ℭ𝔥𝔞𝔭𝔦𝔱𝔯𝔢 38
─ Je dois trouver le contrat qui lie Angel à Valentino, déclara Vernon. Pour ça, je peux essayer de faire d'Azzurra mon alliée pour m'aider à le trouver. Cela fait, je remets le contrat à Alastor avant la prochaine pleine lune, et il ne me transformera pas en manteau en fourrure pour son micro.
─ ... Quoi ?
Vernon chercha dans le regard de Husk une lueur de stupidité, qu'il ne trouva pas. Il était vraisemblablement en train de se foutre de lui.
─ Comment ça « quoi » ?
─ Bordel, Vernon, j'suis en train de bosser et toi tu viens m'balancer tout ça. J'suis sensé dire quoi ? « Lourd » ? « Cool » ?
Dis comme ça, il n'a pas tord...
Husk posa le verre qu'il était en train d'astiquer et le pointa du bout de son torchon.
─ Écoute-moi bien, commença-t-il tout bas. T'es en train de me fournir des informations que je ne devrais pas savoir. T'as pensé à ce qu'il me ferait s'il l'apprenait ?
─ Je te demande juste de m'aider, supplia Vernon en se penchant au-dessus du comptoir. Je n'ai que deux semaines pour y parvenir et je sais même pas par où commencer.
─ Alors déjà, commence par m'expliquer qui est Azzurra, suggéra-t-il avant de prendre une gorgée de bière.
─ La fille de Valentino, s'empressa-t-il de répondre.
Husk recracha sa boisson.
─ Comment ça "il a une fille" ?! rugit-il.
Vernon lui fit signe de parler moins fort. Le chat ailé serra les dents et reposa sa bouteille.
─ T'es vraiment doué pour te foutre dans des pétrins pas possibles.
─ Je t'en supplie, Husk, t'es le seul en qui j'ai confiance ici !
Le plus âgé le scruta avec hésitation.
─ T'as demandé à Charlie ? C'est une princesse surpuissante, elle pourrait t'aider.
Vernon se ratatina sur son siège.
─ C'est... difficile, avoua-t-il dans un soupir.
Silence.
─ C'est parce qu'elle a aidé Alastor à contacter ton père sans t'en avoir parlé ?
─ J'ai de la peine à lui pardonner ça, acquiesça-t-il en se prenant dans les bras, le regard fuyant. Si j'en parle à Vaggie, elle va forcément en parler à Charlie ; je ne peux pas en parler à Angel parce qu'il ne fera rien contre Valentino ; Alastor, laisse tomber ; et Niffty je ne la connais pas plus que ça, j'ignore même si elle sait faire autre chose que tuer des cafards... Et je ne suis pas proche des autres résidants...
─ Niffty est un spécimen assez complexe à comprendre, j'te l'accorde. Mais pourquoi moi ?
─ Parce que sans ton aide, je suis fichu...
Vernon laissa tomber sa tête sur la table, anéantie. Au fond de lui, il comprendrait parfaitement que Husk refuse de l'aider cette fois, après tout Vernon avait embrassé son petit-copain – ou son flirt, ou peu importait le statu de leur relation – et s'il l'apprenait, Husk se chargerait sûrement de lui-même de son exécution.
─ Je sais même pas ce que je suis sensé faire, sanglota-t-il doucement. Je n'ai pas envie d'être impliqué dans un contrat d'âmes au risque de me faire à nouveau détester... Mais si je ne le fais pas, Alastor me le fera payer... Je suis perdu, Husk...
Vernon sentit une main chaude sur son épaule, ce qui le fit lever la tête.
─ Dis-moi ce que je peux faire.
Un sourire perça à travers ses larmes.
─ Un conseil, n'importe quoi.
─ Un conseil, hein ?
Husk sembla pensif. Il prit une nouvelle gorgée de bière.
─ Ta Azzurra, là, qu'est-ce qu'elle peut t'amener ?
Vernon s'essuya le visage.
─ J-je ne sais pas... Elle habite chez Valentino de ce que j'ai compris... Angel m'a dit qu'elle n'était pas en de très bon terme avec son père.
─ Peut-être qu'elle pourrait t'aider à t'infiltrer dans des lieux fermés aux publics, proposa-t-il nonchalamment. Après, si tu veux mon avis, ça ne te ressemble pas d'utiliser les gens pour un truc aussi absurde que voler un contrat. T'es trop gentil pour ça.
Vernon roula des yeux.
─ J'suis vraiment loin d'être une bonne personne et tu le sais.
Husk haussa des épaules, l'air paresseux. Vernon soupira de désespoir.
─ Dans l'un ou l'autre cas, je vais faire ce qu'on attend de moi : voler un contrat, ou ne pas voler de contrat. Comment je fais pour être libre de faire mes propres choix quand tout ce qu'on me propose sont mes seules options ?
─ Bah, c'est sûr que va falloir choisir entre l'un ou l'autre. Mais t'es de loin pas obligé de manipuler des innocents ou mourir des mains du démon de la radio.
Ses yeux se perdirent dans le vide. Husk a raison. La façon dont je vais m'y prendre et comment ça va se terminer ne dépendra que de moi.
─ Et Angel ? qu'est-ce qu'il me dira s'il l'apprenait ? demanda-t-il, inquiet. Quand Joy a appris que j'avais essayé de l'aider, elle s'est mise à me détester. Je ne veux pas qu'Angel me déteste, lui aussi.
Husk reposa sa bière.
─ J'connais pas ta pote, mais je sais qu'Angel n'aime pas trop quand on essaye de l'aider, parce qu'il est persuadé ne pas le mériter. Sauf que là tu me dis que t'es même pas sûr qu'Alastor veuille faire quelque chose de positif avec ce contrat... Si j'étais toi, je me suiciderais, conclut-il avant de terminer cul-sec sa bière et se remettre à astiquer le verre.
Vernon regarda le comptoir, l'air dépité. Il se redressa lentement, prenant une profonde inspiration.
─ Merci Husk.
─ T'as un plan ? demanda-t-il, sceptique.
─ Non... Mais je vais bien finir par en trouver un. Et rester en vie, de préférence. Enfin, en mort, si ça se dit.
─ Fais attention à toi. On a tendance à vite s'habituer à l'Enfer, le mit-il en garde avec un sérieux troublant. N'importe quel acte habituellement mauvais peut devenir anodin.
─ Je tâcherai de m'en souvenir... Merci.
Vernon se leva, fit trois pas, s'arrêta.
─ Dis, je peux te poser une question ?
─ Euh, ouais ?
Il ne se tourna pas vers Husk, mais il pouvait lire la confusion dans sa voix.
─ Est-ce que tu aimes Angel ?
Le silence qui s'en suivit le poussa à insister.
─ Je connais quelqu'un qui a des vues sur lui, mais ce n'est pas une bonne fréquentation, dit-il en se retenant de ne pas se trahir. J'ai juste besoin de savoir que tu seras là pour protéger Angel des mauvaises personnes.
─ Je tâcherai de m'en souvenir, entendit-il dans son dos d'une voix blanche, quoiqu'un peu troublé par ses paroles.
─ Bonne nuit Husk.
─ Bonne nuit gamin.
Il partit sans se retourner, sans lui dévoiler ses larmes.
══════
Vernon se tournait et se retournait dans son lit.
« Mais t'es vraiment con putain ! Je t'avais dit que je ne voulais pas que toi et Cassidie vous vous en mêlez ! Va te faire foutre ! »
Il regarda le plafond.
« Joy est morte en me détestant. »
Son cœur battait si fort qu'il ne s'entendait pratiquement plus penser.
« Je ne veux pas qu'Angel me déteste, moi aussi. »
Il posa sa main sur sa poitrine, se redressant sur son matelas. Un rapide coup d'œil sur son téléphone le renseigna sur l'heure beaucoup trop avancée dans la nuit.
« J'ai juste besoin de savoir que tu seras là pour protéger Angel des mauvaises personnes. »
Il se cambra douloureusement. Il avait l'impression que son lit était en train de se dérober et qu'il allait se faire dévorer par les abysses de son anxiété.
D'une main, il attrapa son téléphone, tandis que de l'autre, il griffait la naissance de son cou, comme s'il cherchait à y introduire plus d'air. D'une main tremblante, il tapa dans la barre de recherche une musique douce et la lança à plein volume, espérant que cela l'empêcherait d'entendre davantage ses pensées.
Il ignora combien de temps sa crise d'angoisse dura. Tout ce qu'il savait, était qu'il avait déjà recouvré un semblant de calme lorsqu'il entendit quelqu'un frapper doucement contre la porte de sa chambre. Il ignorait qui pouvait venir le voir à deux heures du matin, aussi, le premier nom qui lui vint en tête fut Angel.
Lorsqu'il se leva, ses jambes étaient en coton et ses pensées confuses. Il éteignit la musique puis se tint contre le mur pour avancer jusqu'à la porte.
─ Ch-Charlie ? balbutia-t-il en papillonnant des yeux. Qu'est-ce que tu fais là ?
Malgré sa fatigue et l'éblouissement de la lumière du couloir, il devina qu'elle portait un pyjama.
─ J'ai reçu un appel d'un résidant qui se plaignait de la musique, expliqua-t-elle doucement. Je me suis dit que ça ne te ressemblait pas et je suis allée te voir... Tout va bien ?
Vernon resta silencieux. Il ne saurait pas dire s'il était simplement étonné de la voir ici en personne, ou trop fatigué pour produire le moindre son.
─ Si tu ne veux pas en parler, ce n'est pas grave, le rassura-t-elle. Il faudrait juste baisser le volume...
─ Désolé, bredouilla-t-il. Je ne m'en étais pas rendu compte.
Charlie parut le scanner de la tête aux pieds. Vernon se sentit embarrassé et frotta son visage, comme si cela pouvait effacer toute trace d'anxiété.
─ Tu veux qu'on en discute ? proposa-t-elle avec un sourire bienveillant.
Une question pleine de douceur qui mit Vernon hors de lui. Il voyait bien les efforts de Charlie à chaque fois qu'ils discutaient, certainement pour se rattraper d'avoir sans le savoir aidé Alastor à contacter son père au Paradis... Mais il revoyait Joy devant lui, qui essayait de faire de son mieux pour lui montrer qu'elle était présente pour lui, toujours.
Mais Charlie n'était pas Joy, et Joy était morte.
─ Je ne peux pas, avoua-t-il alors. Je ne peux pas discuter de sujets comme ça.
─ Pourquoi ? demanda-t-il, sincèrement étonnée.
Parce que tu lui ressembles trop mais je me rends compte avec le recul que ce n'est pas le genre de personnalité dont j'ai besoin dorénavant.
─ C'est compliqué, murmura-t-il à la place. Je n'ai plus besoin qu'on m'écoute, mais qu'on m'aide.
─ C'est pour ça que tu ne viens plus voir mon père ? demanda-t-elle d'une voix pleine de douceur.
Vernon hocha la tête.
─ Je croyais que ce genre de chose devait rester privé...
─ Il m'a demandé de tes nouvelles, avoua-t-elle, gênée de l'évoquer.
Il était vrai qu'il n'avait vu Lucifer que deux fois, en fin de compte. Il avait souvent été tenté de reprendre contact avec le roi mais il avait l'impression qu'il allait surtout tourner en rond.
─ Ça fait aussi très longtemps que tu ne participes plus aux ateliers, poursuivit-elle. Je sais que tu avais besoin d'un moment pour digérer plein de choses, mais peut-être que ça te ferait du bien de venir à une activité ?
La proposition ne l'enchanta pas. Mais il n'avait plus d'emploi où se réfugier, qu'allait-il faire maintenant ? Rester dans sa chambre toute la journée ?
─ D'accord, accepta-t-il avec une légère pointe de sincérité. Je veux bien revenir aux ateliers...
Charlie sourit, visiblement très ravi.
─ Super ! Je pourrais organiser un groupe de parole pour que vous puissiez tous échanger sur vos difficultés et entendre vos propositions pour y faire face ! Ce serait très enrichissant, crois-moi !
─ C'est... Oui, nan tu as raison, organise seulement et je viendrai.
Peut-être qu'un résidant proposera une bonne idée pour le sortir de cette mission sans mourir ?
─ Ah, et une dernière petite chose, appela Charlie, la main sur la porte.
Les oreilles de Vernon se dressèrent.
─ J'ai entendu que tu es allé voir Angel à son travail. Merci pour ce que tu fais pour lui.
Vernon rougit et détourna le regard. Sa réaction surprit Charlie.
─ Tout va bien ?
─ O-oui, c'est juste que... J'ai l'impression de faire des choses anodines et je reçois beaucoup trop de reconnaissances pour le peu que j'estime faire.
Il sursauta lorsqu'il sentit la jeune fille l'étreindre subitement. Hésitant, Vernon finit par lui rendre la pareille, nichant son nez au creux de son cou.
─ Je comprends ce que tu ressens. Mais crois-moi, je vois que tu lui fais beaucoup de bien. Et... je te l'ai déjà probablement dit, mais je suis désolée pour ce que j'ai fait. Je ne pensais pas à mal, si j'avais su je t'en aurais parlé plus tôt, mais j'avais peur de ta réaction.
Vernon fut frappé par ses paroles. Et instantanément, il s'en voulut d'être autant en colère contre elle.
─ Je crois que je vie un peu mal ma mort, avoua-t-il. Je ne devrais pas être en colère contre toi, mais c'est ce que je ressens pour le moment. Je vais faire de mon mieux pour que ça n'empiète pas notre relation, même si je sais qu'on n'est pas très proches, toi et moi... Le truc c'est que tu me fais vraiment penser à Joy, mais Joy est morte, et c'est encore très bizarre pour moi de discuter avec toi parce que je ne te connais que comme étant « la fille qui a le même charactère que ma meilleure amie décédée ». Faudrait que j'apprenne un peu mieux à te connaître et peut-être que je te verrais comme étant une « Charlie » à part entière...
Charlie recula, plantant son regard dans le sien. Ses yeux brillaient malgré les ténèbres.
─ Vernon, tu as raison ! Devenons amis !
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