Chapitre 23
J'étais vraiment soulagé. Je n'allais pas devoir trop de sang de Chiara d'après les dires de Brune. Mon frère m'avait montré le message qu'elle lui avait envoyé et au matin du 24 décembre, je me sentais le plus heureux des hommes.
Chiara avait une petite mine cependant. Je la trouvais un peu plus pâle que d'ordinaire. Elle me murmura que je l'avais empêchée de dormir et que c'était de ma faute. Mon frère, proche de moi, sourit de manière démesurée et je me penchais vers ma compagne.
– Tous les vampires ici présents viennent de t'entendre.
Elle devint rouge tomate.
– C'était pas ce que je voulais dire. Ils vont me prendre pour une perverse.
– Ne vous inquiétez pas pour ça Chiara, intervint ma père. Vous ne le serez jamais autant que mes enfants qui ne cessent de se vanter de leurs exploits autour d'un verre dès qu'ils se retrouvent ensemble. Je les ai éduqués pourtant.
Les yeux de mon père se fixèrent derrière moi et un sourire éblouit son visage. Ma mère venait de faire son apparition. Elle s'approcha de mon père pour l'embrasser et son regard passa de Chiara à moi et de moi à Chiara.
– Vous êtes si bien assortis. Vous comptez vous marier ?
Je faillis en cracher ma boisson chaude.
– Maman ! C'est hyper indiscret comme question !
– J'ai toujours voulu être ce genre de belle-mère ! Celle qui met tout le monde mal à l'aise ! Laisse-moi l'être au moins une journée.
– Pour répondre à votre question, moi, j'aimerais me marier un jour. J'ai déjà prévu tout mon mariage et ce depuis l'âge de 6 ans !
Ma sœur semblait très intéressée par la question et elle la bombarda de questions. Cosimo me fixa d'un air vraiment désolé.
– Elle a fait un classeur, même.
– Ne te moque pas de moi, vilain !
Elle me faisait rire et je demandai à son frère de me l'emmener un jour s'il savait où il était rangé.
– Elle a fait tout un pan sur la demande en mariage parfaite.
– Heureusement que je suis un minimum éduquée, sinon, tu te serais pris un truc en pleine tête.
Je ne pouvais m'empêcher de sourire en l'entendant. Elle était aussi hargneuse dans la vraie vie qu'au lit. Elle était décidément faite pour moi.
Les enfants de mes cousins arrivèrent à la table du petit déjeuner et Magne s'approcha de moi et réclama de se mettre sur mes genoux.
– Dis Sigmund, est-ce que tu as déjà vu le Père Noël ?
– Non, je n'ai jamais pu le voir. Tu sais ce que fait le Père Noël avant de déposer ses cadeaux sous le sapin et dans nos souliers ? Il souffle une poudre magique sur les maisons pour que tout le monde s'endorme ! Il en profite pour manger des gâteaux et boire un peu de lait pour se donner du courage pour finir sa tournée.
– Est-ce que si je lui fais un dessin, il va le prendre aussi ?
– Je pense qu'il adorerait, répondit ma sœur à ma place. Après le petit déjeuner, nous ferons des gâteaux spéciaux pour le Père Noël et nous ferons des dessins d'accord ?
Tous les enfants hochèrent la tête avec force.
– Cosimo pourra vous aider, il est pâtissier.
– C'est vrai !
Ma sœur lui demanda quelle était sa spécialité et ils partirent dans une discussion poussée sur la pâtisserie à laquelle participa avec plaisir ma mère. Je murmurai à Chiara de me suivre pour aller faire un tour dehors si elle avait fini de manger. Elle hocha la tête et je l'emmenai dans le centre ville.
Son visage respirait la joie et cette joie, communicative, prenait possession de moi. Elle rendait simplement ma vie plus belle. La ville avait été décorée et elle me confia à quel point elle était heureuse à cet instant. Malgré tous les problèmes qu'elle avait pu avoir dans la vie, elle était heureuse.
–Sigmund ?
– Oui ?
– J'ai fini de lire ton manuscrit.
Je m'arrêtai en pleine rue. Aucune émotion ne passait de son visage et je commençais à flipper.
– T'es un putain d'auteur sadique ! Pourquoi tu fais souffrir mes personnages préférés comme ça ?
– Je ne vois pas de qui..
– Emmy !!! Marin !!!
J'ouvris la bouche et je la refermai.
– Malheureusement, c'est la vie. Et crois-moi que j'ai pu l'observer au fil des siècles. Mais si tu penses que c'est trop, je peux...
– Non, souffla-t-elle en collant sa bouche à la mienne pour me faire taire. J'ai adoré chaque ligne. J'ai fait quelques commentaires et je te l'ai renvoyé tout à l'heure sur ta boîte mail.
J'avais envie de goûter plus d'elle. Elle dut le sentir puisqu'elle fronça un peu les sourcils.
– Nous sommes en pleine rue Sigmund.
–Trouvons un endroit tranquille, grognai-je.
Je l'entrainai dans une ruelle, près d'une poubelle et je plongeai vers son cou, incapable de me maîtriser. Un gémissement franchit ses lèvres au moment où mes crocs pénétrèrent dans sa peau. C'était si bon, si chaud. Il avait même une saveur particulière aujourd'hui. Son sang. Mon paradis.
– Sig...
Sa voix me parut faible et je me dégageai d'elle pour observer son teint devenu pâle. Putain. Je la soignai immédiatement, avant même d'essuyer mes lèvres ensanglantées. Elle se raccrocha un peu plus à moi. Son cœur s'affolait. Triple buse ! Nous étions en pleine rue et elle tenait désormais à peine debout.
– Est-ce que tu peux marcher ?
– Soutiens-moi !
Je la soulevai plus que je ne la soutenais et elle me murmura qu'elle voulait un chocolat chaud. Nous nous installâmes en terrasse et je commandai deux chocolats chauds, chantilly et marshmallows compris. Le sucre ramena un peu de vie à son visage.
– Tout est de ma faute.
– J'aurais bien voulu te dire non, mais tu n'en as fait qu'à ta tête. Je me sens patraque depuis hier et toi, tu me pompes le sang, me reprocha-t-elle en fronçant un peu les sourcils.
– Pardonne-moi amour de mes jours et de mes nuits.
– Tu as bien fait de préciser de mes nuits sinon j'aurais commis un massacre.
Elle me fusilla du regard et réclama un roulé à la cannelle. Je me levai pour aller lui chercher et je remarquai un regard posé sur moi. C'était une femme d'une vingtaine d'année, elle glissait sur mes muscles visibles sous mon pull fin. Dans d'autres circonstances, si mon âme n'était pas totalement liée à celle de Chiara, je l'aurais soulevée dans les toilettes, mais ce n'était plus moi désormais. J'avais déconné la nuit d'avant en mordant d'autres humains, mais je n'avais pas été plus loin contrairement à mon frère. La jeune femme fut rejointe par un homme un peu plus âgé qui me fixa d'un air courroucé. Je levai le sourcil méprisant et je posai mon argent sur le comptoir pour récupérer la pâtisserie de ma belle avant de lui tourner le dos. Chiara était en train de se masser le cou. Je voyai d'ici les deux petites marques de mes crocs et je m'en voulais. À force de lui prendre du sang au même endroit, le mien ne lui permettait plus de se soigner correctement. J'allais devoir demander du sien à Sølvi et j'allais me faire voler dans les plumes. Je posai mes lèvres sur son cou pour l'embrasser.
–Demain soir, tu pourras boire de tout ton saoul. Ce sera ton dernier jour en tant que vampire, mais d'ici là, tu te comporteras comme un humain, compris ?
– J'aimes les femmes autoritaires.
– Tant mieux, j'aime pas quand on me contredit. Et ça m'arrive souvent dans ma vie, malheureusement.
Mon ouïe me fit entendre un mot que je n'aurais pas voulu entendre. Vampire.
– Chiara. Finis ton chocolat et remets ton manteau. Nous devons y aller.
Elle me coula un regard intrigué et je me penchai à son oreille.
– Quelqu'un vient de parler de vampire et c'était pas pour la littérature ou pour une série. Nous devons y aller.
Pour toute réponse, elle avala en deux gorgées son chocolat, se fit une moustache de lait que j'essuyai avec tendresse. Elle réenfila son manteau et je lui tendis mon bras. Elle s'appuya contre moi et nous rejoignîmes la maison. Je voyais qu'elle luttait contre le sommeil et j'enclenchai une musique douce.
– Si tu continues comme ça, je vais piquer un somme.
– Tant mieux, tu auras besoin de toutes tes forces cette nuit. Parce que pendant que le Père Noël déposera des cadeaux par la cheminée... tu soupireras encore et encore dans mon cou.
Elle éclata de rire et caressa ma joue alors que je conduisais rapidement pour nous ramener à la maison. Chiara somnola durant le trajet et une fois de retour dans notre demeure, nous nous isolâmes tous les deux loin du bruit dans mon bureau où elle s'assoupit dans un pouf. Sommeil et nourriture allaient la remettre sur pieds. J'entendis mon frère m'appeler et je le rejoignis dans son antre.
– J'ai besoin de tracer des runes sur toi, tu permets ?
Je retirai mon haut et muni d'une encre, mon frère traça les signes sur moi. Il marmonnait des paroles pour illuminer les runes et elles s'incrustèrent dans ma peau.
– C'est pour éviter la douleur de ta transformation. Il est possible que tu te sentes... comme invincible dans les prochaines 24h. Et euphorique aussi.
– Et si la procédure échoue dans deux jours ?
– Ça ne te changera rien du tout.
Je hochai la tête et je m'assis sur son lit.
–Tu connais un sort pour régénérer le sang plus rapidement ?
– Pas du tout. Tu en as trop pris à Chiara ?
– J'ai envie de la vider de son sang à tout instant. Je l'ai plaqué dans une ruelle pour m'abreuver à elle.
– Avec la date fatidique qui arrive, je ne crois pas que ce soit déconnant. Il va falloir que tu fasses attention à elle. J'ai assez travaillé pour aujourd'hui, ça te dit d'aller faire des biscuits avec les enfants ?
Je ne connaissais pas mon frère de manière aussi sentimentale aussi j'acceptai de me joindre à la bande. Chiara venait de se réveiller et elle me rejoignit au moment où j'allais descendre les escaliers. Sa main glissa dans la mienne et nous rejoignîmes l'immense cuisine de ma mère où tout le monde réussissait à loger. Ma sœur avait la main dans la pâte, le frère de ma bien-aimée juste derrière elle. Il la draguait, ça se voyait sur son visage. Asmund me jeta un coup d'œil.
– Alors, tu crois que son érection va te satisfaire cette fois ? lâcha-t-il en norrois.
Ma mère leva les yeux vers elle et le réprimanda avec verve. Mes cousins qui comprenaient notre langue pouffaient de rire dans un coin alors que Cosimo, lui, avait dressé son sourcil.
– Ne fais pas attention à mon idiot de frère. Lili, mon ange, tu peux me passer le rouleau à pâtisserie ?
Lili le fit rouler vers elle et l'atelier biscuit en famille continua dans la bonne humeur. Je trouvais Chiara encore affaiblie et je ne pouvais m'empêcher de lui jeter un regard inquiet. Ma mère finit par poser sa main sur mon avant-bras.
– Ne te fais pas de souci pour elle. Elle ne vit rien de plus que beaucoup de femmes avant elle.
– Oui, enfin... je préfèrerai que ça ne soit pas le cas.
– Je te comprends, mais tu n'y peux rien, pas vrai ? Sois juste heureux pour elle et pour vous deux. Vous serez une famille si belle... j'ai hâte.
Ma mère m'embrassa tendrement sur la tempe. Je ne comprenais pas pourquoi elle nous couvait du regard Chiara et moi. Elle nous parlait de mariage, puis de famille ? Seul mon père n'était pas là et j'entendis bientôt le piano venant du salon. J'enfournai les plaques de gâteaux étalés par ma sœur et son nouveau jouet. Je les fixai avec des yeux ronds et Vivi m'adressa un sourire amusé avant de murmurer quelque chose à l'oreille de Cosimo, si bas que mes oreilles ne purent l'entendre. Les lèvres du jeune humain s'étirèrent et il acquiesça.
– Chiara ? J'ai ramené une panettone dans mes affaires. Tradition oblige.
– Est-ce que vous aimeriez aller à la messe de minuit ? demanda mon frère. Nos cousins y vont, vous pouvez parfaitement vous joindre à eux.
– Ce serait super, tu veux venir avec moi Sigmund ?
– Je serai ravi de t'accompagner, même si ce n'est pas ma foi. Je présume que Sølvi aussi.
– Si Vivi y va, je viens avec vous ! rit Asmund. Je ne vais pas rester avec nos darons.
– C'est quoi un daron ? demanda Magne en regardant Asmund qui s'était placé derrière lui.
– C'est un papa, mais il ne faut pas le dire Magne. C'est un secret entre nous.
Il lui demanda d'aller lui lire une histoire et ils passèrent dans le salon, tous les enfants dans son sillage. J'attrapai Chiara dans mes bras pour les suivre et elle se blottit contre moi. Asmund leur racontait une histoire moyenâgeuse. Les questions des petits fusaient comme avec moi quand je leur avais appris des rudiments de mythologie.
– Il en parle comme s'il l'avait vécu, c'est impressionnant. C'est un conteur d'exception.
Asmund l'avait entendue et il lui fit une révérence.
– J'ai vécu une bonne partie du Moyen Âge.
–Est-ce que tu as connu des rois et des reines ?
– Absolument.
– Tu as rencontré Princesse Sissi ?
– Oui, mais Sigmund la connait mieux que moi.
Les enfants se tournèrent tous vers moi tandis que mon frère me lançait un regard dévoilant toute l'obscénité de cette connaissance. Oui, j'avais été l'amant de quelques nuits de Sissi, mais non, je ne pouvais pas le dire devant tout le monde. Theodor me fixa d'un air goguenard.
Lili me posa des questions, les yeux pétillants. Je lui répondis le plus sincèrement possible sans évoquer l'anorexie mentale de la princesse. Je renvoyai les enfants vers Asmund et son histoire alors que je me levai pour rejoindre la cuisine où seule Sølvi se trouvait en compagnie de Cosimo. Ils étaient en train de s'embrasser comme deux chiens en chaleur dans la cuisine. Ma sœur, qui m'avait entendue, brandit mon doigt dans ma direction pour me faire comprendre de partir aussi vite que possible. Je retournai dans le salon où je demandai à Chiara si elle souhaitait m'accompagner ou non. Elle secoua la tête, préférant la douceur du foyer et de l'histoire racontée par Asmund. Ma cousine Sophie se leva pour venir me prendre le bras.
– Tu peux venir avec moi un instant ?
Je hochai la tête et elle m'emmena dans sa chambre où elle avait des cadeaux non emballés.
– Je suis un spécialiste, tu en as de la chance !
– Je crois que Vivi est très éprise du petit frère de ta copine Sigmund ! Tu n'en as pas fini dans les repas de famille. D'ailleurs... j'ai rencontré quelqu'un. Je sais que je n'en ai pas parlé mais tu sais que.. c'est difficile de parler de ce genre de choses.
Je me mis à rire et elle me fixa interloquée.
– Tu me rappelles tellement Ragnar. Il me racontait toutes ses aventures, même extraconjugales. Et pourtant... c'était difficile de parler de ce genre de choses, répétai-je en reprenant ses paroles. Alors, comment est-il ou est-elle ?
– Il est ingénieur aérospatial. On a eu deux rendez-vous et j'ai trouvé ça... tellement frais. Mais avec mon nouveau travail à Milan...
Elle se tut et releva les yeux vers moi.
– J'ai décidé de me remettre en selle comme on dit. Je veux trouver un amoureux qui soit capable de supporter ma fille. Je veux avoir d'autres enfants. Je veux me sentir vivante et je l'ai compris encore une fois avec vous. Et puis... tu as l'air si heureux ! Te voir ainsi... ça me fait un bien fou ! Si un mec aussi taciturne et sarcastique que toi peut trouver l'amour, je le peux aussi ?
– Je vais retenir que le sarcastique.
Elle émit un petit rire et je la bousculai avant de prendre ses mains.
– Maria m'a enjoint de trouver le bonheur. Je t'enjoins de trouver le tien. Et envoie chier Asmund s'il commence à te faire des remarques, ce n'est pas le mieux placé en relation amoureuse !
Je la sentais apaisée et je l'étais moi-même. Plus que deux jours et j'allais écrire un nouveau chapitre de ma vie. Non. Un nouveau livre et celui-ci aurait une fin heureuse.
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