
4 | Le plus grand des hasards
— Alors ce Marcel ?
— En réalité, il s'appelle Marcelin.
— C'est quoi ce prénom flingué ?
— T'aimes pas ?
— Je préfère Marcel. Il est comment ?
— Sympa, drôle, attentionné...
— Humm !
— Quoi humm ?
— Je ne te sens pas emballée Danika.
— Ben... c'est qu'il est divorcé.
— Depuis quand être divorcé est un problème ?
— Je suis déjà cabossée par la vie, j'ai besoin de quelqu'un qui le soit moins que moi.
— Qu'est-ce que c'est que cette théorie ?
— Mais c'est vrai quoi ! Nous sommes des estropiés de l'amour. Ça n'va pas le faire, là !
— Raconte.
— En gros, sa femme s'est barrée il y a trois ans et il s'en remet à peine.
— Ils se sont mariés jeunes, dis donc !
— À vingt-trois ans.
— Bon et tu lui as parlé de ton « cas » ?
— Merci pour le « cas » Jaja !
Anjali éclate de rire avant d'ajouter que je suis un cas, avec un grand « K ».
— Je lui ai raconté des choses, sans rentrer dans les détails.
— Tu vas le revoir, hein ?
— J'en sais rien ! Oh, punaise, j'ai encore un message de lui.
— Oh toi, tu lui as tapé dans l'œil !
— On dirait bien...
— Ben réponds-lui au moins !
— Non, j'préfère pas.
— Il faut lui montrer des signes de ton intérêt, sinon tu ne vas pas y arriver !
— J'sais pas.
— Pitié Danika, commence pas ! fait-elle en roulant les yeux au ciel.
— On verra ! J'veux d'abord travailler mon prochain spectacle. Je serai soliste et je ne veux pas décevoir.
— Travailler tes chorées ne t'empêche pas d'avoir quelqu'un à tes côtés et tu le sais bien.
L'interrogatoire d'Anjali m'a épuisée. Je sais qu'elle souhaite m'aider et j'apprécie. Cependant, ma vie affective n'est pas une priorité. Pour le moment, il n'y a que la danse qui compte.
*
— 5, 6,7, 8 et Ta! Tatatata ! Bam ! Pa ! Pa ! Tatatata ! Chut... 1,2,3, 4 et Gwara-Gwara. Stop ! Et Ta. Tatatata ! Bam ! Pa ! Pa ! Taaaaaaaa ! Taaaaa ! Parfait, déclare Rémi. On fait une pause.
Notre coach a misé sur une chorée très cardio pour le prochain Gala. Nous sommes 8 membres dans Dynamik Crew et le moins qu'on puisse dire, c'est que je ne suis plus la bienvenue. J'ai longtemps bénéficié d'être la petite « nouvelle », mais en remportant le dernier titre européen, les choses se sont gâtées. Je suis désormais, la cible à abattre.
En plus de ça, la perspective des J.O et la recherche active de sponsors fait que chacun tire la couverture à soi. Je déteste cet état d'esprit. Toute cette négativité, impacte notre façon de danser.
Pour moi, la danse n'est pas un passe-temps, c'est bien plus. J'ai 25 ans et jusqu'ici, je n'ai rien trouvé de mieux pour m'exprimer. Donc, je ne permettrai pas que deux ou trois aigris, viennent gâcher mon rêve olympique.
— Dani, je peux te voir deux secondes ? demande le coach.
— Oui bien sûr !
J'attrape ma gourde remplie d'eau fraîche et je le suis jusqu'à son bureau.
— Tu veux bien fermer la porte derrière toi.
Je m'exécute. Emryn et Yanis, me lancent un regard obscur à travers la baie vitrée.
— C'était intense, hein ?
— Wouai, mais ça en vaut la peine. Si on danse av ec la même énergie, je suis certaine qu'on va cartonner demain soir.
— Je suis d'accord avec toi. Écoute Dani, je voulais te parler de quelque chose d'important, tu n'es pas sans savoir que les J.O approchent à grand pas.
— Effectivement.
— J'ai achevé la sélection des 14 danseurs qui rejoindront l'équipe de France et j'ai pensé que tu serais parfaite en tant que de capitaine. Qu'en dis-tu ?
— Moi ? Capitaine de l'équipe de France de Danses Urbaines aux prochains J.O ?
Pincez-moi, je rêve !
Je crois bien que mon cœur est descendu dans mes talons. Moi, Danika LEMBA, CA-PI-TAI-NE de l'équipe de Fr...
— Danika, ça va ? s'inquiète Rémi qui interrompt mon dialogue intérieur.
— Parfaitement !
— Alors tu acceptes le défi ?
— Et comment ! Merci infiniment pour ta confiance Rémi. Je ne te décevrai pas. Promis ! lancé-je une main sur le cœur et l'autre en l'air.
Je suis toute excitée. Je sautille comme une ado qui vient de croiser son chanteur préféré.
J'ai l'air d'une folle, mais ma réaction est proportionnelle à mon bonheur.
Rémi est heureux de me voir comme ça parce qu'il craignait que je refuse à cause de ma réserve. Malgré tout, il me met en garde :
— Il faut que tu saches que les membres du Crew ne savent pas encore s'ils sont sélectionnés ou pas. Pour toi, c'était simple du fait de ta médaille d'or à Berlin. Pour eux, ce sera après l'entraînement. Il va y avoir des déceptions et du gaz dans l'air. Prépare-toi !
— C'est pas comme si ce n'était pas déjà le cas !
— Ce sera pire encore. N'oublie pas qu'il vous reste trois années au sein de Dynamik Crew, vous êtes obligés de conserver une certaine cohésion.
— J'comprends.
— Mais ne t'inquiète pas pour les J.O, nous aurons une équipe olympique incroyable, avec des danseurs de province phénoménaux. Je compte sur toi pour les accueillir de la meilleure façon qu'il soit.
— Aucun souci, Rémi.
— Encore une chose Danika, nous annoncerons également la nouvelle aux médias. Nous devons donc réaliser une séance pour les photos officielles. Je sais que tu n'aimes pas ça, mais la FFDU* l'impose. La Fédé va gérer notre communication pendant les Jeux, et nous n'auront pas notre mot à dire.
— Entendu !
— Rendez-vous mardi prochain au studio, Capitaine !
Rémi me tend un papier qui reprend toutes les informations qu'il vient de me donner. Il me fait aussi signer un document pour valider mon accord pour le capitanat. Un large sourire se dessine sur mon visage et ne me quitte plus. Je travaille pour ça depuis si longtemps. Tous mes sacrifices n'ont pas été vains, je dois garder le cap.
Objectif, l'Or Olympique !
*
Je suis en retard d'un bon quart d'heure ! Je pense que mes partenaires vont me tuer.
La faute à ce maudit RER. Quand c'est pas la ligne D, c'est la Ligne A.
C'est notre tour pour le filage du spectacle de ce soir et j'arrive à peine sur le lieu du Gala. Rémi fait encore sonner mon téléphone, je lui réponds haletante que je suis arrivée.
Je demande ma route à la souriante hôtesse d'accueil, qui m'indique où sont les loges. Je cours comme une dingo dans les couloirs qui me mènent à mon Crew. Une catastrophe n'arrivant jamais seule, je heurte de plein fouet deux bonhommes en smoking noir.
— Hey ma petite dame ! Où allez-vous comme ça ? me questionne le premier.
Désolée mec, mais quand je suis en retard, je ne vois personne !
— Je...
— Mademoiselle, ça va ?
— Oui, oui. Ça va... fais-je, un peu secouée.
— Danika ?
Oh non ! Pourquoi faut-il que je tombe sur celui que je ghoste depuis des semaines !
C'est pas sympa, je sais, mais là tout de suite, ce n'est pas le moment de me justifier. Je continue donc de tracer en même temps que je lui parle.
— Sorry, mais j'n'ai absolument pas l'temps de papoter, Marcel.
Il n'y a qu'à moi que ça arrive des histoires pareilles !
— À plus tard ! crie-t-il amusé par mon attitude débordée.
— C'est ça, à plus tard Marcel !
***
* FFDU : Fédération Française de Danses Urbaines
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