L'italien de Sacramento
Le 27 septembre, Matt l'emmena dîner dans un petit restaurant italien de Sacramento blotti au fond d'une impasse, dont les tables fleuries en terrasse et les lumières chaleureuses à l'intérieur étaient accueillantes. Sophie était heureuse de voir qu'il n'avait pas choisi un de ces restau étoilés, gigantesque, à douze euros la bouteille d'eau, et où tous les clients étaient insupportablement snobs.
Ils s'installèrent à l'intérieur, préférant ne pas être dérangés par les éventuels fans qui se promèneraient dans la rue pendant leur dîner. Matt commanda des pâtes (ô surprise), et Sophie une pizza, avec un petit vin rouge que Matt avait choisi pour accompagner leurs plats.
- Merci d'avance pour cette soirée, sourit Sophie. Je suis contente qu'on passe du temps ensemble. C'est rare, avec la tournée.
- On aura du temps libre en novembre, on a une pause d'un mois avant d'enchaîner avec l'Australie. Après, plus rien jusqu'au bout de tournée qu'on fait avec U2. Le 28 août 2011, ce sera complètement fini.
- C'est long... Et puis ensuite, tu travailleras sur ton album, tu iras t'enfermer dans un studio jusqu'à ce que tout soit bouclé, puis re-tournée. Je te connais un petit peu, Matt, j'ai bien compris comment tu fonctionnes.
- Mais non... Je me libérerai du temps pour qu'on puisse profiter de notre vie ensemble. Je te le promets. Ça te rassure ?
- Un peu...
Elle haussa les épaules. Il posa soudain sa main sur la sienne – elle se rappela en un éclair de sa déclaration, de longs mois plus tôt – et murmura à voix basse :
- J'ai un peu réfléchi à nous deux ces derniers jours, et je voulais te demander si tu serais prête à ce qu'on... à ce qu'on franchisse une nouvelle étape, tous les deux...? Je veux dire, est-ce que tu as pensé à avoir un enfant ?
- Oh, Matthew...
Son regard bondit des yeux de Matt à sa main à la peau rêche, en passant par un petit garçon passant devant la vitre du restau pendu au bras de sa mère, et un serveur apportant une gigantesque pizza à une jeune femme dans un coin. Bien sûr qu'elle avait réfléchi à ça, à l'éventualité d'avoir un enfant avec Matthew. Au début, et en voyant Olivier un peu dépassé par la préparation de la venue au monde de son petit, elle s'était dit qu'elle ne pourrait pas assurer son rôle de mère sans faire un burn-out. Mais, à force de côtoyer Chris et de le voir en père de famille heureux, sur le point d'avoir un nouveau bout de chou à la maison, elle avait revu ses principes et avait finalement songé que, le jour où Matthew lui parlerait de cela, elle serait sans doute plutôt d'accord.
Ça, c'était la théorie. En pratique, elle s'imaginait déjà avec les malaises et nausées matinaux, le ventre encombrant qu'elle devrait supporter pendant les derniers mois, les sautes d'humeur dues aux hormones, et l'accouchement en lui-même, une épreuve terrible d'après les témoignages de toutes les femmes qu'elle connaissait ayant eu des enfants. Chris l'avait un peu rassurée sur ce point-là en faisant remarquer que si c'était si terrible que cela, Kelly et lui n'auraient jamais eu autant d'enfants. Mais en tant qu'homme, son avis n'était pas très objectif. Ce n'était pas lui qui souffrait pour expulser un bébé de son corps.
Une chose était sûre : elle avait encore besoin de réfléchir un peu avant de s'engager dans quelque chose comme ça. Une fois enceinte et la date limite de l'avortement atteinte, plus moyen de revenir en arrière : elle devrait aller jusqu'au bout, jusqu'à l'envol de l'oisillon quittant le nid, même si ça ne lui plaisait pas.
Elle fit part de cette réflexion à Matthew, ne souhaitant pas lui cacher quoi que ce soit sur un sujet aussi important et délicat que ça.
- Je comprends très bien que ta décision ne soit pas encore prise, ne t'inquiète pas, je comprends tes doutes et que tu aies besoin de réfléchir encore. J'attendrai le temps qu'il faudra, et si finalement c'est non, ça ne pose aucun problème, on peut très bien être heureux sans enfant.
Elle se pencha au-dessus de la table pour l'embrasser, manquant de renverser leurs verres de vin au passage, heureuse de le découvrir aussi compréhensif et patient. Il se mit à rire, elle était parfois tellement maladroite que ça en devenait drôle ; il caressait lentement la zone de peau toute douce qui remontait de son pouce à son poignet, savourant ce moment passé avec elle pour seule compagnie, son doux sourire en face de lui et ses yeux pleins d'amour plantés dans les siens, brillant de bonheur, qui lui prouvaient à quel point elle l'aimait et était heureuse d'être ainsi près de lui.
- J'ai une chance inouïe de te connaître, Matt, murmura-t-elle comme si elle lisait dans ses pensées. Je tenais à te dire, chaque seconde que je passe à tes côtés n'a pas de prix à mes yeux, tout est tellement incroyablement fabuleux... J'ai imaginé des tas de fois des moments comme ça avec toi, avant de te rencontrer ; mais je peux t'assurer que ça n' est jamais arrivé à la cheville de ce que je vis là, avec toi, aujourd'hui, hier, demain et tous les autres jours. Je m'emmêle les pinceaux dans mes mots tellement je suis émue, et heureuse, et amoureuse, et... Oh, je t'aime, je t'aime tant.
Il la regardait débiter tout ça, médusé, fasciné par sa capacité à retranscrire ses émotions et son ressenti en mots et en phrases. Il se reconnaissait dans tout ce qu'elle avait dit, à part que lui n'avait pas fantasmé sur elle pendant des mois avant de la rencontrer, mais il aurait été incapable de retranscrire ça en un discours compréhensible.
- Sophie, tu as un vrai don pour l'éloquence.
- Je ne suis pas sûre que...
- Mon amour, mon ange. Kitten. Chaque mot d'amour que tu as prononcé ce soir, je te le retourne, je voudrais tant pouvoir te dire tout ça avec mes propres mots, mais je ne suis pas doué pour parler, je pourrais te faire ça en chanson mais c'est tellement cliché et puis au milieu d'un restaurant ce n'est pas une bonne idée... Mais sache que je t'aime, aussi fort que tu m'aimes, et même encore plus ! Ça dépasse les mots.
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