CHAPITRE 2
"L'école doit devenir le lieu où l'enfant peut vivre dans la liberté"
Aujourd'hui, nous sommes le 1 septembre 2045, jour de ma rentrée dans une école "normale". Utilisé le terme "normal" est pour moi, extrêment dérangeant. Sommes-nous obligés de considérer un handicap comme quelque chose "d'anormal" ? La société est-elle obligée de faire de telles différences entre nous et le reste du monde ? Cependant, nous devons faire avec et comme dirait Jeanne "C'est la vie et la vie est un mystère qu'il faut vivre, et non un problème à résoudre." Vous vous demandez certainement d'où sortes toutes ces citations ? Eh bien, elles viennent toutes de ce magnifique livre "Bizitza bateko komatxoak" ("Citations d'une vie") écrite par mon écrivaine préférée, M-G, que me lit Jeanne, tous les soirs.
Ce matin, je me réveille, le sourire aux lèvres, prête à faire de belles rencontres. Je suis vêtu d'un jean délavé, avec des fleurs brodées tout le long de ma jambe droite, d'un t-shirt blanc et d'une paire de converse blanche. Jeanne m'a remonté les cheveux en chignon haut, tout en laissant quelques mèches, légèrement ondulés, dépassées. Puis elle m'a mis, tout en légèreté, du blush et du gloss rose, sur les lèvres. Plusieurs questions peuvent, à ce moment même, vous traverser l'esprit. Choisit-elle seule ses vêtements ? Ne mets-elle pas de lunettes de soleil, pour cacher son regard dévié ? Et bien d'autres. Pour ce qui est de mes vêtements, je fais une confiance aveugle à Jeanne, elle sait ce qui me va. Et pour ce qui est de mes lunettes de soleil, celles-ci me suivent partout où je vais. Je dirais même qu'elles sont indispensables ! Indispensables, oui mais...pour mon sac, pas pour moi. Pourquoi devrais-je me cacher derrière ces ridicules bouts de verre ?
Durant le trajet, Jeanne essaye de me détendre comme elle peut. Elle me parle, mets de la musique, cependant rien n'y fait. Une fois dans le couloir froid, déserté par les élèves jusqu'à la première sonnerie de l'année, mon coeur se mets à battre de plus en plus fort. Quelques secondes après la sonnerie, des bruits de chaussures, des rires et voix se mettent à résonner dans le couloir étroit. Je me sens oppréssée. Je serre la main de Jeanne et entre dans la classe.
"-Bonjour à tous et à toutes ! Je suis ravie de vous retrouver pour cette belle année. Avant de commencer à vous distribuer les papiers de début d'année, j'aimerais vous présenter votre nouvelle camarade, Charlina Ghetty, dit-elle en me prenant la main droite, et son AVS. Je voudrais que vous l'intégriez comme il se doit !"
Mme Millers est ma professeur principale. Au premier abord, elle paraît très appréciée et respectée par les élèves, puisque aucun d'entre eux ne semble l'interrompre. Cependant lors de l'annonce de mon handicap, le calme qui régnait encore jusque-là, fut rompu.
Parmi tout ce bruit, je parviens à distinguer quelques voix dominantes, qui sont suivies par des rires.
"-Oh non ! Elle louche... Hahaha !
-Stop ! Je n'accepterai aucune moquerie. Je vous entends encore une fois, j'appelle le directeur immédiatement. Sortez vos carnets de correspondance et restez dans le calme. Jeanne peux-tu venir deux minutes avec moi dans le couloir ? demande Mme Millers.
-Bien sûr ! Ne t'inquiète pas Charlina, je reviens. "
Rester seule, entourée de personnes qui me sont inconnues, ne m'enchante pas. Je reste là, immobile, sans expression, à attendre le retour de Jeanne, quand tout à coup j'entends une douce voix se rapprocher de mon oreille.
"-Une fille comme toi n'a rien à faire ici, me dit une fille en chuchotant, n'essaye pas d'attirer l'attention et la pitié des gens. Ici, tu n'es pas la bienvenue, alors je serais toi...
-Parce que tu es moi, peut-être ? Voudrais-tu être à ma place seulement pendant une journée ? Je ne crois pas ! Je n'ai jamais demandé à attirer l'attention ni à recevoir la pitié des gens. Et au passage, ce n'est pas moi qui est demandée à te parler. Ne serais-tu pas entrain de me porter une quelconque importance ?
-Fais très attention à toi Ghetty...me menace-t-elle.
-Laisse tomber Charpey, elle n'en vaut pas la peine."
Vous dire que je ne m'attendais pas à ce genre de réflexion serait vous mentir... Cependant, si elle pensait une seule seconde que j'allais rester assise sans rien dire, elle se trompait. Elle et ses réflexions, ne m'atteindront jamais. En réalité, rien ne peut m'atteindre ni me faire pleurer, depuis petite. "Jeanne ? Pourquoi, je ne pleure jamais ? " telle était la question que je posais constamment à Jeanne et telle était sa réponse "Parce que tu es la petite fille la plus courageuse que je connaisse, Charlina". La vraie réponse était que depuis mon abandon, j'ai développé un blocage émotionnel ce qui fait qu'aucune larme n'arrive à s'écouler de mes yeux.
Mes premiers cours dans ce nouveau lycée se passèrent à merveille. Tous les profs étaient attentionnés et faisaient en sorte de m'aider lorsque j'étais en difficulté. Jeanne était aussi là. Comme toujours, d'ailleurs. Ma journée se termina sur deux heures de Français, qui est ma matière coup de coeur. Au moment de me lever pour rentrer à l'orphelinat, une fille vient m'adresser la parole.
"-Charlina tu me passes mon cahier sur mon bureau ! À ta droite..."
J'étais à ce moment même, partagé entre deux sentiments. Est-ce que je fais semblant de ne pas l'avoir entendu ? Ou est-ce que je lui explique, ce qu'est la politesse ? Je décide de suivre la première option et de l'ignorer. Cependant, elle ne s'arrête pas là.
"-Ah non c'est vrai t'y vois rien ! Haha..."
Je crois qu'il s'agit de la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Je savais exactement à qui je m'adressais. C'était Lou, une des meilleures amies à Charpey, qui se trouve à ma droite dans la classe. Je ne voulais pas en finir avec elle et faire comme si de rien n'était. Je ne voulais pas non plus faire ma victime et le rapporter à Mme Millers. Je décide alors de me débrouiller, seule. Je fais un pas à droite et cherche avec mes mains sa table. Une fois à côté de la table, j'attrape son cahier et lui dit :
"-Tu parles de ce cahier ? La prochaine fois, essaye d'être plus autonome au lieu de déranger les autres, je pense que tu es assez grande pour comprendre cela, n'est ce pas ? Et au passage... DE RIEN !"
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