Cela fait plusieurs jours que je vis nue, mon corps ne supporte plus que les courants d'air, l'eau chaude et la chevelure. Je n'arrive plus à dormir, le moindre tissu me fait l'effet d'une pierre tombale, alors je passe ma nuit à frémir. Il fait de plus en plus froid dans l'appartement, je reste parfois plusieurs heures assise sur le canapé à me ronger les ongles pour éviter de devoir toucher le carrelage glacé avec mes pieds. Cette sensation ne disparaît que lorsque j'enfonce mes doigts dans tes cheveux et ferme les yeux. Je le fais plusieurs fois par jour, durant plusieurs minutes silencieuses. Parfois même, je m'assois sur le sol, les bras en l'air, les mains plongés dans le tiroir, et je m'assoupis une heure ou deux. Je sais que tu es là mais que tu te fais discret. Je sais que tu n'arrives pas à partir, je sais que tu me couvres. Ça fait quelques jours que je n'ai pas trouvé de cheveux mais tu n'as pas disparu, je dois juste creuser profondément, déterrer tes vieux os et te retrouver. Je dois juste accepter de te retrouver, de me faire toucher et de te laisser me toucher. J'ai les mains dans le tiroir, tu pourrais le refermer et me fracturer les poignets mais tu ne le fais pas, même si tu sens que j'ai peur. Tu refuses de le faire car tout ce que tu veux, c'est de nouveau exister autour de moi. J'ai les mains dans le tiroir et comme souvent, je me dis que je dois m'habiller. Les yeux fermés, la peau frissonnante, je devrais retrouver de la chaleur, je devrais retrouver une couverture, une protection. Je devrais me rhabiller pour au moins être présentable, arrêter d'avoir peur de frôler les meubles ou de mettre un pied par terre, pouvoir ouvrir une fenêtre de temps en temps. La simple pensée du coton sur mes épaules me donne envie de vomir mais je ne peux pas rester comme ça, seule et nue au milieu d'un appartement vide. Je dois m'habiller, je dois trouver de quoi m'habiller, je dois sentir les cheveux monter en moi. Je dois retrouver ta chaleur, s'il te plaît. Tu dois me couvrir.