Honteuse Faiblesse
Ma main s'est levée toute seule. Je n'ai pas su la retenir. Et sans m'en rendre compte, elle s'est abattue sur sa toute petite joue.
Son doux visage qui, auparavant, arborait une jolie couleur pêche, maintenant est d'un rouge vif. Je vois la trace de ma main se dessiner progressivement sur sa petite joue.
Tout s'est passé trop vite. Beaucoup trop vite. Je ne me suis pas rendue compte de ce que je faisais. Mon Dieu, pardonnez-moi... Parce que j'ai frappé mon fils.
Sa petite main vient se placer sur la marque que je lui ai faite. Son visage est ravagé par les larmes. Ses yeux me dévisagent. Il a peur. Il a peur de moi, sa mère.
Je voudrais m'approcher, le serrer contre moi. Lui dire que je regrette. Mais il ne m'en laisse pas l'occasion. À chaque pas que je fais pour me rapprocher de lui, il recule de deux. Il me dévisage, terrifié. Ses grands yeux verts qui hier avaient pour moi tout l'amour du monde, aujourd'hui n'osent même plus me regarder en face.
Devant cette vision, je suis paralysée. Comment ai-je pu faire une telle chose ? Comment ai-je pu lever la main sur un être innocent ? Mon petit garçon, l'amour de ma vie, je te fais peur et je ne peux pas t'en vouloir. Je suis la pire des mères...
Sans dire un mot, je pars dans la cuisine. Je suis en colère. Je tremble de rage. J'ai envie qu'on inverse les rôles. Je voudrais qu'il se venge, qu'il me frappe, qu'il m'insulte, qu'il me hurle quel monstre je suis.
Je m'effondre sur une chaise en larmes. Je voudrais tout effacer revenir en arrière. Que son petit visage d'ange retrouve son sourire, et qu'il me raconte sa journée.
Je voudrais recommencer cette soirée à zéro. Effacer ce geste malheureux que j'ai eu.
Tout ça à cause d'un verre. Un stupide verre d'eau renversé.
Nous étions à table. Comme tous les soirs, mon petit garçon me racontait sa journée. Il était tout heureux parce qu'il avait eu un "bravo" en lecture. Il est encore au CP, alors c'était une grande victoire pour lui. Je me souviens de son merveilleux sourire. Il était tellement fier.
Mais moi, je n'étais pas d'humeur. Toute la semaine, j'ai eu des ennuis à mon travail, au supermarché. Avec les clients, mes collègues ou même mon patron qui refuse mon augmentation, malgré toutes les heures supplémentaires que je fais. C'est de plus en plus dur de joindre les deux bouts à la fin du mois. Et il y a tous les problèmes avec la maison qui tombe en miettes, mais je n'ai pas les moyens de la faire réparer. C'est difficile depuis que mon mari est parti, en me laissant seul avec un enfant de six ans à charge. Sans compter le voisin qui n'arrête pas de me prendre la tête pour une foutue haie mal taillée.
Non, je n'étais vraiment pas d'humeur à me réjouir avec lui. Mais rien ne peut justifier ce qui s'est passé ensuite.
Au milieu du repas, alors que j'étais toujours plongée dans mes pensées, j'ai entendu le bruit d'un verre tomber au sol. J'ai relevé la tête et j'ai vu mon fils, tout penaud, en train de regarder par terre. Il l'avait renversé dans sa joie. Le verre était au pied de la table, il n'était pas cassé, mais l'eau qu'il contenait s'était répandue sur le sol de la salle à manger. Ce n'était rien de grave, et en temps normal juste une serviette aurait suffi à effacer sa petite bêtise.
Mais ce petit incident fut, pour moi, la goutte de trop. Sans que je sache pourquoi, je me suis levée de rage, j'ai saisi son petit bras frêle pour le faire descendre de sa chaise et je l'ai... frappé. J'ai frappé mon fils.
J'ai tellement honte. Il n'avait rien fait de mal, pourtant, je me suis vengée sur lui. Toute ma colère que j'avais au fond de moi, je lui ai envoyé en pleine figure. Ce n'était pas à lui que j'en voulais, mais à tous les autres. Malheureusement, comme je ne peux pas m'en prendre à ces personnes, c'est mon enfant de six ans qui a pris ma colère sur lui.
Ça s'est passer trop vite, je n'ai pas eu le temps de réfléchir que ma main était partie...
Je suis un monstre.
Soudain, je le vois. Il est là. Debout dans l'encadrement de la porte. Il arrive à peine à la hauteur de la poignée. Dans ses petites mains, il tient le verre qu'il a fait tomber quelques instants plus tôt et qui lui a valu une gifle. Malgré tout, il l'a ramassé pour se faire pardonner.
Il baisse la tête et me murmure d'une voix sanglotante :
— Je suis désolé, maman...
Ces quatre petits mots me déchirent le cœur. Ils me donnent envie de hurler, de pleurer toute la colère que je ressens contre moi.
Non, mon fils, ne t'excuse pas. Rien n'est de ta faute. C'est moi qui suis désolée. C'est moi qui mérite d'être punie. C'est moi le monstre qui a levé la main sur un être aussi pur que toi.
Non, surtout ne t'excuses pas, mon chéri. Je t'aime plus que tout au monde, mon cœur... Tu es toute ma vie et je t'ai battu. Mon enfant, mon amour, pardonne-moi.
Je voudrais tellement lui dire ce que je pense. Le serrer dans mes bras. Lui dire que je regrette, que je l'aime plus que tout l'or du monde. Mais je n'y arrive pas. Je reste bloquée. Et tout ce que j'arrive à dire c'est :
— D'accord, va dans ta chambre maintenant. Je t'appellerai quand tu pourras descendre.
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