Le lendemain matin, après avoir tout raconté à ses camarades, Manon descendit prendre son petit-déjeuner au réfectoire. Sa déclaration avait provoqué de nombreux débats au sein de leur petit groupe : Qu'allaient ils faire maintenant qu'ils savaient qui avait introduit un dragon dans la bibliothèque ? Fallait-il prévenir les adultes ? Ou même les autres enfants ?

Manon les écouta d'une oreille pendant qu'elle savourait des tartines de pain largement méritées vu l'incroyable discrétion dont elle avait fait preuve hier soir, estimait elle. Eliott et Talys proposaient de prévenir les adultes, par précaution, mais Mallory et Angelica voulaient régler l'affaire eux-mêmes.
    - Soit, commença Eliott, admettons que Manon retrouve le chemin en plein jour, qu'est-ce qu'on fera une fois qu'on sera chez lui ?
    - On le force à relâcher le dragon. décida Mallory.
    - Bien sûr. Bonne idée comme ça c'est tout le village qui sera incendié.
    Manon s'étouffa avec sa tartine. C'était tellement rare d'entendre Eliott faire de l'ironie qu'elle avait failli s'étrangler. Angelica n'y fit pas attention.
    - Naaan ! On le force à tuer le dragon !
    - Et il le tue comment ce dragon ?
    - C'est pas bien compliqué, souligna Mallory, il suffit qu'il arrête de le nourrir.
    - Et pourquoi on fait pas un vote ? demanda Talys.
    - Talys, tu vois bien qu'on est que quatre et que...
    - Hum, hum...
    Manon s'essuya la bouche d'un air hautain, elle avait fini son petit-déjeuner.
    - On est cinq, déclara t-elle. Et il semblerait que je sois toute désignée pour vous départager. Et je prends le parti de...
    Un sourire joueur se dessina sur son visage, décidément, elle était de bonne humeur ce matin !
    - Mallory et Angé ! Parce que prévenir les adultes nous apporterais que des problèmes !
    Talys soupira et Eliott cacha son visage dans ses mains.

    Il ne leur fut pas difficile de s'éclipser de l'orphelinat vu l'agitation qui y régnait à cause des réparations du deuxième étage. La petite troupe s'engagea dans les petites rues, parfois en file indienne quand celles-ci étaient trop étroites. Bientôt, Manon retrouva la bordure de la ville, où les maisons se faisaient de plus en plus rares. Et bien plus vite qu'elle ne le pensait, ils arrivèrent devant la cabane délabrée qui faisait office de demeure au vieil homme.

Eliott donna deux coups ferme sur la porte. Pas de réponse. Alors, il l'ouvrit brusquement et découvrit devant lui un vieil homme avec une barbe blanche qui lui dévorait le visage et quelques fines mèches de cheveux sur le crâne. Il tenait une fourche dans une position menaçante. Sauf qu'il était seul et âgé alors qu'ils étaient cinq et jeunes.

Manon éclata de rire. Peut-être était-ce le ridicule de cette situation ? Ou peut-être simplement la pression qui pesait sur ses épaules depuis quelques jours ? Elle n'en savait rien, mais elle ne pouvait pas s'arrêter. Elle avait terriblement mal aux joues a force de rire... Et elle avait les larmes aux yeux. Ses amis la regardaient avec des yeux ronds et elle les comprenait parfaitement.

Angelica essaya tant bien que mal de garder son sérieux avec les éclats de rires de son amie.
- On... On sait que c'est vous qu'avez foutu un dragon dans la bibliothèque !
- Ouais vous êtes un pauvre con ! continua Mallory.
- À cause de vous l'orphelinat a brûlé ! fit la petite voix de Talys.
Le vieil homme paraissait ne rien comprendre, il avait des tics d'expression assez troublants.
- Le dragon... je... BANDE DE SALES PETITS MORVEUX QU'EST-CE QUE VOUS FICHEZ CHEZ MOI ! Le dragon... dragon... quelle saloperie ! Il ne veut pas se transformer mais je sais qui il est !
- Quoi ?!
- OUI ! Je sais... je sais... il m'a enlevé ma fille il y a longtemps... oh si longtemps... Kassandra... C'était un homme puis un dragon ! Oh je m'en souviens ! Ils ont pensés que j'étais fou ! Aha !
- Je me demande pourquoi ! ironisa Manon entre deux éclats de rire.
- Ah ! Mais il est revenu ! Je le savais ! Maintenant j'ai juste... à attendre... qu'il redevienne un homme. POUR POUVOIR LE TUER DE MES MAINS ! Oui... je vais attendre et je vais le tuer !
- Pourquoi on l'écoute ? demanda Angelica. Vous voyez bien que c'est juste un vieux cinglé !
- Aha ! Je l'ai enchaîné ! Et il fait moins le malin maintenant ! continuait le vieillard, dans une complète hystérie.
- Il l'a... enchaîné. répéta Mallory. Oh non. Il faut qu'on retourne à l'orphelinat. Tout de suite.