Matt partit pour Londres deux jours après le départ de Sophie. Il n'avait aucune idée de l'endroit où elle avait pu aller et refusait d'habiter son studio en son absence. Il allait rentrer chez lui, retrouver son appartement londonien et reprendre une vie normale en attendant le retour de Sophie. Elle ne partirait sans doute pas trop longtemps... À moins qu'il ne soit trop sûr du besoin de Sophie d'être avec lui ? Et si le quitter ne faisait ni chaud ni froid à la jeune femme ? Il secoua la tête pour se débarrasser de ces interrogations et baissa sa casquette sur ses yeux, croisant les doigts pour ne pas être dérangé dans son sommeil par un fan.

Qu'allait-il faire une fois à Londres ? Il savait qu'il devait commencer à réfléchir à son prochain album avec Muse, il se devait de livrer son boulot le plus vite possible une fois la tournée avec U2 terminée. Les fans étaient impatients, il avait jeté un coup d'œil rapide au chat sur le site de Muse, et ça débattait déjà du style qu'ils exploreraient avec ce nouvel album. La pression mise par leurs fans était parfois lourde à porter au quotidien, dès qu'il croisait un muser, celui-ci lui demandait quels étaient ses futurs projets musicaux. Ils avaient du mal à comprendre que Matt voulait du temps pour lui, au lieu de consacrer sa vie à son groupe... Et pour sa famille, à présent. Pour sa Sophie et leur bébé, pas encore né mais déjà très présent.

Il arriva en fin de soirée, acheta un paquet de pâtes sur la route et rentra chez lui. Quelques minutes plus tard, les yeux plongés dans l'eau bouillonnante, il réfléchissait. Tout cet espace vide, cet immense chez-lui, utile à lui seulement, toutes ces chambres dont une seule serait occupée... La taille démesurée de son appartement lui semblait soudain bien ridicule. Et le luxe qu'il avait étalé partout, la table en marbre, un tableau onéreux pendu au mur, qu'il ne prenait même pas le temps de regarder... Sa collection d'ustensiles de cuisine alors que ses talents de cuisiner s'arrêtaient aux choses les plus basiques, la multitude de canapés dans le salon alors qu'il vivait seul ici. Et la télé géante devant laquelle il ne perdait pas une seule seconde de son temps...

Il donna un coup de pied rageur dans la rembarde de l'escalier menant à l'étage. Parce que forcément, il avait acheté un duplex... L'eau de ses pâtes déborda dans un pshhhh de gaz qui s'éteignait. Il n'avait jamais pensé à remplacer sa gazinière par des plaques à induction, il n'en voyait même pas l'utilité. Je suis un bel abruti, songea Matt en redémarrant le feu, pestant et jurant contre sa propre incapacité à faire cuire une pauvre poignée de spaghetti.

Tout ce luxe aurait renfrogné Sophie. Mais elle n'était encore jamais venue chez lui. Cette réalité le frappa de plein fouet. Ils avaient vécu quelques fragments de vie ensemble chez elle, et une grande partie en vadrouille dans divers hôtels. Chaque fois qu'elle découvrait l'étalage de richesses qu'était le bâtiment, elle fronçait le nez et croisait brièvement son regard. Elle ne disait jamais rien, mais il suffisait d'être un peu observateur pour remarquer qu'elle était complètement opposée à ces principes.

- Où es-tu ? murmura Matt avant d'enfourner une pâte brûlante dans sa bouche pour en vérifier la cuisson.