ℭ𝔥𝔞𝔭𝔦𝔱𝔯𝔢 29
Il entendit quelqu'un frapper à la porte de sa chambre. La tête dans les vapes, il se leva péniblement et alla ouvrir, se demandant qui pouvait venir le déranger aussi tard.
Il ouvrit la porte, et tomba nez-à-nez avec Angel.
Déstabilisé, il demeura silencieux.
─ Hey, avec Husk et Cherry on sort boire un verre en ville, elle m'a demandé de te proposer de venir.
Vernon plissa des yeux, se retenant de bailler.
─ Pardon, j'interromps quelque chose ?
─ Mon sommeil, répondit froidement Vernon avant de se raviser.
Il n'avait pas à se montrer aussi amer avec Angel.
─ Je suis pas trop d'attaque pour sortir, expliqua-t-il plus calmement.
Angel le dévisagea de la tête au pied, l'air nonchalant.
─ Je sais. Mais on m'a demandé de te forcer à accepter.
─ Depuis quand tu suis des ordres, toi ?
L'acteur leva les yeux au ciel.
─ Écoute, t'es chiant. On sait tous que tu as eu la pire vie de l'univers et tout et tout, mais là tu fais même plus l'effort de venir aux activités, et c'est Charlie qui s'en retrouve déçue.
─ Parce que tu en fais des efforts, toi ? attaqua Vernon, mécontent de la tournure que prenait leur discussion.
─ Je ne passe pas mon temps à me morfondre sur mon sort.
─ Non, tu te prostitues et tu te drogues pour oublier qui tu es.
Angel réprima une grimace.
─ Ça te ferait du bien de te prendre des bites dans le cul, ça te décoincerait. Tant pis pour ce soir, ciao.
Vernon le dévisagea s'éloigner et, lorsqu'il jugea la distance satisfaisante, referma la porte. Il soupira, sentant son estomac se tordre d'angoisse. Il a raison, se disait-il. Je ne peux pas continuer de fuir tout le monde indéfiniment. Il ferma les yeux, refoulant son envie de hurler. Le lendemain, il ne travaillait pas, il pourrait se concentrer sur la mission d'Alastor... Mince, Angel ne méritait pas ça. Vernon ouvrit la porte et interpela son voisin.
─ Attends, je me change et j'arrive !
Ça lui changera les idées.
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Elle devait voir son père, ça lui changera les idées.
Une jeune femme poussa la porte avec son pied et balaya la pièce du regard.
─ Bonjour Azz, marmonna l'employé d'intendance en continuant d'astiquer le sol avec sa serpillère.
─ Où est mon père ? demanda-t-elle sévèrement.
─ Occupé.
Comme d'habitude, se retint-elle de dire.
─ Je lui dirai que tu es là.
─ Pas la peine, Isabella l'a prévenu.
─ Comment va votre tante ? demanda le démon sur un faux ton d'intérêt.
─ À nouveau en cure de désintoxe avec son diablotin de petit-ami, répondit-elle sur un ton de désinvolture tout en se dirigeant vers la porte qui menait aux appartements.
Sans entendre la réponse de l'employé, elle scanna son badge et longea le couloir qui s'alluma à son passage, illuminant son chemin jusqu'à l'ascenseur. Elle monta tous les étages qui la séparaient du studio qui lui était privatisé. Elle traversa le couloir, ignora les quelques portes qui lui étaient défendue d'accéder, et s'enferma rageusement dans sa chambre. Son sac vola à travers celle-ci et son corps tomba lourdement sur le lit king size beaucoup trop confortable pour une pêcheresse comme elle.
Au même moment, son téléphone sonna. Elle lâcha un juron lorsqu'elle lut le nom de son père sur l'écran. D'un geste agacé, elle décrocha.
─ Allô ?
─ Azzurra, mon trésor, ce ne sont pas des manières de discuter avec mes employés, roucoula Valentino à travers le combiné.
─ Coupe tes caméras au lieu de me faire la morale, balbutia-t-elle en se mettant assise, les jambes ramenées contre elle. Tu as deux minutes pour qu'on parle, s'il te plait ?
Elle se retenait visiblement d'éclater en sanglots. Cette existence recluse du cercle de l'Orgueil l'épuisait. Sa tante l'épuisait. Tout l'épuisait.
─ Papa est un peu occupé, là maintenant, mais promis ce soir je t'invite au restaurant.
Elle voulait refuser, mais son estomac criait oui.
─ Je suis au studio, répondit-elle à la place. Dans ma chambre.
─ Bien. À ce soir ma luciole, roucoula-t-il en raccrochant, arrachant un soupir de la part de la jeune femme.
Il était dix-huit heures passées. Elle ignorait si elle pouvait attendre le restaurant tellement elle avait faim. De son sac, Azzurra sortit une barre de céréale qu'elle grignota tout en parcourant la distance entre son lit et le mini-frigo. Elle y trouva des bières fruités - ses préférées - et des pommes bien fraiches. Son père et elle devaient être les seuls démons à ranger ces fruits dans le frigo... Cette pensée timide lui arracha un sourire, qu'elle s'empressa de chasser d'un claquement de porte. Elle avait besoin de plus d'alcool que ça pour faire passer son humeur. Elle se tourna vers la salle de bain et s'approcha de son reflet, dans le miroir. Son mascara waterproof avait réussi à couler - quelle arnaque - et son blush n'avait pas tenu le voyage de Imp City jusqu'à la cité du Pentagram.
Elle décida d'arranger son maquillage de quelques coups de pinceau, puis vêtit une robe moulante noire qui lui arrivait jusqu'aux cuisses, avec des bretelles si fines qu'elle ne les sentait pas sur sa peau. Elle ramassa sa chevelure brune en un chignon mal fait et noircit sa lèvre supérieure d'un geste tremblant. Elle se jaugea dans son reflet ; elle ressemblait à une pute. Parfait. On me payera sûrement un verre comme ça.
Azzurra checka les notifications de son téléphone, ne s'étonnant pas de n'en avoir aucun, et quitta le studio des Vees en essayant de ne pas se casser une cheville avec ses talons. Un verre, et c'est tout, se promit-elle en longeant le trottoir tout en essayant de faire abstraction aux regards des inconnus qu'elle croisait.
Tel un papillon de nuit, elle suivit les néons d'un bar au coin d'une rue. Elle se laissa emporter par les effluves de tabac et de vin rouge. Au bar, elle nota la présence de plusieurs personnes seules, ce qui augmenterait ses chances de se faire offrir un verre. Parfait, tout se passe à merveille. Elle s'accouda au bar et attendit patiemment qu'un poisson morde à l'hameçon.
─ Bonsoir ma petite prune, susurra l'homme à côté d'elle en s'approchant légèrement.
Elle haussa un sourcil, perplexe quant à ce surnom, avant de se rendre compte qu'il faisait peut-être référence à la couleur de sa peau. Elle savait que jouer l'innocence fonctionnait souvent, aussi, elle se racla la gorge et prit une voix enfantine.
─ Une petite prune ? Moi ?
─ Oui, toi, avec ses grands yeux et tes antennes, confirma-t-il.
Elle força un sourire amusé, tandis que son ventre ordonnait l'évacuation de sa barre de céréale.
─ Qu'est-ce qu'une jolie nana comme toi fait toute seule dans ce bar ? questionna-t-il en se tournant complétement vers Azzurra.
Cette dernière se retint de grimacer en constatant que l'homme semblait beaucoup trop vieux pour elle, qui avait physiquement vingt-et-un an. Elle essaya de deviner son prénom ; elle faisait souvent ça. Un prénom court lui irait bien.
─ Eh bien..., commença-t-elle d'une voix juvénile qu'elle avait passé des années à entraîner. On m'a conseillée cet endroit, à ce qu'on dit le vin n'est pas mauvais ici.
─ C'est vrai, tu veux que je t'en paye un, d'ailleurs ?
Trop facile, se dit-elle en se retenant de bondir de joie quant à sa supercherie.
─ Ah, ce serait avec plais-...
Au même moment, son regard se posa sur un jeune homme qu'elle reconnut instantanément. Par réflexe, elle se rapprocha de l'inconnu pour se cacher.
─ Wow, eh bien, ma belle, t'es directe en fait hehe, susurra le client en enroulant ses bras autour d'elle.
Azzurra, quant à elle, était bien trop occupée à recouvrer son calme pour se rendre compte de ce que lui disait l'inconnu qu'elle entourloupait. Qu'est-ce qu'il fiche ici ? se demanda-t-elle, terrorisée à l'idée d'être vue. Putain, Angel Dust, s'il me voyait...
─ Hey, tout va bien ? lui demanda l'homme, devenant visiblement surpris par son comportement.
Azzurra fit l'erreur de jeter un coup d'œil en direction du démon-araignée. L'inconnu suivit son regard.
─ Aaah, Angel Dust ! Tu es peut-être un peu jeune pour le connaître, c'est un acteur pornographique, il travaille pour euh, comment c'est déjà ? Ah oui, Valentino !
L'entendre évoquer le nom de son père la ramena à la réalité.
─ B-bon, et ce verre ? demanda-t-elle rapidement, visiblement agitée.
─ Hehe, tu es gênée ? Pourquoi ? Ah, je crois savoir...
Elle déglutit. Il ne peut pas l'avoir deviné aussi vite, à part la couleur de ma peau et mes antennes, je ne ressemble pas tant que ça à mon père...
─ Tu es intimidée à l'idée de rencontrer des stars ! déclara-t-il sur un ton amusé. C'est mignon, mais tu sais, il n'y a pas de quoi en faire tout un fromage. Je connais Angel, il m'a déjà pas mal dépanné mais rassure-toi, j'aime autant les hommes que les minettes dans ton genre. Viens, je vais te présenter à-...
─ N-non non vraiment, c'est inutile, supplia-t-elle en tirant sur son bras.
─ Mais si, il faut surmonter sa timidité, crois-moi ! insista l'inconnu.
Azzurra, visiblement pas assez forte pour lutter, le suivit en redoutant les retrouvailles. Elle ferma les yeux, priant pour se retrouver encore plus bas que six pieds sous terre.
─ Heeey Angel, ma petite pute préférée !
En plissant d'un œil, Azzurra observa la scène. Angel, interrompu dans une discussion avec une femme cyclopéenne et un démon-chauve-souris, se tourna vers l'inconnu en esquissant un sourire.
─ Benn, ça fait longtemps, déclara Angel avant de poser son regard sur la jeune femme. Azz ? demanda-t-il alors, à priori très étonné de la voir.
Touché. Il porte un prénom court.
─ Hey, salua timidement Azzurra en évitant soigneusement le regard des deux amis de l'acteur.
─ Tu l'as connais ? demanda l'inconnu - Benn, si Azzurra avait entendu juste - en désignant la jeune femme.
Le démon-araignée sembla hésiter quant à la réponse qu'il devait donner. Azzurra répondit à sa place.
─ Non, il a dû me confondre avec quelqu'un d'autre. Moi je m'appelle Claire, mentit-elle en lui effleurant sensuellement la main. Viens, Benn, allons boire ce verre.
─ Mais..., tenta Benn avant de se raviser. Très bien, allons-y.
Il enroula son bras autour des épaules d'Azzurra et l'entraîna jusqu'au bar. Malgré elle, son regard se posa un instant sur Angel, visiblement troublé par sa présence, mais surtout sur son ami aux allures de chauve-souris, qui la fixait avec un air curieux. Si mon père apprend par le biais d'Angel que je suis sortie parler avec des hommes, je serai doublement morte.
Plus tard dans la soirée, la jeune femme se retrouva sur le trottoir en train de siroter un verre de vin rouge qui appartenait à... quelqu'un. Ses talons étaient posées à côté d'elle, et Benn avait dû se résoudre à arrêter de la chercher lorsqu'elle avait fini par décamper, après qu'il lui ait payée trois verres. En consultant l'heure sur son téléphone - vingt-deux heures - elle remarqua un message de son père.
𝚅𝚘𝚡 𝚖'𝚊 𝚛𝚎𝚝𝚎𝚗𝚞. 𝙾𝚗 𝚒𝚛𝚊 𝚊𝚞 𝚛𝚎𝚜𝚝𝚊𝚞𝚛𝚊𝚗𝚝 𝚞𝚗𝚎 𝚊𝚞𝚝𝚛𝚎 𝚏𝚘𝚒𝚜.
Elle s'y attendait. Il lui faisait toujours le coup. Son père n'avait jamais mis de priorité sur elle, pas même lorsqu'il était tous les deux encore en vie. La preuve : même depuis qu'ils sont morts et en Enfer, elle devait vivre avec sa tante Isabella, qui se tapait tous les diablotins d'Imp City et qui se droguait à n'en plus connaître son nom. Et comme l'idée d'habiter seule la terrifiait... De plus, elle savait ne pas avoir le droit de résider dans une ville en dehors du Pentagram, comme elle était une démone pécheresse. Mais elle ne se voyait pas du tout emménager dans la capitale. Pour rien au monde.
Elle devait rentrer. Sinon on allait vraiment la prendre pour une prostituée, et elle ne voulait pas passer une seconde de plus en présence d'un inconnu dégueulasse.
Elle termina cul-sec son verre et déambula jusqu'à l'appartement dans lequel elle était autorisée de loger lorsque sa tante n'était pas capable de veiller sur elle.
Quand elle arriva dans le studio d'enregistrement, elle remarqua que son père s'y trouvait déjà, l'air pressé. Il s'arrêta, dossier sous les bras, et sembla surpris de la voir avant de se rappeler qu'elle allait habiter avec lui quelque temps.
- Je vois que tu t'es apprêtée pour sortir, tu n'as pas dû recevoir mon message, ma puce. On ira au restaurant une autre fois.
Elle décida de cacher la vérité et de jouer le jeu.
- Ah, non, je n'avais pas vu... Dommage. Bonne nuit, du coup, marmonna-t-elle en priant pour que son estomac se taise.
Valentino hocha la tête, semblant rassuré qu'elle ne s'énerve pas, et poursuivit son chemin. Azzurra regagna sa chambre et se débarrassa de sa robe moulante et de son maquillage. Personne ne met de priorité sur moi. Isabella qui préfère passer sa vie en désintoxe... Papa et son travail... Ce connard de Romeo qui... Elle secoua la tête pour chasser ce garçon de la tête. Inutile de ressasser le passer. Romeo était mort. Elle était morte. Il ne lui fera plus jamais de mal, fin de l'histoire.
Azzurra plongea dans la baignoire et souffla de bien-être au contact de l'eau brûlante. Dans son soupir, une légère émanation pourpre s'échappa de ses lèvres, s'entortillant comme une fumée de cigarette au-dessus de l'eau.
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Bouh ! Mais non n'ayez pas peur, ce n'est que moi, l'auteure :)) Vous êtes étonnés de rencontrer un nouveau personnage ? Moi aussi.
Qui est Azzurra ?
Que va-t-elle apporter au scénario ?
Contribuera-t-elle à nourrir l'intrigue amoureuse, l'intrigue relationnelle ou deviendra-t-elle une ennemie ?
La suite... au prochain épisode ;)
- Ano
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