Chapitre 18
– Je peux savoir pourquoi ta petite amie me regarde comme ça ?
– La petite-amie voulait savoir comment on peut en vouloir autant à un homme qu'on le maudit, lui et toute sa famille à boire du sang humain ?
– Les hommes étaient les êtres humains les plus importants, que ce soit pour la société ou pour les femmes à cette époque. Et surtout, une femme qui couchait avec un homme sans être mariée était souillée à tout jamais. C'est ainsi que j'ai été élevé. Alors quand ce connard m'a appris le jour de ses fiançailles, que je ne serai pas la mariée, je l'ai pris pour une offense. Je voulais qu'il souffre.
– Ça se tient. Moi je lui aurai explosé les couilles. Je m'appelle Chiara.
Elle lui tendit la main et Brune lui adressa un large sourire. Dans le hall, ma mère et Sølvi s'arrêtèrent de parler en nous voyant.
– Brunehault.
– Astrithr, Sølvi.
Un silence se fit entendre durant lequel ma sœur tentait de me sonder. Je hochai la tête pour lui faire comprendre que tout était okay. L'ambiance se détendit et ma sœur lui adressa un sourire.
– J'adore ta coupe de cheveux ! C'est vraiment joli.
– Mes cheveux ne seront jamais aussi beaux que les tiens. Vous avez l'air d'aller bien toutes les deux. C'est bien ! Il est possible que je passe chez vous dans l'après-midi, j'ai rendez-vous avec Asmund pour une affaire privée.
– Pourquoi tu ne viendrais pas immédiatement ? demanda ma mère. Je peux t'y emmener en voiture.
– J'ai des choses à faire avant.
Elle se tourna vers moi et m'arracha un cheveu. Je grognai en me tenant la tête.
– Je vais en avoir besoin. Je t'appelle beau gosse.
Elle nous contourna mais ma mère m'arrêta.
– La maternité t'ira parfaitement. Si tu as besoin que j'hypnotise certaines personnes, je le ferai.
– Je suis très touchée Astrithr.
– Asta.
Elle hocha la tête en nous laissant entre nous. Ma sœur mit les pieds dans le plat.
– Donc maintenant on aime de nouveau Brunehault ?
– On ne la déteste plus. La colère que je ressentais envers elle... c'était surtout de la colère envers moi. C'était plus facile de l'accuser de tous les maux de la Terre.
– Oui enfin, on a tué des gens à cause d'elle quand même.
– Mais je n'aurais pas rencontré Chiara.
Cette dernière rosit et me demanda où était mon véhicule. Je partis le chercher avec ma sœur, laissant la jeune femme avec ma mère. Je lui expliquai absolument tout. De la séance de sorcellerie dans la chambre de Asmund à ma discussion avec Brune.
– Tu as mûri.
C'était un constat et elle avait parfaitement raison. J'avais mûri plus facilement en quelques heures qu'en plusieurs années. C'était aussi la première fois que j'étais honnête avec les membres de ma famille. Que je m'ouvrais à eux au lieu de m'enfuir à chaque Noël. Je récupérai Chiara au passage et je roulai rapidement vers chez moi. Elle fixait le tableau de peur et s'agrippait à sa ceinture.
– Je ne suis pas immortelle moi. Tu peux ralentir, s'il-te-plaît ?
Je n'avais pas envie de l'effrayer, mais je n'aimais pas rouler lentement. Je ralentis très légèrement, mais je restai au dessus des limitations de vitesse tout de même. Je m' arrêtai devant la maison dans un crissement de pneus au moment où mon frère sortait de la maison.
– Trop cool, j'ai besoin de la caisse. J'ai un ami qui a un livre ancien que je peux consulter. Salut Chiara, content de voir qu'il ne t'a pas fait fuir.
Cela la fit rire et j'attrapai sa valise. Elle était lourde mine de rien et je la traînai dans ma chambre. Elle m'arrêta cependant alors que j'ouvrais la porte.
– Ma chambre est juste à côté.
– Dans les faits, ce soir, tu vas réchauffer mes draps alors...
Elle attrapa sa valise et la roula jusqu'à sa chambre désignée.
– Tu sais pourquoi cette chambre a une cheminée en commun avec la mienne ? Ma mère l'a réservée pour ma future épouse.
– Dois-je en conclure que tu aimerais m'épouser ?
Je ne répondis rien et elle se mit à rire, tout en ouvrant sa valise.
–Est-ce que tu crois que je pourrais utiliser la machine à laver de ta mère ? Je comptais aller dans un pressing tout à l'heure.
– Donne-les moi, je vais m'en occuper. J'ai du linge aussi à nettoyer.
Lorsque je vis la dentelle de son soutien-gorge, ma gorge se serra un peu. Je levai l'objet de mon attention avec mon doigt.
–Tu portes de la belle lingerie... pourquoi tu as mis une culotte licorne ? Je ne comprends pas.
– Parce qu'elle est super confortable, mais j'adore mes soutien-gorge en dentelle. Voilà pourquoi. Et on ne critique pas ma lingerie ! Sérieux !
Elle me donna un coup dans l'épaule et me demanda si elle pouvait de nouveau me piquer mon gilet. Je lui fis signe de se rendre dans ma chambre, avant de lui annoncer que je me rendais dans la buanderie. J'y déposai ses affaires avant de lancer la machine et remonter dans le salon. Les enfants dessinaient sur de grandes feuilles posées à même le sol. Mon père peignait près de la fenêtre et il releva à peine les yeux.
– Tu sais comment utiliser une machine à laver ? Il y a du progrès ! Je pensais que tu laissais faire ta femme de ménage d'ordinaire.
– C'est le cas, mais quand on veut impressionner une dame, montrer qu'on sait faire des tâches aussi basiques prouve qu'on ne la prendra pas comme sa bonne.
Je jetai un coup d'œil sur la peinture de mon père. Il avait un véritable don, plus que le mien. Sa peinture était absolument magnifique. Elle représentait une scène de famille. En y regardant de plus près, il représentait les petits qui étaient devant ses yeux, en train de choisir l'arbre de Noël. C'était magnifique. Un mouvement me fit lever les yeux. Chiara portait mon gilet et me paraissait toute timide tout à coup. Mon père l'interpella et lui demanda de venir le rejoindre. Il avait envie de parler manifestement et je pus en profiter pour partir chercher mon bloc de dessin et mes crayons. La scène que j'avais devant mes yeux me rappela furieusement celles de jadis. Hedda aimait parler avec mon père également. Je ressentais une même douceur dans leurs échanges. Mon père l'estimait et approuvait ma relation. C'était sa manière de me le faire comprendre sans me le dire clairement.
– Sigmund ? Tu peux nous montrer tes canines ? C'est pour notre dessin ?
Je souris, mes canines fièrement ressorties et Andor, qui m'avait interpellé, les observa avec attention.
– Est-ce que je peux regarder vos dessins ?
– Pas encore ! sourit Magne. J'ai pas fini !
– C'est bon ! Range tes crocs !
C'était un petit chef, ce Andor. Un vrai petit descendant de Ragnar. J'avais promis à Chiara de l'emmener voir une véritable tombe. Je n'en avais pas l'intention à la base, mais... elle le méritait. Je l'écoutais s'extasier devant l'histoire que lui racontait mon père avant de plonger dans mon monde de dessin. C'était une passion que j'avais gardé au fil des siècles, encore plus que l'écriture. Au moment de la Renaissance j'avais dirigé et peint moi-même certains des murs de notre maison en Italie.
Encore une fois, mon dessin me ramenait vers Chiara. Contrairement à la femme que j'avais dessiné dans l'avion, celle-ci était plus réelle. Il me faudrait des heures pour la terminer. Chiara finit par s'asseoir près de moi. J'avais l'impression de l'avoir toujours connue alors même que je ne l'avais découverte que quelques jours auparavant. C'était perturbant. Mais Brune m'avait mis sur la voie. C'était l'humaine qui m'était destinée. Celle qui pourrait m'aider à... retrouver mon humanité.
– Attends... tu es en train de me dessiner ? Mais je ne ressemble pas à ça ?
– Si. Tu ressembles exactement à ça.
– Je crois que tu me regardes avec les yeux de l'amour c'est pour ça. Parce que je ne ressemble pas à ce canon. Mais... je pourrais l'avoir ce dessin après ?
– Je n'offre pas mes dessins, d'ailleurs, je n'autorise personne à les voir.
– Mais je ne suis pas personne, je suis ton humaine favorite.
– Ah non !! s'exclama Lili en se redressant. C'est moi son humaine favorite.
Ma petite cousine fronçait ses petits sourcils et elle arriva sur mes genoux avant de regarder Chiara d'un air féroce.
– Elle a raison, c'est elle mon humaine favorite.
– Je ne peux pas rivaliser avec une petite fille aussi jolie de toute façon.
Lili plissa des yeux avant de les écarquiller.
– Oh tu es l'amoureuse de Sigmund ? Sølvi a dit qu'il avait une amoureuse et qu'il était vachement moins coincé depuis !
Le rire de ma sœur se fit entendre et elle apparut.
– C'est le cas monsieur Patate ! T'es beaucoup plus amusant depuis 2 jours.
– Lili ? je dois aller botter les fesses de ma sœur, pousse-toi.
La petite se mit à rire et je courus derrière Sølvi qui fila au dehors. J'attrapai une boule de neige qui s'écrasa sur elle. Les enfants m'avaient suivi et ils venaient de se mêler à notre bataille. Toute cette joie m'envahit comme une vague de plaisir. Chiara passa son nez dehors pour nous observer et je courus vers elle pour l'embrasser, le visage recouvert de neige.
– Ah ouais... on ne peut pas faire semblant de ne pas être ensemble ?
– Non.
– Ça veut dire que je dois prévenir mon frère ? Il va me prendre pour une folle.
– T'inquiète, je peux utiliser mes pouvoirs de vampire sur lui.
– Il va te planter un pieu dans le cœur.
– J'ai hâte dans ce cas.
Je posai de nouveau mes lèvres sur elle avant de rentrer dans le salon. J'éternuai et je me figeai avant de fixer ma mère. Cette dernière venait de lever le sourcil. J'éternuai de nouveau.
– Quelqu'un aurait... un mouchoir ?
Ce fut au tour de mon père de s'arrêter de peindre, et Chiara m'en sortit un de sa poche.
– Pourquoi vous avez l'air aussi surpris ? Vous n'avez jamais vu quelqu'un se moucher ?
– Sigmund n'a pas éternué depuis près de 1000 ans à cause du froid.
Boire le sang de ton humaine, te rendra humain.
Je me précipitai dans la cuisine pour attraper un couteau que j'enfonçai profondément dans ma main. La douleur me fit lâcher un cri et le couteau retomba sur le plan de travail. Ma mère arriva deux secondes plus tard alors que j'observais ma main qui tardait à se refermer. Je m'humanisai. Je relevai les yeux vers ma mère.
– Je vais avoir besoin de ton sang Maman. Je ne pourrais pas guérir.
– Comment ça ?
– Je me vide de mon sang là.
Elle me fit boire son sang et ma plaie se referma.
– Explique-moi.
– C'est le sang de Chiara. Il me rend mon humanité, c'est ce que m'a révélé Brune. C'est pour ça qu'il a un goût de paradis pour moi. Mais je ne sais pas quelle quantité je dois boire pour le redevenir. Tout ce que je sais, c'est que... elle m'était destinée.
Le visage de ma mère se referma.
– Et tu vas devoir lui ponctionner combien de sang ?
– Aucune idée. Brune et As doivent le rechercher.
– Et si tu devais la tuer pour devenir un humain, tu le ferais ?
Mes yeux s'écarquillèrent et je ne répondis pas.
– Il va falloir que tu y songes. Si tu ne le fais pas alors que c'est la solution, tu devras rester peut-être les 500 prochaines années comme un vampire.
–Je ne sais pas quoi faire. Je ne veux pas y penser. J'ai eu un coup de foudre pour elle, Maman. Je l'aime, je le sais. C'est... totalement irrationnel parce que je la connais depuis moins d'une semaine. Mais... c'est mon humaine et je ne veux pas lui faire du mal. Alors... oui, je pense que j'y renoncerai.
– Est-elle au courant ?
– Non.
Ma mère hocha de nouveau la tête et posa sa main sur ma joue.
– J'espère que tu n'auras pas ce choix à faire. Les dieux ne peuvent pas être aussi cruels.
Oh que si ils peuvent l'être.
Je ne voulais pas la détromper, elle qui venait de prononcer ses paroles dans l'unique but de me rassurer. Je retournai dans le salon mais je ne vis ni mon père ni Chiara. Je me concentrai sur les bruits alentours et je finis par les trouver dans la bibliothèque. Manifestement mon père était ravi de trouver un auditoire pour raconter notre vie de jadis. Ce constat me fit sourire et je m'installai près de ma cousine Sophie qui en profita pour se blottir contre moi.
– Merci Sigmund.
– De ?
– D'être toi et d'être là. Je sais que je vais passer un Noël vraiment merveilleux avec vous tous à mes côtés.
– Avec plaisir bichette.
J'entendais son cœur battre doucement.
– Tante Asta ? Est-ce que tu penses qu'on pourrait faire des guirlandes en pain d'épices ? Je me souviens qu'on le faisait tout le temps quand on était petit, avec les cousins. Je crois que Lili adorerait. Et... est-ce que vous pourriez ne pas le dire à ma mère pour la grand-mère de ma fille ? Elle n'est pas au courant du problème.
– Ne t'inquiète pas ma chérie, je ne compte pas trahir tes secrets, lui répondit ma mère avec tendresse. Hum... Sigmund, tu devrais monter chercher ton père et notre invitée. Il est en train de lui montrer des photos de toi dans les années 70.
Je me précipitai à l'étage sous le rire de ma mère et j'ouvris la porte à la volée.
– NON ! Pas ces photos là !
C'était trop tard, Chiara avait une photo de moi en mode baba cool hippie, joint au bec, entre les mains... et je ne pouvais pas l'hypnotiser. Eh merde. Ma crédibilité venait d'en prendre un sacré coup ,mais je relevai les yeux avec fierté.
Mon père était hilare, tout comme la jeune femme. Elle reposa la question et attrapa les feuilles noircies de son écriture sur le côté. Elle se redressa et bisa la joue de mon père.
– Merci beaucoup d'avoir pris du temps pour m'expliquer tout ça. Je vous assure que ça va grandement m'aider. Merci encore !
Papa hocha la tête et en ressortant du bureau, il posa sa main sur mon épaule et la serra. C'était le signe de son approbation. Chiara avait replongé la tête dans ses papiers. Sa peau fine me donnait envie de la croquer. Littéralement. Je m'approchai d'elle à pas de loups.
– Est-ce que tu accepterais de me donner ton poignet ?
Elle me le tendit sans se douter une seule seconde que j'allais y poser mes lèvres pour m'y abreuver. Mes canines ressortirent et ce goût si merveilleux se déversait en moi. Chiara me fixait d'un air vraiment intriguée.
– J'ai l'impression de voir un drogué.
– Être drogué de toi, j'adore l'idée.
Ses couleurs disparaissaient petit à petit et son cœur s'emballait. Je me décalai avant de lui faire perdre connaissance mais ce n'était pas suffisamment rapide. Je la rattrapai dans mes bras alors qu'elle ne tenait plus sur sa chaise. Je la pris dans mes bras, la soignai et je la ramenai dans notre chambre.
– Excuse-moi.
– Je me sens juste fatiguée, c'est rien.
Je posai ma couverture sur elle et je redescendis dans la cuisine pour lui chercher de quoi manger. Je m'en voulais de lui avoir fait du mal. Je posai mes mains sur le rebord du plan de travail.
Si le sort me forçait à boire son sang en intégralité... Il faudrait que je la renvoie loin de moi et ça, je ne savais pas comment le gérer par la suite.
***
Bonne année !!! J'espère que 2023 sera la plus belle année que vous ayez passé !
RDV demain pour la suite !
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