À mon tour de le faire.
Il me contemple sans savoir si ce que je viens de dire sort véritablement de ma bouche, puis fronce les sourcils.
— C'est du chantage.
— Au moins, tu t'en rends compte, je dis avec un sourire avant de tapoter sa joue.
Il la gonfle d'air et reste silencieux sans esquisser le moindre mouvement de replis. Je le sens réfléchir. Limite si je ne vois pas de la fumée sortir de ses oreilles ! Je sais qu'il est parti dans l'un de ses fameux pour et contre, et j'ai également conscience que ce genre de débat interne peut durer une décennie avec lui. De ce fait, je décide devle ramener à la source première de tout cela : mon pénis dur comme la pierre qui meurt d'envie d'être touché.
— Les règles sont dites. Tu veux ? Tu donnes. Maintenant, occupe-toi de moi.
Ma voix est presque suppliante et, même s'il hésite, je le vois caresser mon membre avant de mordiller ma lippe. Ce ne sera pas pour aujourd'hui, mais espérons que ça fasse tout de même un bout de chemin dans son petit cerveau.
Un coup jaillit dans mes côtes, m'arrachant une plainte qui n'a rien de viril. Le cerveau en compote, je ne réagis pas plus. Un autre coup me fait gronder et je pars à la recherche de ce pied qui me malmène. J'entoure cette cheville et soupire avant de crier quand l'autre pied s'abat sur mon bras.
— Clem, putain ! je grogne en lui donnant un coup d'oreiller.
Il me repousse brutalement et réplique avec humeur :
— Réveil.
Je me masse les endroits endoloris et tâtonne la table de chevet avant de mettre la main sur mon smartphone qui vibre contre le bois. Ouvrant difficilement les yeux et aveuglé par la lumière, je peine à analyser ce que je vois.
28 Février
09h00
1 message de Jacques
1 message de Maman.
Je soupire et éteint le réveil avant de le reposer sur le bois, ramenant la couette sur mes épaules. Je ferme les paupières en me promettant de rendre chaque coup à mon meilleur ami quand je serais un peu plus réveillé avant de me figer.
28 Février.
Mes entrailles se contractent avant que je me tourne vers le dos du brun qui doit sans doute être déjà reparti. Je le contemple en silence, observant sa silhouette qui se découpe dans l'obscurité. Si la veilleuse n'était pas là, je ne le verrais même pas. Je me rapproche, agrippe son haut d'une main et pose mon front entre ses omoplates.
J'aimerais dire que je déteste cette journée parce que j'ai toujours une boule au ventre et que je m'autorise pleinement à être triste ce jour-là, mais ce n'est pas totalement vrai. Je n'aime pas ce rappel constant de ce qu'on m'a arraché, mais j'apprécie d'aller au cimetière. Je déteste voir cette tombe qui me rappelle la disparition de mon paternel, mais j'aime la contempler pendant des heures et lui parler mentalement. Peut-être qu'il m'entends, n'importe où il se trouve. Je déteste le silence qui accompagne cette journée, mais je le savoure et me laisse bercer par ce calme. Je déteste me sentir triste, mais je ne peux que l'accepter pour mon père qui est partit trop tôt.
Comme s'il avait perçu mon humeur à travers son sommeil, Clément finit par se retourner et me prendre dans ses bras. Je ferme les miens dans son dos et clos mes yeux tout en fourrant mon nez dans son cou, savourant nos odeurs mélangés. Même si on vit ensemble, que l'on partage tout, je suis toujours étonné de constater qu'il ne porte pas le parfum de la maison. Mais j'aime ça. Parce qu'il sent Clément.
Ses mains caressent lentement mon dos et je sais qu'il lutte pour ne pas se rendormir. Je ne pense pas que je pleurerais aujourd'hui, mais ce n'est jamais agréable. Ma mère est triste et elle déguerpit souvent pour se rendre dans des lieux secrets qu'elle ne partageait qu'avec mon père. J'ai perdu un père, mais on l'a dépossédé de l'amour de sa vie. Je ne sais pas comment elle fait pour tenir débout tous les jours. Je crois que je m'effondrerais si Clément disparaissait.
Je serais irrécupérable.
Les bras de mon meilleur ami me serrent un peu plus et je dépose un baiser dans son cou avant de prendre une profonde inspiration. Je me détache lentement et lui dégage le visage de ses mèches rebelles, souriant doucement.
— Bien dormit ?
— Hum...
— Je vais préparer le petit-dej'.
— Hum.
Je souris et lui caresse la joue avant de sortir du lit. Je laisse la porte ouverte, conscient qu'il lui faut une certaine motivation pour sortir de sa chambre et descends les escaliers en silence. Aujourd'hui, pas de singeries. Je respecte cette journée plus que n'importe quelle autre.
Ma mère zone devant son café et je l'embrasse tendrement avant de lui offrir un câlin. Elle me sourit et colle son front au mien pour récupérer un peu de mon affection. Je la laisse se nourrir de mon amour autant de temps qu'elle le souhaite avant de sortir deux bols que je garnis de céréales. Clément descend quand j'entame mon repas et serre ma mère contre lui avant de s'assoir à mes côtés. Il n'est, certes, pas du matin, il n'en reste pas moins lucide.
On mange en silence. On s'habille en silence. On monte dans la voiture en silence. On s'arrête chez le fleuriste toujours en silence. Et on atterrit près du cimetière en écoutant le bruit des bosquets dérangés par le vent, le gazouillement des oiseaux, et le bruit des gravillons sous nos pieds.
On zigzague parmi les tombes sans rien dire. Clément nous tient à tous les deux la main, soutient sans faille. Ma mère serre son bouquet de Bleuets contre son cœur, les préférés de mon père. Son visage est tiré par la fatigue et le chagrin, mais le sourire qu'elle m'adresse se veut rassurant. Ma main agrippe un bouquet de rose blanche, synonyme de pureté et de l'amour que nous lui portons même s'il n'est plus là.
On s'arrête devant la pierre grise où est gravée son épitaphe. Mes yeux lisent ce qu'ils ont vu des milliers de fois, ce que mon cerveau connaît dorénavant par cœur.
Hélios Durand
1972 - 2011
« La vie à toujours quelque chose à nous offrir »
Je souris en contemplant cette citation qu'il passait son temps à radoter lorsque je me plaignais ou qu'une mauvaise chose arrivait. Il avait ce pouvoir de toujours positiver, de garder le sourire dans n'importe quelle situation, de faire rire n'importe qui, de désamorcer un conflit en un rien de temps. Il était inspirant, confiant, épanouit... solaire. Mon père était un soleil, une étoile brûlante, une bille de bonheur dans le vie des gens, un rire sincère qui s'est éteint trop tôt.
Ma gorge se noue et je glisse ma main sur la hanche de mon meilleur ami, posant ma tête sur son épaule. J'aurais aimé qu'il voit ce que je suis devenu. J'aurais aimé qu'il me serre dans ses bras, qu'il se moque encore de ma phobie du noir, qu'il me court après pour me donner le supplice des chatouilles, qu'il continue de me faire des farces comme il faisait souvent, que l'on partage des secrets, que l'on mijote contre ma mère avant de tous rire aux éclats, que l'on continue d'être une famille à trois. J'aurais voulu qu'il soit encore là, qu'il me dise que tout ira toujours bien, qu'il me rassure et qu'il me répète ô combien il m'aime. J'aurais souhaité qu'on trouve un remède magique à son cancer, qu'il y ait un miracle, qu'il revienne à la maison en disant « Ce n'était qu'une égratignure ! » avec son éternel sourire. J'aurais voulu qu'il goûte à la vie comme je le fais maintenant.
Une larme m'échappe et je la chasse rapidement du revers de la main. Ça fait mal parce qu'il est partit trop tôt, parce qu'il ne méritait pas que ça lui tombe dessus. Mais je ne suis pas seul. Alors, je vais mieux.
La main de Clément se presse contre mon flanc et je souris lorsqu'il embrasse mon front. Ma mère dépose le bouquet de Bleuets, nous sourit tristement et s'en vas. Je sais qu'elle va passer la journée dans son coin, sûrement en se baladant dans la ville et en observant chaque lieu avec un autre œil. Parfois même, elle prenait la voiture et partait visiter un endroit qui avait le pouvoir de lui raconter un bout de leur histoire. Nous ne gérons pas le deuil de la même manière. Elle cherche la solitude et je me cramponne à Clément sans qui je coulerais.
Je m'agenouille devant la tombe et dépose mon bouquet près des cadres photo qui sont au nombre de quatre. Un pour ma mère et mon père qui se regardent avec amour devant la mer. Ils étaient jeunes et heureux. Je crois même qu'à cette époque, ma mère était enceinte. Une autre de nous trois à la fête foraine. J'étais petit, environs cinq ans, le nez recouvert d'un bout de barbe à papa que mon père avait déposé, louchant dessus pour essayer de l'enlever. Mes géniteurs étaient hilares. La troisième est une photo improvisée. Je ne sais plus trop où on était, mais mon père se tenait derrière moi, entourant mon cou de ses bras et je souriais en l'agrippant. Ma mère avait sortit l'appareil et avait prit la photo telle quelle. Elle était magnifique. Sur la dernière, on nous voit avec nos deux familles réunies pour nos neufs ans. On avait cassé les pieds à tout le monde pour le fêter ensemble. Je me souviens qu'il y avait beaucoup de monde en plus des copains d'écoles. Ça avait été folklorique. Mais l'énorme photo de famille est remplie de sourires sincères et mérite amplement sa place ici.
La main de Clément presse mon épaule avant qu'il ne vienne au même niveau que moi pour m'enlacer. Je me laisse faire, observant cette pierre qui représente la seule trace de mon père dans ce monde et agrippe le dos de sa veste.
— Milkshake ?
— Toujours, je réponds en souriant.
On reste quelques minutes de plus avant de sortir du cimetière. Alors que ma mère préfère visiter des lieux qui les ont marqué, je reprends toutes ces petites habitudes que j'avais avec mon père et je les fait avec Clément. Cela me fait du bien. Pendant une journée complète, il est avec moi.
~~~
Ce n'était pas prévu que je fasse un passage sur le père de Nathan, mais j'ai sentis que c'était l'occasion. Que son père avait le droit à une apparition parce qu'il était très important pour Nathan et surtout que c'était un homme bon et aimant. N'importe qui aurait aimé le connaître !
J'espère que ça vous a plut 😊
Bisous 😘
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