— Quand arrive-t-elle, Maître ?
— Je l'ignore, répondit Lucius. Tout est prêt ?
— Oui, bien entendu, répondit Nellis. Dois-je demander une femme de chambre ?
— Pour Miss Granger ? s'étonna l'homme blond. Elle était une prostituée, Nellis...

L'Elfe de Maison, debout sur un gros livre qui flottait à un mètre du sol, en train de faire les poussières dans le salon, grimaça.

— Je sais ce que tu penses de ces filles, Nellis, répondit Lucius en s'asseyant dans son fauteuil près de la cheminée. Mais Hermione Granger est un héros, sans elle, nous serions sous la coupe du Lord...
— Entendre de telles paroles de votre bouche me surprend, Maître, répondit l'Elfe. Vous avez hébergé le Lord dans cette maison, tout de même...

Lucius baissa le nez.

— Et j'ai payé pour ça, dit-il. J'ai passé un an loin des miens, j'ai été torturé, mentalement, physiquement, j'ai été obligé de ramper devant des sorciers qui m'étaient inférieurs en tout... Mon mariage a été brisé à cause de ça, mon fils a quitté mon foyer et va se marier prochainement... Ne crois-tu pas que j'aie assez souffert ?
— Si, sans doute, mais il y a des dizaines de façons de se racheter une conduite et une conscience, autre que de vouloir redonner à trois adolescents le mérite qui leur revient.

Lucius plissa les yeux. Il agita alors la main et Nellis s'éloigna avec son plumeau, perchée sur son livre enchanté.

.

— Alors ? C'est le grand jour ?
— Oui... Enfin, presque.

Hermione était assise à la petite table de la cuisine de Tom, le barman du Chaudron Baveur. Deux semaines plus tôt, Drago Malefoy était venu lui apporter la clef du manoir Malefoy et lui dire qu'elle pouvait aller s'y installer dès qu'elle le déciderait.

— Pense-tu t'y plaire, là-bas ? demanda soudain le barman en claudiquant jusqu'à son évier pour remplir le broc à eau.
— Oui, répondit Hermione en prenant une frite dans son assiette.

Le service était terminé, il ne restait que quelques piliers de bar dans le pub et bientôt, Tom les chasserait pour fermer, mais en attendant, ils prenaient une pause bien méritée et en profitaient pour dîner, et ce malgré l'heure plus que tardive.

— Pourquoi ?
— Pourquoi ? demanda la Gryffondor en regardant le vieux barman. Surement pas parce que c'est le manoir d'un riche aristocrate plein aux as, non.
— Alors pourquoi ?
— Parce que je serais loin d'ici, loin de ces sorciers que j'ai pu rencontrer, qui ont pu un jour passer dans mon lit de pute... Chez Lucius Malefoy, je serais à l'abri de tout, je pourrais utiliser mon temps libre pour me faire oublier, pour retrouver mes amis, pour essayer de trouver un moyen de soigner mes parents... De me soigner...
— Tout cela est bien beau, Hermione, mais que va-tu lui donner en échanger de tout cela, hein ? Va-tu offrir ton corps une dernière fois à Lucius Malefoy pour le remercier de t'aider ?

Hermione déglutit et baissa le nez.

— Non, dit-elle. Lucius Malefoy est un homme, un adulte, le père d'un ancien camarade de classe, je ne peux pas faire cela, quand bien même je le voudrais.
— Alors tu vas utiliser sa maison, son argent, son affection, sans rien lui donner en retour ?

Hermione regarda le barman avec tristesse puis secoua la tête.

— Je ne sais pas, Tom... Je ne suis pas encore arrivée à ce point dans la refl-...

Un hurlement de sauvage résonna soudain dans la salle du pub et Tom soupira. Il jeta un coup d'œil sur la pendule et décida qu'il était temps que le Chaudron Baveur ferme ses portes pour la nuit.

.

Le lendemain matin, alors que le soleil se levait à peine, assise au bord de sa fenêtre, Hermione écoutait les bruits du monde Moldu invisible. Dans deux jours, elle allait se tenir au même endroit, dans la même position, mais dans une maison et une chambre totalement différente avec à la place de la ville nauséabonde, des champs à perte de vue.

Regardant le Chemin de Traverse encore vide à cette heure si matinale, Hermione se redressa et soudain, quitta son poste d'observation et alla arracher un parchemin à son carnet de feuilles. Elle rédigea un rapide mot, très succinct, qu'elle envoya à Malefoy junior par l'intermédiaire de la cheminée.
La réponse ne se fit pas attendre et ce fut Drago en personne qui débarqua dans la petite chambre avec, surprise, Astoria Greengrass à son bras.

— Je ne pensais pas que tu viendrais, dit Hermione en regardant le blond. Ni elle.
— Ta question m'a intrigué, répondit celui-ci. Granger, je te présente Astoria Greengrass, Astoria, Hermione.

Hermione trouva étrange d'entendre le Serpentard l'appeler par son prénom, mais elle ne releva pas et serra la main d'Astoria. Malefoy regarda ensuite Hermione.

— Tu n'es pas sérieuse quand même, dit-il.
— Si, très. J'ai largement de quoi l'acheter.

Astoria pivota.

— Acheter ? demanda-t-elle. Quoi donc ? Personne ne voudra de votre argent, Miss...

Elle releva le menton et Hermione serra les lèvres sans la regarder. Elle décida de l'ignorer.

— Je t'assure, Malefoy, j'ai de quoi...
— Granger, ce n'est pas raisonnable... C'est une maison de Mangemort, elle tombe en ruines et il faudra la faire totalement purifier...
— Ça m'est égal, Drago, répondit Hermione, les sourcils froncés. C'est son manoir...

Malefoy déglutit. Il secoua lentement la tête puis haussa les épaules.

— À qui appartient-il à présent ? demanda alors Hermione.
— À Poudlard. Il a fait don de toutes ses possessions à Poudlard...

Astoria fronça les sourcils.

— Mais de qui diable parlez-vous, tous les deux ?

Hermione pinça les lèvres.

— De Severus Rogue, répondit-elle. Et notre conversation ne vous regarde pas.
— Granger, s'il te plaît...

Hermione détourna le regard d'une Astoria un peu choquée et regarda Malefoy.

— Je l'ai vu mourir... dit-elle. Il est mort sous mes yeux, il... Drago, il avait trente-huit ans, bordel !

La brunette se mordit la lèvre. Elle se détourna soudain et se frotta le visage.

— Ce n'est pas pour moi que je ferais ça, dit-elle en pivotant. Je me fiche de vivre dans un manoir ou dans une chambre de bonne, je le ferais pour lui.
— Granger, écoute, je sais que...
— Non, tu ne sais pas, répondit Hermione. Tu ne sais pas ce que ça fait de voir mourir quelqu'un sous tes yeux, de voir agoniser pendant des secondes interminables, le regard terrorisé, un homme avec qui tu as passé sept ans, avec qui tu as grandi... Tu ne sais pas ce que ça fait, Drago, parce que tu es un lâche, parce que tu n'as jamais tué !

Deux larmes glissèrent sur les joues de la jeune femme qui ferma les yeux. Un marmonnement troubla le silence et Hermione regarda Astoria et son regard flamboya.

— De quel droit... ! dit-elle entre ses dents.
— Hermione...

La jeune femme regarda Malefoy, puis Astoria qui avait un sourire suffisant sur le visage, les bras croisés.

— Tu vas sérieusement épouser ça ? dit alors la Gryffondor.
— « Ça » ? dit Astoria, surprise. Je suis une personne, une sorcière, Miss Granger, pas un pot de fleur.
— Hm, une fois mariée, si vous le serez, répondit Hermione, sèche.
— Mesdemoiselles, je vous en prie, tenez-vous, dit alors Malefoy. Astoria, rentrez chez vous, je vous rejoindrais plus tard.

La grande perche rousse ne se fit pas prier. Elle transplana bruyamment et Hermione détourna la tête. Elle regarda ensuite Malefoy et s'excusa.

— Tu es tendue, c'est tout, dit le blond. Astoria est une pimbêche, elle est encore pire que sa sœur, ajouta-t-il. J'aurais sans doute mieux fait de choisir Pansy, comme c'était prévu au départ, mais Madame Parkinson est morte dans la bataille de Poudlard, donc Pansy a été contrainte d'épouser un homme que son père lui a choisi...
— Parkinson est mariée ? À qui ?
— Un sorcier français, très riche, qui l'a prise en pitié. Mais passons. Écoute, acheter le Manoir Rogue t'apportera quoi, hein ?
— Une maison, pour commencer, répondit Hermione en dodelinant de la tête. Je n'ai pas l'intention de passer ma vie aux crochets de ton père. Je suis extrêmement reconnaissante pour tout ce que vous avez fait pour moi tous les deux, ces dernières semaines, mais il y aura un moment où cela va s'arrêter... Je vais devoir trouver un compagnon et continuer ma vie, et pas question de vivre chez ton père à ce moment-là.
— Et le Manoir Rogue est mieux ? Il tombe en ruines...
— Justement. Le professeur Rogue ne s'en occupait pas, c'était lié à de trop mauvais souvenirs, mais il est mort sous mes yeux et je n'ai rien pu faire pour l'en empêcher... Je voudrais juste faire ça, pour lui, pour le remercier de nous avoir supportés pendant sept longues années... et pour avoir donné sa vie pour Harry. Même s'il n'a jamais été une personne très affable pendant tout ce temps.

Malefoy plissa les yeux. Il secoua ensuite la tête et abandonna.

— Très bien, dit-il. Tu veux que je te prête notre Notaire ?
— Je n'en ai pas donc, tant qu'à faire...

Malefoy opina et attrapa un morceau de parchemin. Il écrivit rapidement une adresse dessus puis le tendit à Hermione.

— Va le voir de ma part, ou de mon père, comme tu veux, il te recevra. Explique-lui bien que tu veux acheter le Manoir Rogue pour que le professeur ne tombe pas dans les oubliettes et non parce que tu as besoin d'une maison.

Hermione hocha la tête puis Malefoy la laissa et la jeune femme s'assit sur son lit, pensive. Acheter le Manoir lui coûtera sans doute une bouchée de pain, car il semblait en très mauvais état, selon les dires de Malefoy Junior, et elle allait sans doute passer des années à le réhabiliter, à le purifier de la magie noire qui avait empoisonné ses entrailles pendant des années... Mais elle était persuadée que cela valait le coup !

.

Il ne fallut pas longtemps à Hermione pour aller voir le notaire de la famille Malefoy. Celui-ci, s'il fut surpris de voir la jeune femme dans sa salle d'attente, le fut encore plus quand elle lui annonça vouloir acheter le Manoir Rogue...

— C'est une ruine, Miss... dit l'homme chauve avec des petites lunettes carrées. Vous allez passer tout votre pécule à le rénover ?
— C'est nécessaire pour moi, répondit Hermione. J'ai vu mourir le professeur Rogue, Monsieur, il a agonisé sous mes yeux puis s'est éteint, seul, sans que ni Harry, ni Ron ni moi n'ayons pu faire quelque chose.
— Je comprends que ce soit une vision plutôt traumatisante, mais de là à...
— Je sais. Mais j'ai vécu une année monstrueuse et j'ai besoin de faire le tri dans ma vie, de savoir où j'en suis et surtout, qu'on reconnaisse enfin que ce ne sont pas les Aurors qui ont tué Voldemort.

Le Notaire eut un violent tressaillement et Hermione lui jeta un regard. L'homme souffla ensuite et secoua la tête.

— Très bien, dit-il. Vous me semblez déterminée et avoir les pieds sur terre... Sachez toutefois que le manoir appartient à Poudlard aujourd'hui, le professeur Rogue a tout légué au directeur de l'école magique, qui qu'il soit. C'est donc au professeur McGonagall que je vais adresser votre demande. Avez-vous un prix en tête ?
— Pas spécialement. Mais tout le monde s'ingénie à me dire que c'est une ruine donc...

Le Notaire pinça la bouche.

— Combien êtes-vous disposée à mettre ?
— Sachant qu'il me faut garder de l'argent de le faire rénover, je dirais pas plus de vingt mille Gallions, répondit Hermione.

Le Notaire pinça la bouche.

— C'est bien en dessous de sa valeur réelle, dit-il.
— Sérieusement ? C'est une ruine, répondit Hermione. Une ruine où ont vécu plusieurs générations de Mangemorts, il est infesté par la magie noire des combles aux caves et vous pensez que vingt mille Gallions c'est peu cher payé ? Je trouve que c'est largement suffisant.

Le Notaire souffla par le nez.

— Bien, dit-il. Je peux toujours contacter la Directrice de Poudlard et lui soumettre votre offre, mais ne vous attendez pas à ce qu'elle soit acceptée, c'est vraiment un prix très bas...

Hermione plissa les yeux.

— Quel serait le prix réel ? demanda-t-elle finalement.
— Soixante, soixante-dix mille Gallions, environ, en prenant en compte les réparations à faire, la magie noire et la réputation de l'endroit, comme vous l'avez souligné.

Hermione secoua la tête.

— Non, dit-elle. C'est largement au-dessus de mes moyens...

C'était un mensonge, mais l'homme n'avait pas besoin de le savoir.

— Bien. Je vais donc faire la proposition au professeur McGonagall et je vous recontacte d'ici quelques jours, dit-il.

Le Notaire se leva et Hermione l'imita puis ils se serrèrent la main et la jeune femme transplana au Chaudron Baveur. Elle entreprit alors de faire ses bagages et décida, dans la foulée, d'emménager chez Lucius Malefoy. De cette façon, elle pourrait aller plus aisément jusqu'au Manoir Rogue et juger par elle-même de la gravité des dégâts...