Référence à Marie-Aude Murail ! Cette auteure est fantastico-merveilleuse.

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Matt et Sophie se promenaient main dans la main le long du Suzon, à quelques kilomètres de Dijon, après avoir fait un petit trajet en voiture pour grimper sur une colline, le long de laquelle dégringolait la rivière. Sophie avait décidé qu'un peu d'air frais lui ferait du bien, mais Matt avait jeté un regard dubitatif sur son ventre, se demandant si elle ne tomberait pas de fatigue au milieu de leur ballade, ou si de terribles crampes ne la plieraient pas en deux au bout de quelques kilomètres. Elle avait rejeté ses doutes d'un revers de main sans appel, et ils étaient partis.

La veille, ils avaient fait un petit tour ensemble dans les magasins pour trouver des vêtements adaptés au tour de taille de Sophie ; ils avaient été reconnus par une fan hystérique qui avait failli tomber évanouie dans les bras de Matt, et n'avait heureusement pas fait attention à la grossesse visible de Sophie à côté. Mais le moment où le secret serait révélé approchait dangereusement, ainsi que les harcèlements des paparazzi qui resserreraient leur attention sur Sophie en apprenant cette nouvelle.

Matthew pressa sa main doucement pour la ramener à l'instant présent.

- C'est joli ici, dit-il.

Il avait le regard fuyant et rougissait violemment lorsqu'elle se tournait vers lui.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? demanda Sophie. Tu es tout nerveux.

- Rien, ce n'est rien.

Ils s'arrêtèrent de marcher pour regarder la vue, une fois arrivés en haut de la colline. Le bruissement de la rivière et du vent dans les feuillages meublaient le silence. Matt passa un bras autour de la taille de Sophie, et se mit à fredonner tout bas. Elle reconnut sans mal la mélodie de Feeling Good, juste avant que son extase à l'effet multiplié par la voix a capella de Matthew ne la fasse fusionner avec ce délicieux nectar qui montait et descendait au rythme des notes plus ou moins aiguës...

Elle sentit inconsciemment Matt l'entourer de son deuxième bras et appuyer son front contre le sien, chantant à voix basse à présent, juste pour elle, pour rendre cet instant magique, unique, le transformer en un joyau de bonheur et de plaisir.

Un dernier « feeling good » s'éteignit sur ses lèvres, l'âme de la chanson planant encore au-dessus d'eux. Sophie revint à elle peu à peu, ses yeux se rouvrirent face aux deux saphirs lumineux de Matt, qui la fixaient, emplis de tout l'amour du monde. Un instant passa, ils se contemplaient l'un l'autre en songeant à la chance qu'ils avaient de s'être trouvés.

- Sophie...

Il accentua le « o », comme à son habitude, c'était devenu tellement habituel de l'entendre prononcer son nom que Sophie n'appréciait pas ces moments à leur juste mesure. Mais aujourd'hui, ce son fit fleurir un sourire sur son visage, et elle referma les yeux, elle se sentait bien, ici, enlacée par Matthew, sortant tout juste d'une extase et savourant l'amour les liant tous les deux.

- Sophie, will you marry me ?

Ses paupières se rouvrirent toutes seules et elle eut un petit mouvement de recul. Une demande en mariage, ici, maintenant ? Pourquoi avoir choisi ce jour-là, et cet endroit ? Il la quitta des yeux une seconde, le temps de sortir une petite boîte noire cubique de sa poche – il fallait faire les choses correctement, tout de même. Le couvercle s'ouvrit sur une bague en or blanc surmontée d'un petit diamant.

- Je sais que tu rejettes tout ce qui touche au luxe, alors je ne t'ai pas pris un truc extravagant et affreusement bling-bling. Ça fait deux semaines que je me trimballe avec cette boîte dans la poche en cherchant le bon moment pour te le demander. Je suis désolé si ça te met mal à l'aise, je...

Il avait débuté ça d'une traite, en virant au cramoisi, les yeux rivés au bout de ses chaussures. Il n'osait plus la regarder à présent, il doutait de cette demande, ils n'en avaient jamais discuté, peut-être que le mariage n'intéressait pas du tout Sophie, qu'elle n'avait pas envie de s'enchaîner à lui pour toujours, peut-être même que... Ses lèvres se posant délicatement sur les siennes interrompirent le cours de ses pensées, et ce n'était pas plus mal, ça lui évitait de se torturer l'esprit plus longtemps. Ils échangèrent un long baiser, puis Sophie lui murmura de relever les yeux.

- Je veux me plonger dans les flots bleus de ton regard, chuchota-t-elle.

Il obéit, et vit à nouveau les joues rosies par l'émotion de Sophie, ses yeux comme un ciel d'hiver, d'un bleu si clair qu'il en avait l'air translucide, et brillant toujours de cette lueur si particulière, une lueur malicieuse qui voulait dire qu'elle n'avait jamais tout à fait quitté l'enfance ; un bleu dans lequel on s'attendait à voir passer des fées, lutins et autres farfadets. Ces yeux, Matt en était fou, il aurait voulu les contempler toute la journée, et il savait que la réciproque était vraie. Bizarre, cette obsession qu'ils avaient pour les yeux l'un de l'autre. Encore quelque chose en commun. Les fameux atomes crochus.

- Yes Matthew, I will.

Elle l'embrassa encore, et encore, et encore une fois, tout en pensant que, tout de même, elle vivait un véritable conte de fées avec cet homme.