Le sourire de ma fille
Quand ma fille est née, ça a été le plus beau jour de ma vie. La première fois que je l'ai vue, que je l'ai serrée dans mes bras, j'ai su qu'elle serait le centre de mon monde. Je n'oublierai jamais le jour où la sage-femme est venue me la déposer dans les bras, après l'accouchement. J'étais épuisée et en sueur, mais dès que l'ai vue, toute la souffrance de ce moment s'est évaporée pour laisser place à un bonheur incommensurable.
Avec mon époux, nous avons décidé de l'appeler Alaia qui signifie bonheur et joie, en basque. Ce prénom a été une évidence pour nous, ça lui correspondait tellement.
Tout chez elle était magnifique, de ses petits pieds roses, à ses grands yeux bleus. C'était vraiment le plus beau bébé que je n'avais jamais vu. Mais, il y a une chose en particulier que je ne pourrais jamais oublier... Son sourire.
La première fois que je l'ai vue illuminer son visage, je me suis jurée que toute sa vie elle le garderait, que rien ne pourrait lui enlever.
Son sourire était ma raison de vivre. Ma raison de me lever le matin. Et ce qui me remontait le moral quand ça n'allait pas. Oui, juste pour voir ma fille sourire, j'aurais pu aller jusqu'au bout du monde, déplacer des montagnes et même décrocher la lune.
Son grand sourire avec, pour l'instant, seulement quelques dents, était pour moi réconfortant. Il était rempli d'innocence et d'amour. Ses grands yeux bleus n'ont jamais eu à voir le côté mauvais du monde. Et pour éviter que son sourire ne s'efface, j'aurais pu faire n'importe quoi.
Malheureusement, aujourd'hui, mon bébé ne sourit plus. Le sourire qui autrefois arborait son joli visage d'ange, à laisser place à un visage neutre, sans expression.
J'aurais tellement voulu empêcher ça...
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Ce jour-là a commencé comme tous les autres. Après mon travail, je suis allée chercher ma princesse à la crèche, comme tous les jours.
Mais, cet après-midi-là, j'ai décidé de changer le programme. En ce mois de juin, il faisait particulièrement chaud. Alors, au lieu de juste rentrer à la maison et attendre que mon mari arrive, j'ai décidé de l'emmener manger une glace pour le goûter. Je sais, ce n'est pas recommandé d'offrir une glace pour le goûter à une enfant de deux ans, mais je me suis dit que pour une fois ça ne pouvait pas lui faire de mal.
J'ai donc changé de direction pour me diriger vers le glacier du centre-ville.
Arrivée sur la place, nous sommes descendues de la voiture pour choisir nos glaces, dans un jolie petit glacier ambulant. Alaia en a prise une à la fraise et moi à la vanille. Elle faisait exprès de s'en mettre sur le nez pour faire le clown. Toujours avec son grand sourire et sa glace partout, elle m'a regardée, les yeux pétillants de joie, et m'a dit :
— Merki, ma p'tite maman d'amour ! Ze t'aime gros comme ça, a-t-elle ajouté levant ses petits bras vers le ciel, ce qui a eu pour effet de faire tomber la boule de glace au sol.
Ma fille a aussitôt arrêté de rire, baissant le regard vers le sol.
— Oh oh.
En voyant qu'il ne lui restait plus que le cône dans ses mains, elle a levé ses grands yeux bleus vers moi, l'air penaud, avant de baisser la tête vers la boule à la fraise.
Voir sa petite bouille d'ange fixer désespérément la glace fondre sur le bitume, m'a fait éclater de rire. Elle était tellement adorable. Alaia a relevé les yeux vers moi, choquée. Pendant quelques secondes, elle est restée là, à me regarder rire de la situation, sans comprendre. Son regard jonglait entre la glace au sol, son cône vide et mon visage rieur. Puis, à son tour, elle s'est mise à rigoler aussi fort que moi. Elle est venue se jeter dans mes bras, en m'embrassant la joue d'un baisé collant. J'avais de la glace à la fraise partout, mais je m'en fichais royalement, ma petite princesse était heureuse, c'est tout ce qui comptait.
Après notre petite mésaventure, une fois que nous avons terminé ensemble le restant de mon cône, j'ai décidé qu'il était temps de rentrer à la maison. Sur le chemin du retour, Alaia s'amusait à sentir chaque rose, tulipe et jonquille que nous croisions. C'était son truc, elle faisait toujours ça quand nous sortions ; sentir l'odeur de toutes les fleurs sur notre chemin. Cela nous faisait beaucoup rire, avec mon mari. C'est de là que vient son surnom, «petite fleur».
Après avoir traversé la place, au moment d'arriver sur la chaussée pour rejoindre notre voiture, garé à quelques mètres, j'ai pris la main d'Alaia dans la mienne.
Au même moment, la sonnerie du lycée juste en face a retentit, signant la fin des cours. La seconde qui suivit, une nuée de lycéens est sortie de leur établissement. En l'espace de quelques minutes, la petite place était devenue noire de monde.
Alors que nous étions en train de traverser au milieu de la foule. J'ai senti la petite main de ma fille lâcher la mienne. Je me suis retournée pour la voir, mais rien. Il y avait trop de gens.
— Alaia ! ai-je crié, pour la retrouver. Alaia ! Alaia !
N'entendant aucune réponse de sa part, je me suis mise à crier son nom de plus en plus fort. Je sentais mon cœur s'accélérer. Je paniquais complètement. Je ne la voyais plus, je ne voyais pas mon bébé. Je poussais les lycéens devant moi pour essayer de la voir, mais la foule était trop dense.
— Vous n'avez pas vu ma fille ? ai-je demandé, à toute les personnes que je croisais. S'il vous plaît, personne n'a vu une petite fille, toute seule ?
Mais les réponses des adolescents étaient toutes négatives. Mon cœur battait de plus en plus vite, la peur me submergeant.
— S'il vous plaît, vous n'avez pas vu une petite fille ? ai-je imploré à un petit groupe de filles, devant les grilles du lycée. Elle a deux ans, elle a les cheveux châtains foncés et bouclés. Et e-elle a aussi des yeux très bl-
Soudain, un bruit de voiture percutant quelque chose et des cris hystériques m'ont arrêtée dans mes explications. Je me suis retournée pour voir ce qu'il s'était passé, mais de là où je me trouvais, je ne voyais rien. Je me suis frayée un passage entre les jeunes agglutinés autour de la voiture en priant de ne pas voir mon pire cauchemar.
Je suis arrivée devant la scène et là, j'ai senti mon cœur rater un battement. Mon pire cauchemar venait d'arriver. Mon bébé, ma fille, était étendue là sur le goudron à côté de la voiture. Un hurlement résonne dans mes oreilles, mon hurlement. Je me suis précipitée en pleurs sur elle. Je l'ai prise dans mes bras. J'ai serré son tout petit corps inerte en lui demandant de ne pas me laisser, de ne pas m'abandonner. Ses vêtements étaient couverts de sang, son sang. Je me suis mise à hurler encore plus fort.
— Pitié, aidez-moi ! Aidez ma fille ! C'est mon bébé, mon amour... S'il vous plaît, faites quelque chose. Pitié, appelez une ambulance ! Je vous en supplie, mon bébé ne bouge plus !
Personne ne réagissait, ma princesse s'éteignait et eux, ils restaient figés.
— Alaia ! Alaia, ne m'abandonne pas ! Regarde-moi ! Alaia, mon cœur, ouvre les yeux ! Je t'en supplie, regarde maman ! Je suis là, ma princesse, maman est là ! Pitié, réveille-toi !
J'ai relevé les yeux vers tous ces témoins, ne comprenant pas pourquoi personne ne bougeait.
— Mais, merde, faite quelque chose ! Je vous en prie sauvez mon bébé ! Elle n'a que deux ans ! Pitié, faites quelque chose ! Oh mon Dieu, non ! Alaia, ma petite fleur, je t'en prie, reste avec moi...
Je n'ai pas arrêté de hurler et de pleurer de rage, de douleur et de peine jusqu'à ce qu'une ambulance arrive enfin. J'avais l'impression qu'elle avait mis une éternité à arriver. Alaia ne bougeait plus. Elle ne souriait plus. Une flaque de sang s'était formée autour de nous.
Quand les secours sont arrivés à notre hauteur, ils l'ont regardée un moment, ils ont pris son pouls, examinée l'état de ses blessures, puis m'ont regardés, les yeux remplis de compassion et d'empathie, et m'ont dit :
— Madame, je... Il n'y a plus rien à faire...
Madame, il n'y a plus rien à faire...
À entendre ces mots, mon cœur s'est arrêté. Je ne voulais pas le croire. Non, ce n'était pas possible. Non, je ne pouvais pas l'accepter. Non, mon bébé ne pouvait pas être morte. Ce n'était pas possible.
Non.
Je ne veux pas. Je ne l'accepte pas !
J'ai senti des mains se poser sur mon dos et une voix lointaine qui m'expliquait quelque chose, mais j'étais incapable de comprendre ce qu'on me disait. Tout autour de moi avait disparu, je ne voyais que ma petite fleur, couverte de sang et le visage livide, dans mes bras. Peu importe ce qui ce passait autour, je restais scotchée à ma fille, la serrant contre moi de toutes mes forces. Je sentais mes larmes dévaler mes joues à une vitesse folle, mais je ne parvenais pas à m'arrêter.
Mon bébé est mort.
Oui, mon enfant est mort... Mais comment est-il possible que l'homme qui a tué ma fille soit encore en vie ? Comment est-ce possible que lui sa vie continue, alors que celle de ma fleur s'est arrêtée là ? J'ai envie qu'il souffre pour ce qu'il a fait. Non, en fait, j'ai envie de le tuer. J'ai envie de le voir mourir à la place d'Alaia. Ma si douce et magnifique petite fille...
~~~
Plus tard, on m'a appris que l'homme en question n'avait tout simplement pas vu Alaia arriver sur la route. Il roulait à la bonne vitesse, il n'était pas saoûl, ni drogué. Il ne l'a tout simplement pas vue. Elle était tellement petite que personne n'aurait pu la voir. D'ailleurs, personne ne s'est rendu compte qu'une petite fille était toute seule au milieu de la chaussée. Non, personne. Pour tout le monde, c'est juste un accident, un tragique accident, mais un accident quand même. Alors que pour moi, ça a été la fin de ma vie.
Mon enfant n'est plus là et mon mari m'a quittée suite à cela. Il m'accuse d'avoir tué notre fille. D'avoir lâché sa main et d'avoir, par conséquent, causé sa mort. On ne cesse de me répéter qu'il a tort, que ce n'était pas de ma faute, mais au fond, il a raison.
Si je n'avais pas lâché sa main. Si je l'avais gardée en vue. Si nous étions parties plus tôt du glacier. Ou si nous n'étions pas allées manger une glace. Si nous étions rentrées à la maison... Mon ange serait encore de ce monde aujourd'hui.
Oui, si une seule chose c'était passée autrement, alors ma fille aurait toujours son merveilleux sourire sur le visage.
Son sourire s'est effacé à jamais et ça, par ma faute.
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Bonjour ! Voici un autre OS datant de plusieurs années, publié sur mon profil, que je décide de mettre dans ce recueil. Étant donné que je n'ai pas internet là ou je loge actuellement, je ne peux pas publier de nouveau texte, ducoup je ne peux publier que d'ancien texte via mon portable... En espérant qu'il vous plaît aussi ;)
Bisous !
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