Loch Lenen (partie 1)
Matt tournait dans sa chambre comme un lion en cage. Plusieurs jours avaient passé, ils étaient de retour en Europe de l'Ouest, à Kinross, en Écosse. Matt n'osait pas sortir de peur d'être reconnu et abordé.
Sophie, elle, allait et venait à sa guise, prétextant lorsqu'on venait lui parler de Muse qu'ils faisaient erreur et que, malheureusement, elle ne connaissait pas personnellement ce charismatique chanteur. Elle enchaînait avec un monologue digne de la plus grande fan du groupe, faisant l'éloge de la voix de Matt et de son aisance sur scène, ce qui avait le don de faire fuir les gens. Les photos d'elle étaient encore trop peu nombreuses pour qu'on puisse affirmer qui elle était sans avoir de doute.
À deux jours du concert, Sophie décida d'aller passer une journée au bord du Loch Lenen ; elle parla de cette idée au groupe, et Dom s'exclama avec entrain qu'il voulait venir avec elle. Morgan déclara que lui aussi aimerait bien y aller, mais le batteur lui fit comprendre d'un regard que ce n'était même pas la peine d'essayer.
À huit heures le lendemain, un sac à dos contenant leur pique-nique pendu aux épaules, Dom suivit Sophie sur la route qui les mènerait au bord du lac. Le ciel était d'un gris perle, parfois troué de taches bleues, un temps appréciable pour marcher.
Sophie pressait le pas, dix mètres devant lui, impatiente d'arriver.
- Tu m'attends, hein ? haleta Dom qui peinait à suivre son rythme.
- Bien sûr.
L'écart se creusa de deux mètres.
- Tu marches souvent ? Tu vas drôlement vite.
- De temps en temps, je fais une petite randonnée. C'est compliqué parce qu'autour de Dijon, il y a principalement des champs et des vignes, les forêts ont toutes été rasées ; mais il y a quelques parcs qui me permettent de faire le plein de verdure. Tu trouves pas ça super apaisant de marcher dans la nature ?
- Heu... Oui...
Elle jeta un regard par-dessus son épaule. Ce dont elle lui parlait ne devait pas avoir beaucoup de sens pour lui. Il vivait dans un autre monde, après tout, complètement déconnecté des bases de l'existence. Une marche dans la forêt était sans doute à ses yeux une des choses les plus ennuyeuses et inutiles du monde. Elle espérait qu'il sentait quand même encore sa poitrine vibrer quand il était loin de la civilisation, de ses problèmes quotidiens, et avec des oiseaux pépiant dans les arbres pour seul bruit ambiant. Elle espérait qu'il sentait ce délicieux frisson du cœur quand il s'éloignait du gris de la ville pour retrouver le vert de la nature.
Quelques minutes plus tard, elle aperçut un coin de bleu au bout de la route, entre des arbres épars.
- On arrive bientôt au bord de l'eau, annonça-t-elle à Dom.
- Enfin ! On fait une pause quand on y sera ?
- Je te croyais plus sportif, Domino.
Il ne releva pas le surnom. Elle pouvait l'appeler comme elle voulait, ça lui importait peu. Il accéléra un peu pour se porter à sa hauteur.
- Je porte le sac, si tu veux, proposa-t-elle gentiment en le voyant tout essoufflé.
- Ça va, je suis pas si faible.
Il avait sa fierté, tout de même.
- Ne sois pas bête, tu es en train de cracher tes poumons alors qu'on a fait à peine un kilomètre. Si je peux t'alléger un peu...
- Ça va, je te dis !
Butée, elle le lui proposa encore une fois.
- Tu ne viendras pas te plaindre que tu es fatigué !
- Lâche-moi un peu...
- Non. Tu fais le malin, mais je suis sûre que c'est mieux que je porte ça moi-même. Je suis plus en forme que toi, que ça te plaise ou non.
- Tu as juste plus l'habitude.
Elle leva les yeux au ciel, s'arrêta :
- Donne-moi ce sac, maintenant.
Il soutint son regard une poignée de secondes, et, en voyant la dureté de ses yeux, céda finalement et la laissa le délester de ce poids.
Arrivé au lac, Dom réclama de nouveau une pause, et elle la lui accorda, compatissante de le voir aussi épuisé par quelques minutes de marche. Ils s'assirent sur la bande d'herbe au bord de l'eau. Il vida un tiers de sa gourde d'un coup, sous l'œil réprobateur de Sophie.
Ils restèrent là en silence durant de longues minutes. Dom voulait parler, mais il ne savait pas comment amener le sujet. C'était délicat, il ne voulait pas dire de bêtise. Il passa en revue plusieurs façons de lui en parler, les rejeta toutes une par une.
Ils repartirent donc sans qu'il se soit décidé à ouvrir la bouche.
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