ℭ𝔥𝔞𝔭𝔦𝔱𝔯𝔢 30
Vernon se frotta les yeux en se redressant. Il avait l'impression que son cerveau pulsait dans son crâne. Faut que j'arrête le vin. Je n'aime même pas ça et ça ne me réussit pas. Il se redressa sur son lit en se frottant les yeux. Au même moment, la porte de sa salle de bain s'ouvrit, ce qui le fit sursauter.
– Relax, je vais pas te sauter dessus, se moqua Angel en ajustant le col de son vêtement.
Le plus jeune ferma un instant les yeux. Faut qu'on arrête de dormir ensemble, voulait-il dire, mais demanda à la place :
– Faut que tu arrêtes de me pousser à consommer des trucs à chaque fois qu'on sort.
Angel haussa un sourcil.
– Tu penses vraiment que je m'amuse à alcooliser les gens de mon gré ? C'est toi qui dois arrêter de vouloir faire comme moi, on sait tous les deux que tu n'arriveras jamais à mon niveau.
Vernon plissa des yeux, pensif. Il ne se rappelait pas tout de sa soirée de la veille.
– J'étais pas comme ça de mon vivant. Je connaissais mes limites.
L'acteur traversa la chambre de Vernon pour enfiler ses chaussures.
– J'sais pas comment t'étais avant mais je t'oblige à rien à part sortir de ta piaule.
Il lui fit face, la main sur la poignée de la porte.
– J'vais pas te surveiller pour que tu ne dépasses pas tes limites, t'es assez grand pour ça, mais juste... dis pas que c'est ma faute parce que moi, j'suis pas un connard qui force les gens à consommer pour me servir d'eux. T'es libre de faire ce que tu veux, Vernon.
Vernon baissa la tête, honteux. Il devait admettre qu'Angel n'avait pas tort.
– Désolé. Je suis juste... Je sais même plus qui je suis, je ne me reconnais plus.
Angel ouvrit la bouche, mais se ravisa au dernier moment. Il secoua la tête et quitta la chambre de son voisin.
– Va voir Charlie. Ou Lucifer. J'suis pas le meilleur placé pour te filer des conseils identitaires.
Vernon resta assis sur son lit, seul dans la pièce, les paroles d'Angel résonnant dans sa tête. Il se sentait à la fois honteux et perdu. Se pourrait-il qu'il utilisait Angel comme un échappatoire à ses propres problèmes ? Pensif, le démon se prit la tête entre les mains. Un mélange de colère et de frustration montait en lui, mais pas contre son ami ; contre lui-même. À défaut de ne pas pouvoir assumer ses sentiments pour Angel, il avait commencé à désirer devenir comme lui : vivre sa vie pleinement, sans se soucier des conséquences, malgré les chaînes qui le liaient à Valentino. Mais maintenant, il se rendait compte que ça ne lui correspondait pas. Malgré lui, il était un meurtrier. Malgré lui, il était un démon pécheur. Mais il n'était pas forcé de se comporter comme tel.
Un soupir.
Il s'habilla et chercha l'adresse du studio des Vees sur son téléphone. Cette mission allait lui changer les idées.
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Azzurra cessa de frapper son matelas lorsqu'il entendit quelqu'un toquer à la porte de sa chambre. D'un geste rageur, elle attrapa son coussin et le jeta contre la cloison.
– Je suis occupée ! rugit-elle en sentant ses muscles se contracter.
– Ma luciole, c'est papa.
La voix de Valentino la calma d'un coup. Elle resserra sa queue de cheval et ouvrit la porte.
Son père avait les bras croisés, un sourire espiègle à la commissure des lèvres.
– Tu étais occupée à foutre le bordel dans ta chambre ?
Agacée par sa moquerie, sa frustration recommença à labourer l'intérieur de son estomac.
– Je t'en pose des questions ? Qu'est-ce que tu veux ?
– T'emmener au restaurant, déclara-t-il sans l'ombre d'amusement.
Son soudain sérieux ramena Azzurra à la raison. Elle ne pouvait pas se permettre de se mettre encore son père à dos. Elle avait besoin de lui pour avoir un toit. Elle avait besoin de lui pour se nourrir. Elle avait besoin de lui pour apprendre à gérer ses émotions.
– Voilà qui est mieux, roucoula-t-il en pénétrant dans l'intimité de sa fille.
Cette dernière le regarda faire, incapable de le mettre dehors. Elle remarqua que son père s'était dirigé jusqu'au placard, qu'il ouvrit sans demander l'autorisation. De toute manière, Azzurra ne l'ouvrait que rarement, préférant les vêtements qu'elle ramenait de chez sa tante.
– Velvette a pris la liberté de débarrasser des tenues dans ta chambre. Ça lui ferait plaisir que tu enfiles l'une d'elles ce midi.
– Elle sera là ?
– Et Vox aussi.
Évidemment, grogna-t-elle dans sa tête tandis qu'un sourire crispé ourlait ses lèvres.
– Bien sûr.
Valentino sourit, ravi qu'elle obtempère aussi facilement, et jeta sur le lit trois piles de vêtements colorés.
– Ce sont celles-là. Fais-toi ravissante cette fois.
– Qu'est-ce qui n'allait pas avec la robe que je portais hier soir ? demanda-t-elle, agacée et quoiqu'un peu vexée.
– À part qu'on aurait dit que tu travaillais pour moi ? Rien. Elle t'allait très bien. Mais je t'emmène à La Table de Méphistophélès, il faut que tu sois impeccable.
– Ce restaurant de luxe ? s'étonna la plus jeune. Un chinois m'aurait suffi, papa...
– C'est pour fêter la fin d'un tournage de plusieurs mois, expliqua Valentino en quittant la chambre.
– Ah, oui, bien sûr..., soupira Azzurra en se prenant les bras, se rendant compte que là encore ce n'était pas pour sa fille, mais pour son travail.
Jamais mettre Azz en premier plan. Jamais.
Elle ruminait sa colère. Lorsque ses yeux se posèrent sur les tenues qu'elle pouvait choisir, elle la ravala.
Je n'ai pas le droit de me plaindre. Je suis logée, nourrie et blanchie. Ce n'est pas trop mal.
Elle déplia le premier morceau de tissu et fut frappée par le talent de Velvette, bien qu'elle se persuada ne jamais pouvoir entrer dedans avec sa morphologie opulente – ou sa grande taille tout bêtement – mais là encore, elle décida de serrer les dents. Ils auraient tout de même pu considérer qu'elle ne pouvait pas s'habiller n'importe comment, mais ça aurait été trop demandé.
Lorsqu'elle fut habillée, Azzurra quitta sa chambre et pénétra dans la salle d'enregistrement principale. Du coin de l'œil, elle aperçut Vox qui papotait avec un des employés de Valentino. Plusieurs démons partaient et venaient, créant des courants d'air dans l'atmosphère brûlante de la salle. Elle ferma les yeux, réprimant sa colère lorsqu'elle se rendit compte que son père n'avait toujours pas fait réparer la climatisation depuis sa dernière visite, il y a dix mois. Ses pensées tombèrent sur l'inconfort de la robe qui lui étouffait son tour de poitrine, mais elles furent brèves car une voix la ramena à la réalité.
– Eh, c'est interdit aux visiteurs ici !
– D-désolé, je me suis perdu...
Azzurra se tourna vers l'altercation entre un employer et... un démon chauve-souris. L'ami d'Angel, se dit-elle instantanément, s'étonnant elle-même de s'être souvenu de son visage. C'était sûrement grâce à sa tache en forme de cœur en plein milieu de sa figure... Vox se désintéressa aussitôt de sa discussion pour prendre part à l'échange.
– C'est noté sur la porte, affirma le démon de la télé, surplombant l'inconnu de tout son charisme Voxien.
– Je croyais que c'était un lieu ouvert, attaqua Azzurra pour le défendre, se mettant entre eux deux.
– Plus depuis que la princesse de l'Enfer s'est pointée pour foutre la merde. Bonjour, Azz, salua fermement Vox en relevant les yeux sur la jeune femme.
– Bonjour Vox, répondit-elle, se rendant compte qu'ils ne s'étaient même pas salués.
Elle essaya de maintenant l'échange visuel avec l'ami de son père, mais finit par faire volte-face vers le nouvel arrivant, sentant le regard de Vox l'écraser comme un vulgaire insecte. Alors comme ça l'héritière Morningstar est venue ici... Curieux.
– Je vais te conduire vers les lieux ouverts aux visiteurs.
L'inconnu hocha la tête après un instant d'hésitation, et emboita le pas de la brunette. Elle jeta deux fois un regard par-dessus son épaule pour s'assurer qu'il la suivait toujours. La première fois, elle croisa le regard profond de Vox qui la scindait avec un dédain palpable. La seconde, elle se concentra uniquement sur l'inconnu. Elle remarqua qu'il était plus petit qu'elle en taille, et que l'un de ses yeux était noir ; cela voulait dire que son âme appartenait à un autre démon. Vue la réaction de Vox, il ne le connaissait pas. Azzurra essaya de deviner son prénom. Peut-être Yoane ? Ou Jordan. Ouais, il aurait une tête à s'appeler Jordan.
– C'est gentil de m'aider, entendit-elle, ce qui la ramena au temps présent.
– Avec plaisir.
Elle s'arrêta devant l'accueil de l'établissement, puis lui fit face. Elle remarqua qu'il n'y avait qu'eux deux dans l'immense salle. La deuxième chose qui la frappa, fut le regard calculateur de l'homme, certainement bien plus âgé qu'elle. Elle plissa un instant les yeux, comme pour le scanner, avant de les déplisser.
– Qu'est-ce qu'il y a ? osa-t-elle demander.
– Hier soir tu disais t'appeler Claire quand Angel t'a appelée Azz, et là cet homme t'appelle Azz également.
Bien vu, se retint-elle de dire pour ne pas donner satisfaction à cet homme qu'elle ne connaissait pas d'avoir raison.
Elle se contenta de renifler, l'air hautaine, en tournant la tête en direction de la sortie. Sur le coup du stress, elle ne réalisa pas immédiatement qu'elle réajustait nerveusement les plies de la robe bordeaux en velours qu'elle portait.
– Tu ferais mieux de partir. Personne n'aime les paparazzis ici. Enfin, vue que tu n'as pas l'air de savoir qu'il s'agissait de Vox... Je me demande si tu es vraiment un fan.
Comme L'inconnu ne semblait pas tiquer, elle soupira.
– Fondateur, propriétaire et PDG de VoxTek Entreprises ? Tu... Tu crois que t'es où, à la pizzéria ? apostropha-t-elle avec un air légitimement perdu.
Le démon sourit timidement – oui oui, timidement, c'était qui ce type ? – révélant une rangée de dents pointues qui lui donnaient un air carnassier qui ne lui allait pas du tout.
– Je ne suis pas un fan, c'est vrai. Je suis nouveau en Enfer, je découvre encore la région. Je m'appelle Vernon, enchanté Claire, ou Azz, peu importe.
Azzurra sembla perturbée. Non pas parce que ce démon avait l'air beaucoup trop sympa pour un pêcheur, mais parce que son instinct s'était trompé sur son prénom. Il n'a pas une tête à s'appeler Vernon.
– Peu importe, hein ? siffla-t-elle en chassant sa main. T'as même pas envie de savoir comment je m'appelle vraiment ?
Vernon rougit violemment. Il est timide, je note.
– Je m'appelle Azz.
– C'est...
– C'est Italien, ça vient de prénom complet Azzurra.
– Joli.
La jeune femme prit une profonde inspiration. Timide mais dit les choses clairement. Et très observateur. Il ne regarde pas mon corps, donc la Azz en robe moulante noire ne lui plairait sûrement pas.
– Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-elle, méfiante, essayant de décrypter un peu mieux ce Vernon afin d'adapter la Azz qui lui conviendrait le mieux, pour mieux l'envoyer chier.
Il se pinça les lèvres avec une légère gêne. S'il essayait d'être énigmatique, c'était râté.
– Je visite, déclara-t-il. Tu travailles là ?
Azzurra réprima un rire.
– Non. C'est la section destinée aux tournages de films pornographiques ici, au cas où tu ne l'aurais pas compris. Et chez VoxTeK non plus, remarque.
Cette information ne sembla pas étonner Vernon. Il savait donc où il mettait les pieds ; il n'était pas totalement perdu.
– Tu devrais partir, c'est bientôt midi, tout le monde va manger.
– Oui, bien sûr, lâcha-t-il alors en écarquillant les yeux, tout à coup agité. Désolé, je ne voulais pas perturber vos plannings. Je m'en vais. Bonne journée Azz.
Et il partit comme une balle, comme ça, sans attendre qu'elle ne puisse lui dire aurevoir à son tour. Il est chelou.
– Azzy, ma belle !
Elle se retourna à peine qu'elle fut capturée entre les bras de Velvette.
– Ravie de te voir aussi, dit-elle en essayant de ne pas lui montrer le peu de plaisir que leurs retrouvailles lui procuraient.
Son esprit resta focalisé sur Vernon. Qui es-tu, petite chauve-souris ?...
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