- Il me reste un Savigny, parfait ! s'exclama Sophie.

Elle tendit la bouteille à Matthew, qui inspecta l'étiquette, curieux, et la lut avec un accent à couper au couteau :

- Savigny Lès Beaune Aux Grands Liards. 2017.

Sophie sourit en refermant le panneau de bois.

- Tu connais ? C'est pas le meilleur, mais c'est déjà ça.

- Oui je connais. Une radio française m'en avait offert un jour, je ne sais plus quand. On remonte ?

Il revint sur ses pas vers l'escalier, mais s'arrêta net :

- Il y a un rat, souffla-t-il.

- C'est normal, dans une cave. Bon, on remonte ?

- Il y a un rat, répéta Matthew. J'ai la phobie des rats.

Il fit un pas en arrière. Sophie vit ses mains de pianiste trembloter.

- Hé, Matt, c'est pas la p'tite bête qui va manger la grosse.

Elle le poussa gentiment derrière elle. Le rongeur était installé dans l'angle du mur, pas le moins du monde effrayé par les deux humains qui le dominaient de toute leur hauteur. Sophie s'accroupit, fit un petit mouvement de main, et l'animal détala. Elle jeta un œil à Matthew, qui se détendit un peu.

- Il ne faut pas avoir peur comme ça, Matt, il ne te fera rien.

- Les rats transportent des maladies graves, et ce sont des animaux agressifs !

- Selon moi, ils sont plus incompris qu'agressifs. Ils essaient de survivre à leur manière, comme tous les autres animaux depuis que l'humain a détruit la nature, c'est tout. Ils ne sont pas foncièrement méchants.

- Si. T'as pas vu ses petits yeux fourbes...? Et cette queue... yerk.

Il frissonna.

- Tout le monde n'a pas la chance d'avoir un physique avantageux. Allez, viens, on remonte.

Elle le prit par le bras pour qu'il ne reste pas paralysé là, au milieu de ce nid à rats, et ils grimpèrent les escaliers quatre à quatre. Ils croisèrent Olivier dans le couloir, qui sortait avec des sacs de courses plein les mains.

- Tiens, salut Sophie. Salut cousin. Vous vous amusez bien ?

Il coula un regard complice à Sophie, qui leva les yeux au ciel, exaspérée. Elle savait que quand elle se retrouverait seule avec son voisin, il se mettrait à lui hurler qu'elle ne devait pas laisser passer sa chance, il était à présent célibataire et ce n'était pas les "prétendantes" qui manquaient... Il lui dirait que si elle voulait avoir une chance avec lui, elle devait sauter sur cette occasion en or. Elle pouvait presque entendre sa voix lui disant « C'est maintenant ou jamais, Soph. »

- Je passerai en fin d'après-midi, l'avertit Olivier en poursuivant son chemin. Bye Matthew, je suis content de t'avoir revu.

Matt répondit poliment, et ils retournèrent dans le studio de la jeune femme. Elle servit un verre à son invité, et ils reprirent leur place, lui sur la chaise, et elle sur son lit.

- On en était où ? demanda-t-elle.

- Je ne sais pas... Écoute, j'ai réfléchi, après notre coup de fil de cette nuit. Je vais tout faire pour la récupérer. Je vais trouver son adresse, aller la voir, et je la supplierai de revenir vers moi. Je ne peux pas vivre sans elle, c'est impossible. Alors je vais essayer de la remettre dans ma vie. Je sacrifierai ce qu'il faudra, j'arrêterai de coucher avec des fans, je resterai fidèle. Mais je ne veux pas la perdre pour toujours.

- Je ne sais pas si c'est une bonne idée, Matthew. Si elle t'a quitté, c'est que tu as dépassé les bornes. Elle ne serait pas partie si elle avait envisagé d'arranger les choses avec toi.

- Elle n'a pas envisagé ça parce que j'étais bête, je ne l'écoutais pas. Je ne voyais pas où était le problème et c'est ça qui l'a poussée à partir. Mais je suis sûr que je peux reconquérir son cœur !

- Fais ce que tu veux. Je ne pense pas que ça soit une bonne idée, mais tu peux essayer.

- Je sais qu'elle a gardé contact avec les gars, ils s'entendaient bien. Je vais leur demander où je peux la revoir.