— Bonjour, dit-il d'une voix grave qui couvre ma peau d'une légère chair de poule.

Jamais encore je n'ai entendu de timbre aussi unique que celui-ci, à la fois profond et doux.

J'ai eu besoin de quelques secondes pour retrouver l'usage de ma langue, et le contrôle de mon corps par la même occasion.

— Bonjour, puis-je vous aider ? je lui réponds avec un grand sourire, celui qui m'a valu ce poste.

— Je suis à la recherche d'une bague de fiançailles.

Ah. Depuis le temps que je travaille dans ce commerce au 23 place Vendôme, j'ai appris que la majorité de la clientèle masculine qui franchissait le pas de cette porte pour acheter – lorsque ce n'était pas des touristes –, c'était en général pour débusquer le cadeau idéal pour leur partenaire. Cette fois-ci, j'ai espéré qu'il en soit autrement, que ce n'était qu'un homme à la recherche d'un bijou pour compléter ses tenues. Après tout, nous avons une collection entière qui leur est consacrée.

Hélas, mes illusions sont de courte durée et je redescends vite sur Terre : cet homme ne m'accordera pas la moindre attention – si déjà il n'était pas aussi riche pour venir dans une boutique de luxe et que je n'étais pas la vendeuse.

— Avez-vous un modèle particulier en tête ? réponds-je tout de même avec le même sourire éclatant.

— Que me conseillez-vous ?

Le client s'approche de mon comptoir et garder une fréquence respiratoire décente exige un effort colossal. En revanche, ne possédant aucun contrôle sur mon cœur, mes battements se font beaucoup plus frénétiques. « Il est engagé, Adeline » me sermonné-je. Enfin presque...

— Eh bien, pour une demande en mariage, le grand classique est le diamant. Nous avons là plusieurs modèles. Selon vos moyens, une unique pierre peut la sertir ou plus d'une dizaine. Après, pour de plus petits budgets, nous avons d'autres pierres tout aussi qualitatives, seulement moins appréciées pour ce genre d'occasion ; des plus standards tels que l'émeraude, le rubis et le saphir, mais aussi de plus originales comme l'aigue-marine, l'améthyste ou la citrine. Cela vous permet de choisir dans une gamme de couleurs variée celle qui conviendra le mieux à votre partenaire.

— Selon vous, laquelle serait l'idéal ? demande-t-il à nouveau.

— Cela dépend de vos goûts. La valeur sûre restera toujours le diamant, indétrônable dans le domaine, mais cela serait moins audacieux que d'offrir une pierre colorée. De grandes célébrités ont choisi la seconde option. Par exemple, la bague de fiançailles de Kate Middleton est ornée d'un magnifique saphir - encadré de diamants, certes, mais c'est accessoire. Jacqueline Kennedy a reçu une émeraude, Eva Longoria un rubis, et la plus spectaculaire à mes yeux : Heidi Klum, qui a porté un diamant jaune à son doigt. Cette couleur est assez rare dans le domaine, mais cela reste tout de même la reine des pierres précieuses.

Je suis si concentrée par ma présentation enflammée sur les bijoux que je ne remarque qu'à la fin de ma seconde tirade le regard intense que me lance l'homme en face de moi. Pas certaine de savoir comment réagir, je hausse un sourcil, et il sort de sa torpeur avant de se gratter la gorge.

— Pardonnez-moi, c'est juste que je trouve les gens passionnés passionnants et il va sans dire que vous en faites partie.

Le rouge me monte aux joues en même temps qu'une douce chaleur se propage dans ma cage thoracique. Décidément, je suis à deux doigts de m'embraser alors qu'il ne fait pas plus de quatre degrés à l'extérieur. C'est insensé !

— Je vais écouter vos précieux conseils et me tourner plutôt vers un saphir, cela s'accordera à merveille avec ses yeux.

Je m'autorise à imaginer à quoi doit ressembler sa future épouse. Elle doit être aussi belle que lui, de longs cheveux qui tombent en cascade dans son dos, de grands yeux bleus, une peau de porcelaine, peut-être aussi des fossettes. Cette vision est bien éloignée de l'image que je renvoie avec ma queue de cheval serrée qui retient ma chevelure blond vénitien, mon teint si pâle que j'en ai l'air malade, des lèvres rosées très différentes de celles sensuelles colorées de rouge. Le seul élément à mon avantage est mes yeux bleus. Merci papa et maman.

— Je vais prendre celle-ci, déclare-t-il en pointant du doigt une bague pavée de diamants et surmontée d'un magnifique saphir en forme coussin.

— Vous faites là un très bon choix. Je dois vous avouer que celle-ci est l'une de mes préférées.

— Et quelle est l'élue de votre cœur ?

Je mets plusieurs secondes, à battre des paupières comme une imbécile, avant de comprendre le sens de sa question. Bien sûr qu'il ne me demandait pas si j'étais en couple ! Quelle abrutie je fais !

— Celle-ci, finis-je par répondre avec difficulté, ma gorge soudainement sèche.

Je pointe une alliance qui passe beaucoup plus inaperçue. Loin des énormes pierres tape-à-l'œil, cette bague est pavée de quatorze saphirs et quatorze diamants de taille identique. J'aime beaucoup le mélange de couleurs et le fait que le diamant ne soit pas mis en avant comme sa place en tant que reine des pierres précieuses le laisserait supposer.

— Vous avez bon goût. C'est un bijou magnifique, mais beaucoup trop discret pour la femme que je vais épouser.

— L'alliance que vous avez désignée est aussi splendide, je suis sûre que l'heureuse élue sera comblée !
Le client me sourit, ses fossettes irrésistibles de sortie.

— Pourriez-vous l'essayer avant de l'emballer ? demande-t-il.

Je ne devrais pas être prise au dépourvu par sa requête, beaucoup d'hommes préfèrent se décider après que la bague ait été portée devant eux, mais pourtant je le suis.
Rouge comme un rubis, le cœur cognant dans ma poitrine, quelques gouttes de sueur se formant dans le creux de mon dos en raison de cette élévation soudaine de la température, je sors l'alliance de son étal.

— Laissez-moi vous la mettre, j'aimerais m'entraîner.

N'ayant plus aucun contrôle sur mon corps et incapable de prononcer le moindre mot, je lui tends le bijou. Il s'empare alors délicatement de ma main et glisse la bague le long de mon annulaire.

Je me sens défaillir un nombre incalculable de fois et je me demande comment je réussis à ne pas tomber dans les pommes. Mon cœur s'est lancé dans une danse folle et menace de s'échapper.

— Elle est magnifique, souffle-t-il en me regardant dans les yeux et je ne donne pas cher de mon apparence actuelle. Je vais la prendre.

Quelques secondes hors du temps, nous nous fixons, un sourire aux lèvres, jusqu'à ce que je récupère mes esprits : je suis la vendeuse de joaillerie et cet homme va bientôt se marier ! Pourquoi suis-je en train de fantasmer ?

Je retire subitement ma main, enlève la bague qui commençait à me brûler la peau et l'emballe dans un splendide papier cadeau avant de me diriger vers la caisse. Reprendre contenance s'avère plus compliqué que d'ordinaire. Mes pensées ne cessent de fuser de toute part et je suis incapable de les faire taire. Que m'arrive-t-il ?

Alors qu'il me tend sa carte bancaire, il dit d'une petite voix, comme s'il avait honte de ses paroles :

— Pensez-vous ridicule de faire sa demande le soir de la Saint-Valentin ?
L'insécurité ne lui sied pas et me provoque un léger pincement au cœur.

— Non, vous n'êtes pas le seul à vous emparer de cette occasion. Le copain de ma meilleure amie va lui passer la bague au doigt le même jour si ça peut vous rassurer.

— Comment pouvez-vous être au courant ? s'étonne-t-il.

— Pensez-vous vraiment être assez doués en cachotterie pour qu'une femme ne se doute de rien ?

Mon ton espiègle le fait rigoler.

— J'espère que la mienne ne sera pas aussi futée que vous sur ce point-là. Bonne journée et merci pour le temps que vous m'avez accordé, j'ai passé un merveilleux moment.

Tandis que la clochette tinte à nouveau pour signaler le départ du client, Mireille réapparaît.

— Qui était cet homme magnifiquement beau ? demande-t-elle en se tordant le cou pour tenter de mieux l'apercevoir à l'extérieur.

— Un futur marié.

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Salut ! Je vous laisse un petit mot d'abord pour vous remercier d'avoir cliqué sur mon histoire et de la lire (et peut-être l'apprécier). Merci beaucoup !

Ensuite, je participe au concours Fyctia avec cette histoire et si vous pouviez me soutenir là-bas, ce serait incroyable ! Les finalistes qui peuvent être publiés sont les quatre histoires qui ont le plus de like alors j'aurais besoin d'un maximum de soutien. L'histoire s'appelle de la même manière et est publiée sous le même pseudo. Le lien est sur la conversation de mon mur. Merci !

Maloann