Sophie leva la main pour sonner, mais interrompit son geste. Là, derrière la porte, se trouvait son fiancé. Elle lui avait dit de revenir à Dijon, et il était arrivé avant elle, si bien que, lorsqu'elle aurait appuyé sur ce bouton, Matt saurait qu'elle n'était désormais plus qu'à quelques mètres de lui. Elle ne savait pas comment il réagirait. Serait-il gêné de la revoir, penaud de ses erreurs ? Ou fonderait-il sur elle pour s'enivrer de sa peau après deux longues semaine de privation...? Elle espérait qu'il choisirait la première option. S'il faisait le mauvais choix, cela voudrait dire qu'il n'avait pas compris la leçon et voudrait juste que les choses redeviennent comme avant, qu'ils replongent dans leur petite routine tranquille. Et ça, Sophie n'en voulait pas. Elle voulait que les choses changent, à présent. Elle en avait assez de cette paisible vie de famille. Elle voulait du changement, voilà tout.

Son doigt écrasa le petit disque blanc, et elle entendit le bruit de la sonnerie étouffé par la porte. Celle-ci s'ouvrit en grinçant, et la tête ébouriffée de Matt se profila à contrejour dans l'ouverture.

- Bonjour, Matthew.

Son cœur avait bondi dans sa poitrine en le voyant à nouveau. Elle le vit esquisser un sourire, et il s'écarta pour la laisser entrer. Au passage, il inclina la tête pour effleurer ses lèvres des siennes ; ses mains reprirent leur place habituelle sur son corps et il tenta d'approfondir leur baiser. Elle le repoussa gentiment et regarda la flamme de désir brûlant dans les yeux bleus de Matt.

- Doucement, d'accord ? dit-elle à mi-voix, le souffle court à cause de l'émotion. Moi aussi, je brûle d'envie de te retrouver, mais faisons les choses dans l'ordre.

Il détourna le regard tout en marmonnant un « oui » à peine audible.

- Tu m'as manqué, murmura-t-elle en retirant ses chaussures. Mais il faut qu'on mette les choses au clair, tu ne crois pas ?

- Oui. Avant, je veux te dire que... je suis sincèrement désolé pour tout le mal que je t'ai fait. J'ai été aveuglé par mes propres souhaits au point d'occulter les tiens, et je te promets que ça ne se reproduira plus.

Il la regarda furtivement pour vérifier sa réaction. Elle haussa brièvement les sourcils sans répondre. Elle pensait au fond d'elle que ces excuses ressemblaient à celles d'un enfant qui a fait une bêtise.

- Matt, je veux que tu comprennes une chose. Ce n'est pas parce que je te dis que je vais faire quelque chose, que je vais le faire immédiatement. Je t'épouserai. Je te l'ai dit un millier de fois déjà. Mais pas maintenant.

- Je ne veux pas te forcer...

Elle eut un rire ironique.

- Pourtant tu avais l'air prêt à me passer la bague au doigt de force, l'autre fois ! ... Excuse-moi, je ne devrais pas cracher ma colère sur toi, je suis trop bête...

Elle se laissa tomber sur une chaise et posa le front contre le bois, épuisée.

- Je suis fatiguée de tout ça, Matt.

- De quoi, tout ça ?

- Le bébé qui enchaîne les ruades dans mon ventre, l'angoisse de son arrivée qui se rapproche, et puis l'épuisement mental que nos disputes me causent... C'est très dur de gérer tout ça à la fois pour moi. Je n'en peux plus, je veux que ça change.

- Je comprends... J'aimerais te soulager comme je peux... Tu veux bien me laisser t'aider ?

- Comment ?

- Je ne sais pas, je peux m'occuper de tout pour l'arrivée du petit, comme ça tu auras une charge mentale en moins... And I'll try to be the most sweet-hearted boyfriend with you.

- Tu es adorable, souffla Sophie en relevant la tête.

Il était assis sur son lit et la regardait avec un air inquiet. Elle se leva, s'approcha de lui et le prit par les épaules pour le pousser lentement en arrière.

- Excuse-moi pour mon humeur exécrable, ajouta-t-elle alors que le dos de Matt heurtait le matelas.

Elle se pencha pour l'embrasser. Elle avait changé d'avis. La proximité de Matt était trop difficile à supporter. Sa peau appelait la sienne, la suppliait de la toucher à nouveau, de replonger dans le bonheur de se perdre dans ses bras. Les discussions sérieuses attendraient, en attendant, elle avait deux semaines d'absence à rattraper...