Oubli
Côté Muse, tout allait plus ou moins bien. Matt essayait de ne pas trop penser à Sophie pour ne pas sombrer dans un abîme de tristesse en l'imaginant seule dans son minuscule studio, devant affronter les problèmes liés à la grossesse sans lui... Il essuyait patiemment les regards noirs injustifiés que Dom lui lançait de temps en temps. Il avait cessé d'essayer de comprendre son ami. Il avait vaguement eu vent d'une histoire avec une certaine Stacie, d'après Chris, mais personne n'avait de précisions dessus. Le bassiste avait semblé dire que c'était quelque chose de sérieux, mais Dom n'en parlait jamais et on n'avait jamais aperçu l'ombre de cette fille.
Matt se demandait si le blond pensait encore à Sophie. Avec un peu de chance, il était passé à autre chose avec sa nouvelle copine, mais avec lui, rien n'était sûr. Matthew avait décidé de ne plus se mêler des histoires de son batteur, celui-ci avait un don pour se fourrer dans des histoires compliquées qu'il était le seul à comprendre totalement, et son cœur était toujours animé d'émotions et d'élans contradictoires. Après des années à tremper à moitié dans ses incompréhensibles sentiments, Matt avait choisi de s'émanciper et de le laisser gérer ça tout seul. S'il avait besoin de réconfort, il serait évidemment là pour lui, mais il faudrait qu'il vienne le demander, ou qu'il l'exprime plus clairement que par le passé... Il était fatigué d'essayer de suivre les schémas d'action de Dom pour deviner à quel moment il avait besoin de lui.
De plus, avec sa vie de famille qui commençait à se préciser, Matt avait moins de temps à accorder à ses amis, à son groupe. Chercher des trous dans la tournée pour rendre visite à Sophie, en France, était un vrai casse-tête. Tom avait proposé de supprimer ou reporter des dates ("ça ne dérangera pas les fans du moment que leurs billets sont encore valables, ou remboursables !") mais la musique restait une de ses priorités, et puis il n'avait pas assez d'argent pour se permettre d'arrêter de travailler maintenant.
- Matt, on descend au restaurant, dit Morgan à travers la porte. Tu viens ?
Il descendit dîner avec eux, les pensées un peu ailleurs. Mais il retourna brusquement sur terre lorsque les lumières s'éteignirent et que tous les clients du restaurant se mirent à chanter. Un gâteau surmonté d'une multitude de bougies éclaira faiblement la pièce, la lumière vacillant vers eux. La serveuse le posa juste devant Dom, qui riait aux éclats, un peu surpris – d'habitude, pour fêter cette journée, il sortait en boîte avec tout le monde, ils ne faisaient pas les choses d'une façon aussi calme que ça.
Matt, lui, pour la première fois depuis plus d'un quart de siècle, avait oublié cette date.
Les lampes se rallumèrent, Dom souffla ses bougies, tout le monde riait, applaudissait, lui souhaitait tout un tas de bonnes choses. On défila devant lui pour lui apporter de petits cadeaux, pas grand chose, juste de quoi lui montrer qu'on pensait à lui.
Matt, lui, n'avait rien. Il restait collé à sa chaise, fixant Dom qui ouvrait un nouveau paquet et éclatait de rire en découvrant ce que c'était. Il brandit à bout de bras un paquet de pâtes en forme de... vous avez compris... et s'écria à l'intention de Matthew :
- Je te cuisinerai ça un de ces jours, vieux !
- Belldom is real ! pouffa Chris dans son coin.
Mais Matt ne rigolait pas. Il n'avait pas même esquissé un semblant de sourire. Ses yeux étaient braqués sur ceux de Dom, et il sentait sa gorge se serrer petit à petit à mesure que les larmes montaient. Il avait oublié l'anniversaire de son meilleur ami, c'était impensable pour lui qu'une chose pareille puisse arriver.
Les rires se turent. À présent, on regardait ce face-à-face entre les deux, on ne comprenait pas ce qu'il se passait mais on devinait que c'était sérieux. Des murmures parcoururent la salle, les convives qui étaient trop loin pour voir la table se bousculèrent pour apercevoir la cause de l'arrêt brutal des festivités.
Matt se leva.
- Happy birthday, Dominic. I wish you... I dunno... Be happy.
Il se fraya un passage à travers la foule, ignorant de son mieux les chuchotements qui accompagnaient sa fuite. Il sentait leurs regards posés sur lui, qui le suivirent jusqu'à ce qu'il tourne dans le couloir. Il s'appuya au mur et se laissa lentement glisser jusqu'en bas, le visage dans les mains. Il aurait préféré avoir la force d'aller s'enfermer dans sa chambre, mais ses jambes ne le portaient plus.
Il s'était éloigné de Dom pour avoir la paix, mais à quel prix ?
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