Chapitre 4
Je suis dans ma chambre provisoire chez Hope. J'ai appris que j'étais enceinte hier et je me sens bizarre. J'ai l'impression que je ne pourrais pas protéger ma fille indéfiniment et ça m'angoisse : l'avoir dans mon ventre me rend faible et ça ne m'aide pas à la protéger. J'entends quelqu'un qui toque à la porte, je lui dis d'entrer. Hope passe sa tête à travers l'embrasure de la porte, puis s'avance complètement dans la pièce. Elle vient s'asseoir sur le lit.
- Tu veux qu'on parle ? Je n'aime pas quand tu es triste comme ça.
- Je ne sais pas quoi penser, mais je ne peux m'empêcher de repenser à ce que tu m'as dit quand Matthieu m'a attaqué. Tu as dit que j'étais d'une lignée royale de SherBrooke ?
- Vu la capacité de tes pouvoirs et ton regard quand tu as attaqué Matthieu, ça ne fait aucun doute. Tu contrôles les éléments, le mental. Je ne serais même pas étonnée que tu contrôles la vie et la mort. Les pouvoirs sont accrus quand tu passes devant un ange gardien mais tu avais déjà des pouvoirs avant tout ceci. Ton passage chez Pierre n'a fait que les confirmer. Les pouvoirs se transmettent par la mère durant la grossesse, mais après, un enfant peut ne jamais les développer durant sa vie. Ça peut sauter plusieurs générations, comme pour toi.
Il y a un silence quand je pose ma main sur mon ventre. Je fais la moue. La seule chose à laquelle j'ai pensé quand j'ai appris mon "état" c'était de le dire à Nino. Mais maintenant je ne suis plus sûre de moi. Hope me sourit.
- Tu devrais aller lui annoncer.
Je la regarde, incrédule. Comment a-t-elle fait pour savoir que je pensais à ça ? Je souris timidement et hoche la tête. Je ne peux pas retarder le moment plus longtemps apparemment. Je me lève et s'assemble mes affaires, je n'aurais plus besoin de revenir ici, du moins j'espère. Je sors de la chambre et me dirige donc vers mon vrai chez moi.
Je suis devant la porte, comme paralysée. Je prends une grande inspiration et tourne la poignée. S'il vous plaît, faîtes qu'il soit en état de parler tranquillement ! Je rentre dans l'appartement et ne trouve personne. Je rentre donc dans la chambre et retrouve la même scène que la dernière fois, mais il est dans la chambre. Je fais abstraction de l'horreur que je vois devant moi et vais m'asseoir sur le lit à sa droite.
- Nino, regarde-moi s'il te plaît.
Pas de réponse. Il a les yeux de plus en plus brillants, cette plante va le rendre fou. Je commence à comprendre qu'il n'est plus lui-même quand il prend cette rose des bois ; ajouté à la combustion, la plante désactive son côté humain et rationnel et ne laisse activé que son côté primitif. Voilà pourquoi ses pouvoirs de loup sont plus intenses dans ces cas-là.
- Je t'en supplie.
Je me souviens comment j'avais réussi à attirer son attention la dernière fois, mais là j'ai vraiment peur de me prendre un coup. Je me lance, tant pis.
- Je suis vraiment désolée mais c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour que tu me regardes et que tu m'écoutes.
- Donne-moi ça !
- Non ! Pas tant que tu ne m'auras pas écouté !
Il lève le poing mais pas sur mon visage mais sur mon ventre. Prise de panique je place ma main devant, en sachant pertinemment que ça ne l'arrêtera pas.
- Non !
J'ai hurlé par réflexe et mon hurlement a créé une onde de choc dans la pièce. Il me regarde, abasourdi par mon cri. Il revient à lui, je le vois. Il balaye son regard entre ma main encore sur mon ventre et mon regard apeuré.
- Tu vas être père espèce d'idiot, je lui crache au visage en lui redonnant son papier Craft.
Je ne me retourne pas et descends au salon. Je me place devant la fenêtre et croise mes bras sur ma poitrine. J'inspire à fond et essaye de ne pas prendre mes jambes à mon cou. Je sens des bras m'entourer la taille. Ses mains viennent se poser sur mon ventre. J'ai des frissons qui me traverse l'échine à la suite de cet élan d'affection. Il dépose des baisers dans mon cou. Je ne peux pas, je repousse doucement ses mains et me retourne vers lui en hochant la tête. Je suis sur le porche du salon quand il dit.
- Dis-moi ce que je peux faire pour me rattraper. Je ne savais pas que tu étais enceinte, sinon j'aurais essayé de me contrôler...
- Je ne supporterai plus de te voir dans cet état. Stoppe cette merde, même si tu penses qu'elle te rend meilleur. Elle te rend juste agressif. Si tu m'avais écouté avant d'en prendre, tu aurais su qu'elle est extrêmement addictive mais aussi qu'elle t'enlève toute humanité. Tu n'es plus toi-même avec ça et la personne qui t'en a fourni ne te veut pas du bien.
J'avais déballé tout ce que j'avais à dire sur son comportement de ces derniers temps. Il me regarde, incrédule par ma révélation.
- Ça fait combien de temps ?
- Trois mois et demi.
Il se rapproche de moi mais je recule.
- Je n'ai pas envie que mon enfant voie son père dans cet état-là. Et encore moins qu'il te voit me frapper.
Il m'a l'air énervé mais pas comme tout à l'heure. Non, il est frustré que je parle de lui comme ça mais moi c'est comme ça que je le vois ! J'essaye un dernier élan de compréhension maintenant qu'il est lucide. Je m'approche de lui et lui caresse la joue.
- Dis-moi qui t'a fait ça, qui essaye de t'éloigner de moi ? Qui t'a donné cette plante ?
Il repousse ma main et se tourne dos à moi. Je soupire et retourne chercher mon sac. Il ne comprendra pas de ses erreurs avant que quelque chose de grave n'arrive mais je n'ai pas envie d'en arriver à ces extrêmes maintenant que j'ai quelqu'un d'autre à protéger en plus de moi-même. Apparemment, il n'est pas encore totalement prêt. Je reviens dans le salon et vois qu'il me regarde.
- J'ai essayé la manière douce maintenant voyons la manière forte. Je me casse. Et n'essaie pas de me retenir.
- Sinon quoi ?
Je me retourne pour lui faire face.
- Tu ne verras jamais la couleur des yeux de ta fille.
***
Je marche depuis une bonne demi-heure. Mes pieds glissent sur l'allée pavée à cause de la bruine. Je n'aurais peut-être pas dû parler à Nino comme ça. Il venait juste d'apprendre qu'il allait être père et je ne lui ai pas laissée le temps d'encaisser. Mais je me suis promis de retrouver l'identité de la personne qui lui a donné cette plante, car celle-ci est loin d'être inculte en ce qui concerne la botanique : elle savait ce qu'elle faisait en donnant de la rose des bois à un loup. Il n'y a qu'un seul endroit où je puisse aller. Mon frère. Il est rentré de l'hôpital hier malgré les contre-indications des médecins. Son argument était que sa fille et sa petite amie avaient besoin de lui. Ils lui ont dit oui mais il est surveillé par Norah.
Je tourne donc dans la rue d'Ayden. Je toque sans attendre pour éviter de perdre le peu de courage que j'avais. Norah vient m'ouvrir. Elle me regarde avec un air interrogateur dont je lui réponds par un sourire suppliant. Elle sourit tristement et me laisse entrer. Je passe à peine la porte qu'une enfant me saute dans les bras. Je lui fais mon plus beau sourire.
- Coucou toi.
- Qu'est-ce qui il y a marraine ? Pourquoi tu viens dans ma maison ?
Je rigole avant de répondre en lui pinçant le nez.
- Je voulais voir ma filleule préférée.
J'entends la voix de Norah répliquer.
- Et ça tombe bien puisque tu n'en as qu'une et c'est déjà assez pour l'instant. Allez Chloé, va finir de regarder Clochette et au dodo.
L'intéressée se retourne vers sa mère et se dirige donc dans le salon en sautillant. Je me relève et regarde autour de moi.
- Où est Ayden ?
- En train de comater dans la chambre, elle me dit en montrant l'escalier de la tête.
- Je peux aller le voir ?
- Pas la peine.
Je me retourne et me retrouve face à mon grand frère. Je lui fais un sourire. Il descend le reste des escaliers avec un peu de difficulté en se tenant les côtes et se place face à moi.
- Que me vaut l'honneur de la visite de ma chère sœur ?
En me rappelant le motif de ma visite, mon sourire disparaît et ma vue se brouille de larmes et je manque de m'écrouler. Il me rattrape de justesse avant que mes jambes ne me lâchent.
- Hé... Qu'est-ce qui se passe ? Il demande en me prenant dans ses bras.
Je me niche dans ses bras et respire son parfum. Je me sens toujours en sécurité avec lui, depuis que je suis toute petite. Je me mets subitement à rire contre ma volonté.
- Si tu veux vraiment savoir toute l'histoire, il va falloir sortir le pop-corn, je blague.
Il fait un faible sourire et se tourne vers Norah pour lui demander son approbation.
- Ne t'en fais pas, mon cœur occupe-toi d'elle je vais coucher Chloé, lui dit-elle.
Ayden me prend par les épaules et m'amène dans le salon. Je m'assois sur le canapé pendant qu'il part chercher quelque chose dans la cuisine. Quand il revient, il me tend un verre d'eau.
- Alors, qu'est-ce qui fait pleurer ma petite Téa ?
Je souris et pose une main sur sa cuisse.
- Avant de commencer, je voudrai que tu me promettes que tu ne m'interrompras pas et que tu ne t'énerveras pas avant que j'aie terminé - Il essaye de répliquer mais je serre ma main sur sa cuisse. Non, s'il te plaît. Bien. Il y a quelques jours, je me suis disputée avec Nino et quand je suis rentrée, je l'ai retrouvé complètement défoncé.
Il ne sait pas pour la particularité de Nino et c'est dur de lui cacher une chose pareille, mais il est en danger s'il sait quelque chose. Mais je ne veux pas qu'ils soient pris en grippe tous les trois pour faire pression sur moi, j'ai même fait en sorte que sa maison ne soit pas localisable par une créature surnaturelle avec Hope. Après avoir entendu ça, je sens mon frère se tendre et ses mains se crisper, mais il ne dit rien.
- Je me suis énervée puisqu'on s'était mis d'accord pour ne ramener aucune drogue après ce qui s'est passé il y a cinq ans. Et... J'ai pris son joint ce qui l'a mis dans une colère noire alors... Il m'a frappée.
J'ai hésité à le dire et le résultat est celui que je redoutais. Il me regarde, en un mélange de colère et d'incrédulité.
- Il a fait quoi ?
Je maintiens la pression de ma main sur sa cuisse. J'essaye de ne pas utiliser mes pouvoirs pour le détendre mais je crois que je les utilise contre ma volonté. Je sens qu'il se détend légèrement continue mon histoire.
- Après ça, je suis partie de la maison et je suis allée chez Hope. Je sais, Mathéa, pourquoi tu n'es pas venue à la maison on t'aurait accueilli à bras ouverts ? Mais c'est l'endroit le plus proche de chez moi et je ne voulais pas vous embêter avec mes problèmes. Je suis restée une semaine chez elle, et un matin j'ai reçu l'appel de Norah me disant que tu étais...Que tu étais à l'hôpital après ton accident. J'ai accouru et dès qu'on m'a dit que tu allais bien, j'ai eu une douleur au ventre. J'ai fait des examens et on m'a dit que j'étais enceinte.
Je le regarde pour voir sa réaction. Il ne s'énervera pas, je le sais, puisqu'il a eu Chloé au même âge que moi. Mais c'est plutôt la suite qui va l'énerver. Il sourit. J'essaye de lui rendre mais c'est compliqué et les larmes continuent de couler sur mes joues. Je frotte mon gilet contre mes joues et essaye de calmer ma respiration pour parler distinctement.
- Le problème c'est que Nino n'était pas en état de l'apprendre et j'ai été contrainte de lui dire puisque son coup allait toucher ta nièce.
Ma respiration est saccadée et je n'arrive pas à arrêter les larmes de couler. Je n'ose pas croiser son regard car je sais qu'il n'a qu'une envie en ce moment c'est d'aller tabasser Nino pour ce qu'il m'a fait. Mais je sens que je ne me sens pas plus légère car j'ai omis plein de détails et ça ne me soulage pas plus que ça d'avoir parlé.
- Je suis partie car j'ai craint pour elle et j'ai encore peur là maintenant alors que je sais parfaitement que je suis en sécurité mais...
Je n'arrive pas à continuer. Ma plus grande peur a toujours été de perdre quelqu'un de ma famille par ma faute. Je sens Ayden me prendre dans ses bras et m'embrasser le front pour me calmer.
- Je te promets que Nino ne s'approchera ni de toi ni de ma nièce.
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