ᴿᵉᵃˡⁱᵗʸ

Je me réveille en sursaut, le souffle court. J'observe autour de moi et me rend compte que je suis de retour dans ma chambre étudiante d'approximativement trois mètres carrés. Je passe une main sur mon visage, encore chamboulé. Tout ça... Tout ça n'était qu'un rêve ? J'attrape mon téléphone, et observe la date, puis mes messages et rien n'a changé, strictement rien. Je soupire, le cœur comprimé. Je repousse les couvertures de mon lit et me lève machinalement pour me rendre dans la salle de bain et prendre une douche. L'eau coulant sur mon corps m'encre chaque fois un peu dans la réalité et je me rends peu à peu compte que ça y est, c'est fini. Lorsque je sors de ma douche, une serviette autour de la taille, je m'arrête face à mon miroir. Habituellement, j'aurai continué ma routine sans fin et affreusement ennuyante mais aujourd'hui, y'a comme quelque chose qui cloche. J'observe le miroir, d'un regard vide.

Tout était comme dans mes souvenirs. Tout ou presque. Ce jour-là, ce moment-là, quand j'ai tapé dans le miroir et que je l'ai fracassé, ça n'est jamais arrivé. Jamais. Ce jour-là, j'ai juste pleuré toute la soirée, sans jamais appeler qui que ce soit. Jamais Hyunjin n'est revenu, et encore moins parce que j'ai enfin osé demander de l'aide. Non, ce jour-là, j'ai réellement abandonné, et sans rien dire, je me suis directement enfuit à Séoul. J'avais trop honte, et j'ai faussé compagnie à tout le monde. Voilà pourquoi aujourd'hui, seul Chan prend régulièrement des nouvelles, et de temps en temps Changbin. Je sais que eux ont encore tous contact et se voient régulièrement. Qu'est-ce que j'aurai aimé que mon rêve soit réalité. C'est comme si... Je m'étais entendu... ? J'ai tellement eu l'espoir que ça soit vrai... La chute est terrible.

Une larme glisse le long de ma joue, rapidement suivie d'une nouvelle, et rapidement, c'est un torrent de larmes qui salit mon visage déjà abimé par les insomnies et le manque de nourriture. Peut-être que les larmes ont finies par le brûler, le marquer d'une certaine manière. J'observe ce qui est sensé me refléter et je me demande, je me demande si ce jour-là, si j'avais moi aussi explosé ce foutu miroir, si je l'avais appelé, aurai-je eu le droit à une vie plus belle...? Peut-être que je serais heureux ? C'est ça la solution, s'éclater les mains ?

Je ris amèrement. Bien sûr... Peut-être même que le fait de parler en était la clé... Qui sait, tout ça ne sont que des fabulations.

Je détourne le regard de moi même et commence à sécher mes cheveux puis m'habille avant de sortir de ma salle de bain. 

La journée défile tout aussi rapidement, je ne fais que tourner en rond dans mon appartement, n'ayant rien à faire, n'ayant personne à voir, n'ayant personne tout court. Mes sœurs, j'ai commencé à m'embrouiller avec elle parce que, d'après elle, je ne foutais rien, j'étais trop renfermé sur moi-même. Il paraissait que je n'étais plus le petit Seungmin qu'elles connaissaient, mais finalement, jamais elles ne m'avaient vraiment vu alors qui étaient-elles pour parler ? J'ai fini par partir et trouver mon propre chez-moi. Ma relation avec ma mère s'est tout autant dégradé au fur et à mesure du temps et voilà comment je me suis finalement retrouvé tristement seul.

Je m'assois sur mon lit, qui fait aussi office de canapé et observe la lumière qui filtre à travers les volets clos. Une intense migraine me prend soudainement la tête. Je me laisse partir en arrière en fermant les yeux.

Journée de merde. Comme toutes les autres, depuis qu'il n'est plus là... 

Du noir, juste du noir partout autour de moi, oppressant, étouffant, angoissant. Et un immense vide qui me prend violement aux tripes, plus puissant et virulent qu'il ne l'a jamais été ces trois dernières années, l'impression qu'une partie de moi n'est plus là, arrachée, écrabouillée, réduite en miettes. Cette sensation m'est si familière, ne serait-ce pas... Ça ?

"Si tu pouvais faire le vœux de revenir en arrière dans tes souvenirs, à quel moment reviendrait-tu ?" 

A ce moment où Hyunjin était encore près de moi. A ce moment où j'étais vivant.

J'entends ma propre voix résonner, totalement désespérée. C'est exactement pareil que la première fois. Exactement pareil à un détail près.

"Et si tu pouvais les changer ?"