Il a de beaux yeux 👀

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Chris tira sur sa cigarette, accoudé à la barrière du balcon, et souffla un nuage de fumée blanchâtre qui ressortait étrangement dans l'obscurité de la nuit tombant lentement sur la ville. Ils avaient mis Neo au lit pour discuter tranquillement, ce que l'enfant avait critiqué à grands cris.

- Alors, d'où tu viens ? demanda Chris, jetant un bref regard à Sophie.

- Comment ça ?

- Tes parents, tout ça. Je suis curieux de savoir. Matt m'a dit que tu n'avais pas mentionné ta famille une seule fois.

- Oh.

Il émanait quelque chose de cet homme qui poussait à se confier spontanément à lui ; aussi elle décida de lui faire confiance :

- J'ai des parents toxiques, alors j'ai demandé mon émancipation à seize ans – je ne sais pas si vous avez ça en Angleterre, ça permet à un ado d'être majeur avant dix-huit ans, souvent à cause de problèmes familiaux. J'ai coupé le contact et je me porte très bien.

- Intéressant.

- Et toi ?

- Oh, rien de passionnant. Mon père est mort parce qu'il était alcoolique, alors j'essaie de me sortir de l'alcool aussi...

- Que... Euh...

- D'ailleurs, tiens, je te le dis en avance : j'ai écrit une chanson à propos de ça pour notre prochain album, et je réfléchis à en faire même une deuxième. Mais chhhut, c'est un secret.

Il posa ses yeux rieurs sur elle.

- T'inquiète pas pour moi, je suis en bonne voie pour revenir à un état normal. Le plus dur, ç'a été le début... Mais ça ne te dérange pas si on rentre pour parler ? Il fait frisquet ce soir.

Ils revinrent donc au salon. Sophie était surprise d'apprendre ça sur le bassiste, Muse ne parlait jamais de ça, ou alors elle était passée à côté.

- Je n'étais pas au courant, Chris, c'est...

- J'ai pas trop trop envie d'en parler...

- Bien sûr, oui, pas de problème. Je comprends.

Il y eut un petit silence pendant lequel, gênés, ils évitèrent soigneusement de croiser le regard de l'autre.

- Comment tu as connu Olivier, au fait ? reprit Chris.

- Il a emménagé juste en face de mon appartement. Je ne sais même plus comment on est devenus amis, ça s'est fait tout seul. Il m'a fait rencontrer Matt à un concert, et j'ai gardé contact avec lui... La suite, je suppose que tu la connais, non ? Matt a dû t'en parler.

- Oui, il nous en parle beaucoup, à Dom et moi. On a l'habitude de se dire plein de choses, et comme tu semais la confusion dans son esprit, il a été assez transparent sur ce sujet. J'espère que ça ne te dérange pas...?

- Non, non, les amis sont faits pour ça. Je fais un peu la même chose avec Olivier, et même si je n'ai pas le besoin de lui décrire chaque seconde de ma vie, j'essaie de le garder au courant et de lui demander conseil quand ça ne va pas trop.

- Pourtant, il paraît que tu t'es refermée comme une huître après la déclaration de Matt.

Elle détourna le regard, le cœur serré. Il était vrai qu'elle avait rejeté en bloc toute sa vie sociale après cet épisode, et elle ne pouvait pas nier le fait qu'elle avait refusé de parler à Olivier.

- J'étais pas en très grande forme, c'est vrai...

- Ça commence à aller mieux ?

- Un peu, avoua-t-elle, sinon je ne serais pas sortie de mon appartement pour venir garder Neo.

- Vrai. Et... tu comptes le revoir ?

Elle comprit qu'il parlait de Matt, et fronça les sourcils :

- C'est lui qui t'envoie, pour que tu arrives à me convaincre de revenir vers lui ?

- Bien sûr que non. Je veux juste être utile, et Matt refuse de nous parler, donc si je peux t'aider à aller un peu mieux en discutant...

- Tu me jures que tu ne lui diras rien de cette soirée ?

- Mais oui, Sophie. Je te le jure.

- Bon, je te fais confiance. Maintenant, je m'en rends compte, j'ai besoin d'en parler...

- Ça fait toujours du bien.

- Pour l'instant, je n'ai aucune envie de le revoir. Enfin, physiquement, j'en ai envie, bien sûr, ma peau est devenue accro à la sienne depuis qu'elles se sont touchées ; mais psychologiquement, je ne suis pas prête. Je ne suis pas prête à affronter les paparazzi, la presse people, les faux sourires qu'il faut servir à tout le monde pour ne pas se faire une réputation de fille qui est tout le temps de mauvaise humeur, devoir faire attention à son apparence pour qu'on ne parle pas dans mon dos, ou pas trop du moins. Je ne sais pas si j'aurai assez de courage pour vivre avec ça un jour, mais si oui, il me faudra du temps.

- Je comprends parfaitement, acquiesça Chris, j'avais aussi peur de ça quand j'ai vu notre popularité augmenter. Je m'y suis fait petit à petit, je n'ai même pas perçu de changement, parce que c'est arrivé progressivement. Mais je me doute que toi, tu te prends tout dans la figure d'un coup, et ça doit être très dur.

- Oui... En plus, j'angoisse à mort parce que j'ai peur que Matt ne se lasse de m'attendre, et que finalement, quand je serait prête à revenir vers lui, ce soit lui qui me tourne le dos.

- Je vois, oui. Mais il ne faut pas pour autant que tu te précipites dans ses bras trop tôt et que tu te prennes tout le revers de la célébrité en pleine face. Je préfère être honnête : Matt n'est pas la personne la plus patiente que j'aie rencontrée. Mais quand il aime, il ne cesse jamais d'espérer et d'attendre patiemment son heure. Je ne sais rien de ce qu'il y a eu entre vous, enfin, de votre intimité, je veux dire, donc je ne saurais pas dire s'il est vraiment dingue de toi ou si c'est une passade.

Il vit les yeux de Sophie s'embuer et lui frotta amicalement le dos :

- Désolé...

- Ce n'est pas facile à entendre, mais j'apprécie ta franchise...

Elle lutta contre les larmes qui lui montaient aux yeux, puis, submergée par une vague de peine, de culpabilité et de douleur, elle éclata en sanglots et se blottit dans les bras réconfortants de Chris.