Chapitre 20
La propriété était gigantesque. Elle incluait une partie des fjords, même si ma mère et mon père avaient pris le parti, il y a plusieurs années d'en permettre l'accès à tous par des sentiers banalisés.
– Où va-t-on Sigmund ?
– Je t'ai promis de te montrer une authentique tombe viking. Je vais t'en montrer une.
– Tout de suite ? Là ? Maintenant ?
Chiara semblait tellement ébahi qu'un rire franchit mes lèvres.
– Oui. J'ai rechargé ton téléphone pour que tu puisses prendre des photographies.
– Je peux t'enregistrer ? Pour le moment où tu me traiteras encore de pilleuse de tombe ?
– Tu ne vas pas t'en remettre ?
Elle m'adressa un clin d'œil et je la ramenai sous mon bras, tout en continuant ma marche.
– Comment ça se fait que tu puisses me montrer une tombe viking ?
– C'est celle d'un homme qui s'en est pris aux miens. Il a tenté de tuer mon cousin, quand ce dernier était au pouvoir. C'était un traître et les traîtres ne méritent pas d'aller au Valhalla. Ils ne méritent pas les honneurs. Tu peux piller sa tombe, la cramer, le désosser, je m'en moque.
Vebjørn. C'était le nom de ce fils de pute. Je l'avais vu rouler des mécaniques plus d'une fois et il avait embrassé de force Sølvi. Elle avait hurlé et Ragnar était intervenu avant qu'il ne s'en prenne à elle. Il était mort de maladie avant que son rôle dans le coup d'état contre mon cousin n'avait être pu mis en avant. Ma mère, qui connaissait bien la sienne, nous avait demandé grâce pour sa famille. Mais mon ressentiment envers lui n'avait pas bougé.
– Donc j'ai le droit de piller les tombes des mecs que tu détestes, même après 1000 ans? T'es pas un chouïa rancunier ?
– Je le suis vachement.
Elle pouffa de rire et nous arrivâmes à l'ancien emplacement de la ferme familial de Vebjørn où ses ancêtres et lui reposaient. C'était une pratique viking courante d'être enterré avec les membres de sa famille sur des générations. Nous y avions fait érigé, mon frère, ma sœur et moi-même, une chapelle quand le christianisme s'était étendu sur nos terres. J'avais mis sa tombe à nu, et nous avions fait les fondations autour. Régulièrement, j'emmenais un des descendants de Ragnar pour leur montrer nos us et coutumes de jadis.
– Cette chapelle est magnifique et très bien conservée.
– Merci.
Chiara se tourna vers moi, surprise.
– C'est toi qui l'a fait construire ? Je ne savais pas que tu étais chrétien ?!
– Je ne l'étais pas à cette époque et je doute de l'être, maintenant. Mais... le christianisme s'étendait sur ces terres et commençait à devenir dominant. Persister à le nier aurait mis en danger les descendants de notre famille. Alors nous avons pris la décision de faire cette chapelle.
Je me dirigeai devant l'autel et je me postai sur le côté pour le décaler. Nul homme n'aurait pu accomplir cet exploit. Mais je n'étais plus un homme.
Un trappe se découvrit et une échelle posée là dans les années 70 nous attendait. Je descendis le premier et j'attendis que Chiara me suive.
– C'est par ici. J'ai prévu des lampes torches, tiens !
Je lui en lançai une, qu'elle attrapa au vol et qu'elle me braqua dans les yeux. Je lui tendis la main et elle glissa la sienne dedans. Les fondations était assez haute et elle se tut en voyant la coque du bateau. Elle était très émue.
–Tu crois que je peux y toucher ? J'ai peur que ce ne soit pas réel.
J'attrapai sa main pour la poser sur la coque en bois. Elle était particulièrement bien conservée, et j'entendis la même réflexion entre ses lèvres. Toute une partie du drakkar était encore ensevelie et Chiara braqua sa lampe sur l'intérieur où reposait le corps de ce fils de pute. Rien qu'en le voyant, j'avais envie de lui cracher dessus, mais je savais qu'elle n'apprécierait pas.
– Il n'a pas d'armes, ce n'était pas un guerrier.
– Si, il l'était, mais retirer les armes d'un mort l'empêche d'avoir une vie paisible dans l'au-delà.
Elle tourna ses jolis yeux vers moi.
– Tu lui as retiré ses armes ?
–Oui. Elles sont juste ici.
Elles étaient posées sur le côté et je sus ce qu'elle allait me demander.
– Tu veux vraiment que je fasse ça ?
– Oui. Tu n'es pas profanateur de tombe, ni un pilleur. Redonne lui ses armes.
J'attrapai ses différentes armes et je grimpai doucement dans le bateau. Je m'agenouillai à côté de la dépouille et les paroles rituelles franchirent mes lèvres. Je sautai du bateau et je vis une émotion folle dans les yeux de ma compagne.
– Ce sont les paroles rituels pour les morts ?
– Oui. Quand je redeviendrai humain... j'aimerais être enterré sur ces terres, selon les rites vikings. Alors... il va falloir que tu les apprennes, si je décède avant toi.
– Je le ferai.
Je la soulevai sans crier gare pour la poser dans l'embarcation avant de la suivre. Je lui expliquai la raison de chaque objet présent autour du défunt.
– Pourquoi tu as remis son épée à droite ?
– Il était gaucher.
Mon téléphone vibra dans ma poche, nous ramenant à la réalité. Je sortis ma belle italienne de l'embarcation et je la fis remonter à la surface. Je replaçai l'hôtel à sa place exacte.
– Merci beaucoup, tu ne peux pas imaginer ce que ça me fait. C'était vraiment mon rêve de découvrir ça.
– Je pensais que ton rêve c'était la tombe de Ragnar ?
– Mon rêve c'est de faire découvrir au monde la beauté de cette civilisation. Et... je viens d'en apprendre énormément. Je vais pouvoir le recouper avec des écrits, des objets !
Elle était si enthousiaste que sa joie était communicative. Je refermai la porte de la chapelle et je l'entrainai encore un peu plus dans les hauteurs. La vue était splendide d'ici et je me mis à crier. L'écho de ma voix retentit dans le fjord.
– Lâche-toi Chiara.
Elle poussa un hurlement de joie et je le répétai juste après. C'était impressionnant de constater la vitesse du son. J'expliquai à Chiara que lorsque j'étais un tout petit garçon, nous montions avec Ragnar dans les hauteurs pour voir l'arrivée des drakkars.
– D'aussi loin que je m'en souvienne j'ai toujours aimé naviguer. Je voulais passer ma vie sur l'eau. C'était grisant comme tu n'as pas idée. Chaque voyage vers l'Europe était une aventure et quand nous rentrions... c'était si bon de pouvoir retrouver les bras aimants de ma mère. De pouvoir parler autour d'un feu. De couvrir Sølvi de bijoux et d'honneur ma famille. Mais...
Ma voix se brisa.
– J'ai commis tellement de choses affreuses, j'ai causé tant de souffrance.
– Je pense que tout peut être pardonné si la personne qui a causé du mal se repent sincèrement. Est-ce que tu regrettes ?
– Je regrette d'avoir fait du mal à des personnes innocentes.
Elle se retourna dans mes bras et je vis son nez légèrement rougi par le froid.
– Alors, tout est pardonné.
Elle se mit sur la pointe des pieds pour m'embrasser tendrement.
– Je commence à avoir hyper froid. Est-ce qu'on pourrait rentrer ?
J'opinai du chef et elle me posa une multitude de questions sur notre vie. Je ne m'étais pas épanché sur ces histoires depuis des lustres. Elle semblait insatiable de connaissances. En ouvrant la porte de la maison, j'étais en train de lui raconter ma première arrivée en France, et un boulet de canon arriva à mes pieds.
– Tu es rentré !!! On va pouvoir jouer !! Viens !
Elle attrapa ma main pour me ramener plus rapidement dans l'entrée.
– Je vais poser mon manteau dans...
– Je vais le faire ! Donne-moi ton manteau aussi Chiara !
Elle courut ranger nos affaires et reprit ma main pour m'emmener directement dans le salon. Les enfants avaient créé une immense cabane avec des chaises et des draps tendus. Je dus me faufiler à l'intérieur sous le regard hilare de ma sœur. Lili était une vraie commandeuse et Andor était le plus souvent d'accord avec elle. À vrai dire, je passai plus de temps à rire qu'à me plaindre avec eux et lorsque ma mère annonça l'heure du déjeuner, Lili se fourra dans mes bras.
– Je t'aime si fort.
– Moi aussi. N'en doute jamais.
Chiara ne pouvait s'empêcher de poser un air attendri sur moi durant tout le repas et je l'attrapai dès qu'il fut terminé.
– Tu es doué avec les enfants.
– J'en ai l'habitude.
J'entendis soudainement de la musique venant du salon et je vis mon frère Asmund avec son hautbois. Il jouait un ballade de jadis et Sølvi me regarda avec envie. Je grommelai avant de lui tendre la main pour l'inviter à danser. Comme elle me l'avait dit, nous étions les rois du dancefloor, mais même avant. Ma sœur était reconnue pour sa grâce quand elle dansait. Un sourire s'afficha sur mes lèvres alors que le rythme s'accélérait. Asmund termina son morceau et enchaîna sur un autre. Nous nous laissâmes tomber sur le canapé et je remarquai à cet instant que mon frère avait descendu d'autres instruments. J'en pris un en main avant de jouer. Mes parents se levèrent également pour danser alors que Sølvi montrait les pas de base aux petits et à Chiara.
Mon frère finit par nous abandonner et Chiara se laissa tomber juste à mes côtés. Elle posa sa tête sur moi et attrapa ma tablette sur laquelle se trouvait mon manuscrit. J'avais l'impression qu'elle prenait un malin plaisir à me laisser des commentaires et je me faisais violence pour ne pas les lire avant qu'elle ait terminé.
J'attrapai mon carnet et mes crayons pour continuer mon dessin, durant le temps calme de l'après-midi. Magne venait de s'endormir sur Sophie et les autres enfants dessinaient au sol. Asmund m'envoya un message en me sommant de le rejoindre dans sa chambre. Je décalai Chiara pour rejoindre mon frère.
Il avait un air grave sur le visage et je décidai de m'asseoir sur son lit directement.
– Balance la mauvaise nouvelle.
– Le sort nécessite que tu sois dans les mêmes conditions. Et elle t'avait drogué avec une plante ultra rare. Je ne suis pas certain qu'on la retrouve.
– Elle m'avait drogué ?
– Ouais. Pour ne pas que tu ressentes la douleur de la transformation. Elle t'aimait plus qu'elle ne voulait le montrer.
– La plante avait un rôle dans le sort à proprement parler ? Parce que si ce n'était pas le cas et que la douleur est importante, je peux prendre de la marijuana. Ou sinon, on va en chercher demain. Chiara doit partir avec Vivi pour chercher son frère.
– Est-ce que tu flippes ? Ça fait des années que tu n'as pas été présenté à une famille.
– Non. Je compte sur toi pour l'hypnotiser si jamais je ne pouvais pas le faire. Je veux qu'il m'adore, je vais pas tarder à engrosser sa sœur.
– Toujours très classe, gros, rit Asmund. Mais trêve de plaisanterie. Je n'ai pas trouvé la quantité de sang que tu vas devoir prendre à Chiara pour redevenir humain. Brune est sur une piste. Elle devait appeler une collègue du Pérou et me dire tout à l'heure les résultats. Je vais partir en expédition pour chercher la plante en question. Tu veux venir ou tu veux profiter de ton endurance vampiresque pour baiser tout l'après-midi ?
– Je ne sais pas pourquoi tu demandes ? Entre avoir du plaisir et me geler les couilles dehors ?
Je lui adressai un clin d'œil avant de redescendre dans l'ambiance de Noël instauré par ma mère. Les enfants et elle avaient décoré le sapin avec des décorations en pain d'épices le matin même. L'odeur embaumait le salon. Mais mon regard passait devant ces décos pour se poser sur la femme qui faisait battre mon cœur. Elle riait sous cape, plongée dans sa lecture. Elle finit par lever sa jolie bouille et je lui fis signe de me suivre. Elle reposa sa tablette et je l'attrapai sous mon bras pour l'emmener dans les étages. Nous avions une salle de billard dans notre grenier.
– Je te propose un petit défi.
– Tu n'as pas peur, tu as perdu le dernier.
Mon frère éclata de rire. Il nous écoutait cet enfoiré !
– Je suis le roi du billard.
– Impossible, je suis la reine du billard, et même du strip billard. Or, tu n'es pas mon mari.
– Pas encore, marmonnai-je.
Elle se retourna vers moi alors qu'elle caressait le rebord du billard.
– Pardon ? Qu'est-ce que tu as dit ?
– Tu es arrogante. Mais je présume que tu dois en avoir sous le capot pour être aussi sûre de toi. Alors... si tu gagnes, tu fais ce que tu veux de moi, si c'est l'inverse... prépare-toi à soupirer pendant de longues minutes dans mon cou.
Elle me fixa avec une arrogance qui me donnait envie de plonger dans son cou pour lui faire stopper son ton.
– Je te laisse commencer, mon chou. Honneur aux perdants.
Elle me déconcentrait volontairement en s'approchant de moi ou en me frôlant durant la partie. C'était difficile de me concentrer alors qu'elle venait de mettre en oeuvre une tactique de déstabilisation et de drague. Elle venait de rejeter sa chevelure en arrière, dévoilant son cou. Elle se pencha sur la table de billard et j'y vis une occasion de lui rendre la monnaie de sa pièce.
– N'y songe même pas.
– Songer à quoi ?
–À tenter de me draguer pendant que je joue. Je suis imperturbable moi monsieur.
Je souris de toutes mes dents et mes canines ressortirent. Son cœur s'accéléra même si elle tentait d'arborer une mine fière. Elle se concentra sur son jeu mais je savais que ma présence en mode prédateur actionnait son instinct de survie. Je finis par la prendre dans mes bras et inspirer longuement son odeur.
– Tu m'empêches de jouer en étant adorable, ça ne se fait pas.
– Je n'ai jamais pensé que les coups de foudre existaient. Pour moi, l'amour entre deux êtres était plus rare que la Middlemist rouge. Mais depuis que je t'ai rencontré... je ressens ses bienfaits. J'adore plonger dans cet océan d'amour que je ressens envers toi. Ce n'est pas rationnel parce que j'aurais dû mourir il y a près de 12 siècles. Mais maintenant...
Je croisai son regard intéressé. Elle buvait mes paroles.
– Maintenant, je me dis que si je suis resté en vie durant tout ce temps, c'était pour te rencontrer. Pour apprendre à t'aimer. Peut-être que... c'était toi mon âme sœur depuis tout ce temps.
– Je crois que tu avais raison. Tu es bien plus cool qu'Edward Cullen.
Je m'étouffai de rire, et j'entendis le rire de mon frère également, son hurlement de rire pour être plus précis.
« Boule à facettes est plus viril que toi gros, te fais pas d'illusion », lâcha-t-il.
J'allais me venger de lui mais pour le moment, mes lèvres prirent possession de celles de Chiara.
– Beaucoup plus cool, continua-t-elle contre mes lèvres.
Je la soulevai sur la table de billard pour mieux l'embrasser. Je la penchais en arrière et elle décala les boules avec son coude.
– T'es un tricheur. Tu savais que j'allais gagner, pas vrai ? Alors tu as mis fin à la partie.
– Je me demande comment tu vas me pardonner cette offense.
Ma libido était en feu avec elle. J'aurais pu lui faire l'amour là, tout de suite et ne jamais m'arrêter. Elle affolait tous mes sens. Je devais la protéger du monde. C'était ce que mon cœur me dictait. Son instinct de survie était défaillant puisqu'elle ne fuyait pas devant le prédateur que j'étais... il était donc de mon devoir de la protéger, contre le monde et... contre moi.
** RDV demain pour la suite**
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