Chapitre 8
Hermione quitta le Chaudron Baveur en s'enveloppant dans un grand manteau beige. Son sac à main serré contre elle, elle traversa la rue et s'engouffra dans la bouche de métro la plus proche puis elle sauta dans une rame et se posa sur le premier siège venu. Elle songea alors à ces dernières semaines.
Deux semaines plus tôt, elle avait pris la décision de quitter la rue et de reprendre sa vie en main. Elle avait donc vidé sa maison de prostituée et s'était installée au Chaudron Baveur où Tom, le barman, lui laissait faire la vaisselle et un peu de ménage quand elle s'ennuyait.
Mais aujourd'hui, c'était différent. Aujourd'hui, elle avait décidé, dès le saut du lit, d'aller jusqu'à Privet Drive et de secouer Harry. Comme elle n'avait jamais été là-bas en transplanant, elle était obligée de prendre le métro pour se rapprocher de la banlieue, et de là, elle marcherait jusqu'à la rue où vivaient les Dursley depuis plus de vingt ans.
La jeune femme se souvint alors de ses retrouvailles avec Percy Weasley. Elle s'étonna d'ailleurs, en y repensant, que Molly Weasley ne se soit pas jetée sur un hibou pour la contacter...
Sans doute que Percy a oublié... songea Hermione avec un sourire.
La rame de métro freina soudain en secouant ses passagers et s'arrêta. C'était le bout de la ligne. Le métro repartirait dans l'autre sens dès que le ménage aura été fait dans les wagons.
Bon maintenant, Privet Drive...
Hermione quitta le métro et regarda autour d'elle. Elle grimaça. Elle ne connaissait absolument pas cette partie de Londres...
— Monsieur ? Excusez-moi, pouvez-vous m'indiquer la direction de Privet Drive ?
L'homme qu'elle avait interpellé la regarda de haut en bas puis renifla et tourna les talons.
— Mais... ? Goujat ! s'exclama la jeune femme. Madame ?
Une femme s'arrêta et elle lui posa la même question à laquelle elle répondit aimablement en lui indiquant qu'elle ferait mieux de prendre le bus ou un taxi car à pied elle en aurait pour une bonne heure de marche...
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— Gardez la monnaie.
— Merci, m'dame.
Hermione ferma la porte du taxi et la voiture noire démarra en trombe. La jeune femme pivota ensuite et observa la ruelle proprette d'une douzaine de maisonnettes alignées au cordeau.
Ces quartiers alignés comme si on avait tracé les rues à la règle avaient été destinés aux ouvriers, à l'époque, et les maisons étaient petites et souvent de moindre conception, mais elles semblaient suffire au commun des mortels...
— Le 4... Le 4...
Hermione s'avança dans la rue aux maisons identiques, jusque dans l'aménagement de leur jardin, et s'arrêta devant le 4, Privet Drive. La boîte aux lettres indiquait que Mr et Mrs Dursley habitaient là, mais il n'y avait pas un bruit dans la maison ou dans le jardin.
Levant les yeux vers les fenêtres de l'étage, Hermione se mordit la lèvre. La chambre de Harry donnait au-dessus du porche, elle s'en souvenait parce que Ron lui avait raconté l'évasion qu'ils avaient manigancée en deuxième année, quand il était devenu évident que leur meilleur ami était séquestré par sa propre famille.
La fenêtre juste à gauche était celle de la chambre des Dursley, sans doute, elle était plus grande que les autres. La chambre de Dudley devait donner sur le jardin...
Rentrant le menton, Hermione inspira pour se donner du courage et remonta l'allée bétonnée. Il y avait une voiture garée, donc l'Oncle Vernon devait être à la maison, bien que ce soit mercredi. Mais Harry était-il là ?
Hermione souffla quand elle fut devant la porte. Elle leva la main et appuya de l'index sur la sonnette. Le silence s'en suivit puis il y eut une chaise qu'on recule avant que des pas ne se fassent entendre dans le vestibule.
— C'est pour quoi ? demanda une grosse voix.
— Je... commença Hermione. Je suis Hermione Granger, je suis une amie de Harry, je...
Parler à une porte fermée n'était pas évident, même si elle devinait le sommet de la tête de Vernon Dursley par les petits carreaux au sommet de la porte.
— Il n'est pas là. Partez, Miss.
— Mais... ?
Mais le silence était de retour. Hermione se mordit la lèvre et regarda le paillasson. Il souhaitait la bienvenue...
— Tu parles !
Elle se détourna alors et redescendit l'allée quand elle manqua heurter quelqu'un qui remontait l'allée.
— Pardon, dit-elle en faisant un écart.
— Mione ?
La jeune femme se figea et eut un violent frisson. Elle se retourna lentement et lorsqu'elle vit Harry, debout devant elle, en jean et sweat-shirt trop grand, les cheveux en épis indisciplinés, elle fondit en larmes et se jeta à son cou.
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— Mais qu'est-ce que tu fais ici ?
Les deux jeunes sorciers étaient assis sur le muret qui entourait la maison. Hermione avait invoqué une bouteille d'eau et un mouchoir.
— Je suis venue te secouer, dit-elle en s'essuyant le nez.
— Me secouer ? Mais...
D'abord jovial, le visage de Harry s'assombrit aussitôt et il tourna la tête en serrant les lèvres
— On m'a dit que tu avais renoncé à la magie, Harry, dit alors la Gryffondor. Pourquoi ?
— Pourquoi ? À ton avis ?
Hermione passa sa langue sur ses lèvres et songea à ce qu'elle avait fait, elle, pour oublier la guerre... Elle baissa le nez.
— Écoute, je sais que l'année qui vient de s'écouler a été rude, j'ai souffert moi aussi, mais on doit réagir maintenant...
— On a fait tout ce qu'on pouvait Mione, Shacklebolt nous ignore !
Hermione secoua la tête et soupira.
— On doit trouver un moyen de faire savoir aux sorciers que ce ne sont pas les Aurors qui ont tué Voldemort, mais toi, Harry ! Toi et toi seul !
Harry serra les mâchoires.
— Je pense pouvoir vous aider, lâcha alors une voix traînante.
Le deux Gryffondors levèrent la têt et Malefoy, planté devant eux, leur adressa ce sourire en coin dont il avait la spécialité...
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— Harry, je t'avais dit quoi ?
— Je sais, Oncle Vernon, mais les choses vont changer maintenant. Entrez.
Malefoy et Hermione suivirent Harry dans la maison sous le regard acéré de Vernon Dursley qui, malgré les années, ne pouvait toujours pas encadrer les sorciers...
— Ta tante va rentrer d'un moment à l'autre, vous avez intérêt à ne pas faire de bêtises !
— Nous n'avons plus douze ans, Monsieur Dursley, lança Hermione en plissant les yeux.
— Laisse tomber, dit Harry. Venez, allons dans le patio...
Malefoy laissa passer Hermione devant lui pour traverser le salon, puis ils s'installèrent dans les fauteuils en osier garnis de coussins à fleurs.
— Bon, dit soudain le brun. Je t'écoute, Malefoy. Qu'est-ce qui a bien pu te pousser à venir dans les bas-fonds de Londres ?
— Oh, crois-moi, Potter, il y a pire comme « bas-fond », répondit le Serpentard en jetant un regard à Hermione qui détourna la tête. Je suis en mission pour mon père, si je puis dire.
— Ton père ? Il est à Azkaban !
— Il en est sorti voilà deux mois, répondit Hermione. Et il est venu me parler, quelques jours avant l'anniversaire de la bataille... Il voulait savoir ce que nous devenions, toi, moi et Ron...
Harry fronça les sourcils. Malefoy lui expliqua alors ce que son père avait fait pour sortir d'Azkaban, puis ce qu'il avait entrepris de faire à présent pour restaurer l'image du Sauveur du Monde Sorcier.
— Et vous le croyez, tous les deux ? demanda Harry quand le blond se fut tu.
— J'avoue que j'ai eu du mal, au début, et puis j'ai réfléchi et il a raison, dit Malefoy. Tout le monde a vu que tu avais tué le Lord, mais le Ministère a trouvé ça trop...
— Martyre ?
Malefoy haussa les épaules.
— Bref, il a préféré faire croire aux gens que c'était les Aurors qui avaient défait Voldemort et tout le monde est tombé dans le panneau... Combien il t'a donné, Potter, pour que tu restes chez tes Moldus en silence ?
Harry regarda Hermione et baissa le nez.
— Cinquante mille Gallions et le droit d'user de magie quand bon me semble dans le monde Moldu, y compris sous leurs yeux, sans risquer de comparution immédiate devant le Magenmagot... répondit-il.
Hermione détourna la tête. Malefoy lui jeta un regard en biais puis secoua la tête.
— Et toi ? demanda alors Harry.
— J'ai déjà demandé, elle n'a rien voulu répondre, répondit Malefoy.
Hermione, la bouche pincée, resta silencieuse.
— Mione... insista Harry.
La Gryffondor ferma les yeux et serra les paupières. Elle crispa son poing sur son manteau puis releva la tête.
— Rien... lâcha-t-elle alors dans un souffle.
— Rien ? Comment ça, rien ?
— Rien, Ron et moi nous n'avons strictement rien eut, pas un privilège, pas un Gallion, rien ! Juste le droit de nous taire et de nous faire oublier !
Hermione bondit sur ses pieds et s'éloigna dans le jardin. Les deux garçons ne bougèrent pas.
— Pendant des semaines j'ai envoyé lettre sur lettre, jour après jour, et elles me revenaient toutes non ouvertes ! reprit la jeune femme en nouant ses mains sur sa nuque. Et puis j'ai fini par me lasser, je me suis retranchée dans un hôtel miteux, loin de tout ce que je connaissais, j'ai sombré, lentement, mais sûrement, je...
Elle serra les mâchoires et déglutit. Malefoy se leva alors, mais la jeune femme leur fit face et ouvrit les bras. Tendant le bras, Harry saisit le manteau de Malefoy et le tira en arrière. Le blond trébucha et tomba sur le derrière à l'instant où Hermione transplanait brutalement en arrachant un rosier au passage.
— Ça va ? demanda alors Harry comme Malefoy se redressait.
— Ouais, je... Mon égo a ramassé, ça ira...
Il se releva et s'épousseta.
— Merci, Potter... Comment tu savais ?
— C'est sa façon de transplaner, répondit le brun en se levant. Moi je tourne sur moi-même, elle, elle ouvre les bras et elle se laisse aspirer...
Malefoy hocha lentement la tête puis soupira. Il frissonna et Harry l'invita à boire un peu de thé avant de rentrer chez lui. Le blond refusa, arguant que ses parents ne savaient pas où il était et il transplana après s'être suffisamment éloigné du Gryffondor et de tout objet décoratif fragile.
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Hermione reparut sur le Chemin de Traverse, entre deux immeubles, et prit quelques secondes pour se redonner une contenance. Un craquement résonna soudain près d'elle et elle pivota vivement, mais ce n'était qu'un chat qui avait fait tomber une cagette de bois remplie de légumes pourris...
Le cœur battant la chamade et l'esprit embrouillé, la jeune femme retourna au Chaudron Baveur et s'enferma dans sa chambre. Elle se roula en boule sur son lit et sanglota. Elle avait été à deux doigts de révéler à Malefoy et Harry ce qu'elle avait fait pendant l'année écoulée, mais elle en avait été incapable. Les mots étaient restés coincés dans sa gorge, menaçant de la faire suffoquer, alors elle avait préféré partir avant de fondre en larmes devant eux...
Un discret cognement interrompit les sanglots de la jeune femme et elle releva la tête.
— Qui est-ce ? demanda-t-elle en s'essuyant les joues.
— C'est moi, Miss Granger...
La voix était impossible à ne pas reconnaître. Hermione se mordit la lèvre puis agita la main et le verrou glissa. La porte s'ouvrit ensuite et Lucius Malefoy se faufila dans la pièce avec hésitation.
— Oh, Miss... dit-il en la voyant recroquevillée sur son lit, un ours en peluche coincé entre ses bras. Drago vient de rentrer, il...
— Comment vous saviez que j'étais là ? le coupa la jeune femme.
— Je l'ai... deviné ?
Hermione ronfla.
— Un elfe de Maison a cafté ? grinça-t-elle. Je ne veux plus de votre « aide », Monsieur Malefoy, vous en avez fait assez.
— Justement non.
Hermione haussa un sourcil et regarda l'homme blond. Elle nota alors sa main bandée et se mordit la lèvre.
— Pardon, dit-elle en détournant le regard.
— Pour ?
— Votre main... C'est à St-Mangouste, n'est-ce pas ? Quand j'ai transplané dans le couloir...
— Hm, oui, mais ce n'est pas grave, juste quelques... écorchures...
Un silence s'installa et Lucius soupira alors. Il entra dans la chambre et alla s'asseoir sur la seule chaise de la pièce, vieille et bancale.
— Asseyez-vous, je vous en prie, grinça Hermione.
— Merci. Mais revenons-en à vous... Pourquoi êtes-vous dans cet état ?
Hermione pinça la bouche et secoua la tête.
— Ce n'est rien... Ça va passer, comme le reste, répondit-elle.
Lucius serra les mâchoires puis soupira par le nez.
— Écoutez, Miss, j'aurais besoin que vous répondiez à une question qui me taraude depuis quelques jours...
Hermione le regarda et plissa les yeux.
— Quelle question ? demanda-t-elle.
— Une question... sur votre vie actuelle.
La jeune femme fronça les sourcils puis déplia ses jambes et déposa le nounours près d'elle contre l'oreiller.
— Je vous écoute ?
Lucius grimaça.
— Est-ce que vous êtes une femme de la rue ?
Hermione haussa un sourcil.
— Une... Vous voulez dire, une prostituée ? Non.
Lucius soupira de soulagement.
— Plus maintenant, du moins, acheva alors la Gryffondor.
L'homme blond eut un hoquet et se leva brusquement. Hermione sursauta et leva une main, prête à se défendre au cas où, mais Lucius se contenta de la regarder froidement avant de tourner les talons et de quitter la chambre.
Hermione ferma les yeux et serra les lèvres. Aucune larme ne coula cependant et elle souffla longuement. Regardant la porte de la chambre restée ouverte, elle se mordit la lèvre puis se leva, attrapa son manteau et quitta la pièce.
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