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J'ai passé la majeure partie de ma semaine en dehors de l'appartement. Je crois que je ne voulais pas le salir. J'ai de nouveau essayé de dessiner, sans jamais vraiment y arriver. Dès qu'un vêtement, une coupe, un tissu me passait en tête, mon corps entier frissonnait et le chassait de mon esprit. Tout était trop rêche, trop rugueux pour ma peau, tout lui paraissait menaçant. J'ai raté mon rendez-vous chez le coiffeur.
Les cheveux ne sont pas tous partis, je ne comprend pas. Je me suis remise à la cuisine ce soir, ça faisait longtemps que je devais prendre soin de moi, mais je n'ai pas pu manger mes pâtes. Comment a-t-il pu se retrouver là, au fond de mon assiette ? J'avais tout acheté aujourd'hui, j'avais nettoyé l'ensemble des poêles et des casseroles, mais il en restait encore ? Il n'était pas au bord de mes lèvres cette fois et j'ai failli l'avaler. Je me suis étouffée et je suis allée le chercher au fond de ma gorge, les doigts dans la bave. Il en est ressorti en boules, comme un chapelet couvert de bile. Je ne comprend pas comment c'est possible, je ne comprend pas pourquoi c'est là. J'ai jeté le plat entier à la poubelle, je suis sûre d'en avoir vu d'autres à l'intérieur.
J'ai passé la nuit à retourner l'appartement. Silencieusement, j'ai poussé les meubles, soulevé les tapis, démonté les ampoules à la recherche du moindre fil suspect, du moindre reflet brun. Sur le miroir de l'entrée, dans son coin supérieur droit, il y en avait un qui ressemblait à une légère fissure. Dans le couloir de la salle de bain, une sensation désagréable sur le visage. C'était un long cheveu qui pendait du lustre. Plusieurs dans une paire de chaussure que je ne mettais plus, d'autres aux pieds des lampes. Beaucoup contre les plinthes, entre les coussins, derrière les cadres. En les raclant avec mes ongles rongés, j'ai extrait des mèches épaisses des lames du parquet. Au fur et à mesure de ma collecte, mes gestes devenaient obstinés et mécaniques, sous anesthésie : dans les plantes, dans les toilettes, jusque dans les serrures, toujours les mêmes cheveux bruns qui dépassaient discrètement et m'observaient. A cinq heures du matin, j'en avais une touffe entière sur la table basse du salon. Je l'ai longtemps regardée, à distance, mais je ne l'ai pas inspectée. Je n'ai pas essayé de comprendre, de trouver une explication. Je n'ai pas refait le tour de toutes les pièces que je venais de saccager dans ma chasse effrénée, je n'ai rien recherché sur internet et je n'ai pas appelé à l'aide. Je refusais de réfléchir car tout me paraissait évident. Il les laissait traîner partout, comme d'habitude.
Sonnée, épuisée mais étrangement rassurée, je suis allée me coucher. Il y a un cheveu sous mon oreiller, je l'ajouterai aux autres demain.
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