Petite discussion
Il se rassit en face d'elle, les coudes appuyés sur les genoux. Il l'a appelée « sweetie ». Il l'aime vraiment, se répétait Sophie. Mais elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer encore le goût qu'auraient ses lèvres. Les yeux de Matthew brillèrent le temps d'un sourire.
- Je suis désolé qu'ils partent tous comme ça, vu comme tu es gênée quand je suis là, ça n'arrangera peut-être pas les choses d'être seule avec moi. Tu as aimé le concert de ce soir ?
Elle avala sa salive, mit les mots qu'elle voulait dire dans l'ordre, et ouvrit la bouche :
- Oui, c'était fantastique. C'était mon premier concert et je suis très heureuse de vous avoir vus.
- Quelle chanson tu as préféré ?
Elle réfléchit un instant :
- Je les ai toutes beaucoup aimées. Du moment qu'il y a ta voix dessus, ça me met dans un état incroyable, j'ai l'impression de voler au milieu de notes aiguës, et mon cœur fait un looping quand ta voix s'envole... Et toi, laquelle tu as préféré jouer ?
Il sourit. Elle était mal à l'aise quand elle devait parler, alors elle lui confiait le soin de combler le silence. Il répondit sans hésitation :
- Stockholm Syndrome. Elle est toujours magique à jouer en live, et on a souvent du mal à s'empêcher de partir en impro ensuite.
- J'aime vos riffs déjantés, dit-elle simplement.
Quand ils en faisaient sur scène, son extase partait en vrille elle aussi, des explosions de couleurs jaillissaient dans l'obscurité de ses paupières fermées, son esprit s'envolait dans des ciels lumineux dont elle n'osait même pas imaginer l'existence...
Elle revint sur terre, cessant de se remémorer ces émotions intenses qui la traversaient en concert. Matthew la regardait attentivement, intrigué par cet état étrange dans lequel elle plongeait parfois. C'est lui qui lui faisait ça ?
- Oli, c'est vraiment ton petit ami ?
Elle hésita. Pourquoi lui demandait-il ça ? Il devait bien se douter, en ayant vu son choc quand elle avait croisé son regard, qu'elle n'était pas insensible à son charme. Alors cette question, elle pouvait le prendre comme un terrible faux espoir. Il ne s'en rendait pas compte ?
- Non. Il a dit ça pour que je puisse passer avec lui. Pourquoi tu me poses cette question ?
- Pour savoir.
Il haussa nonchalamment les épaules. Ses yeux bleus étaient fixés sur ceux de Sophie comme s'il n'avait pas conscience du trouble qu'il créait en elle par ce regard intense. Elle se tortilla sur sa chaise, avec l'impression désagréable d'être sous le feu d'un projecteur.
- Et toi, Gaia c'est vraiment ta petite amie ?
Il se mit à rire.
- Oui, je l'aime de tout mon cœur et elle m'aime aussi. On est ensemble depuis huit ans et on est fiancés, tu sais.
- Pourquoi elle est partie d'ici avant toi ? Tu restes encore longtemps à Dijon ?
- Tu es drôlement curieuse !
Il se remit à rire, mais cessa dès qu'il croisa son regard sérieux.
- Elle a des rendez-vous demain. Elle ne peut pas les rater, elle est psychologue. Elle aime bien venir voir mes concerts de temps en temps, et elle avait envie d'être là ce soir, alors on est venus ensemble. Je ne repars qu'après-demain, moi. C'est bon, j'ai répondu à toutes tes questions ?
Sophie acquiesça, songeuse. Il semblait vraiment très amoureux de Gaia, mais une petite voix en elle lui soufflait de garder espoir. Pourquoi ? se demanda-t-elle. Bon sang, je ne suis qu'une fan ! elle se tut et regarda le ballet de ses mains agitées. Il était incapable de tenir en place, elle l'avait vite remarqué en regardant des interviews. C'était encore plus impressionnant en vrai. Il était toujours en train d'agiter les bras, faire tressauter une jambe...
- Tu es hyperactif ?
- Un peu. Enfin oui, mais non. Oui et non. J'ai du mal à rester immobile, mais je ne suis pas à proprement parler hyperactif. Je n'ai jamais été diagnostiqué.
- Hmm.
- Tu as quel âge ?
- On ne demande pas son âge à une femme, Mathew. Tu devrais le savoir, vu comme tu es toujours galant avec les filles.
- J'hésite entre vingt-quatre ans et cinquante-six.
Sophie s'étrangla en riant.
- C'est une fourchette énorme ! Et pas très flatteuse...
- Ah oui ? Dis-moi ton âge...
- Je ne veux pas, après tu vas dire que je suis vieille.
- Mais non ! Ce n'est pas mon genre. Je te promets que je ne vais pas dire ça.
Elle plissa les yeux, sceptique, mais finit par lâcher :
- Vingt-sept.
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