Cela faisait deux jours que les enfants se relayaient la surveillance de la bibliothèque. La lassitude se lisait sur leurs visages, et même Manon, qui avait pourtant été la plus enthousiaste au départ, commençait à s'ennuyer.

Il était environ minuit et elle ne souhaitait qu'une chose : dormir. Ella était accompagnée de Talys qui, elle non plus, ne cachait pas son envie d'aller se coucher. Les deux jeunes filles ne cessaient de bailler ou de se réveiller mutuellement quand elles commençaient à s'endormir. Le temps était si long... et les étoiles si belles, une douce brise faisait balancer l'enseigne du pâtissier avec un léger bruit de métal pendant que les oiseaux nocturnes entonnaient une rengaine mélancolique. Le tout formait un ensemble à la fois chaotique et harmonieux : la mélodie de la nuit.

Manon fut réveillé en sursaut par un claquement de porte. Elle ignorait combien de temps elle avait dormit. Elle réveilla immédiatement, Talys qui s'était endormie elle aussi, et lui montra aussi silencieusement que possible la source du bruit. Un veil homme avec une imposante barbe blanche à qui il ne restait pratiquement plus de cheveux venait de sortir de la bibliothèque avec un sac sur le dos.
- Qu'est-ce qu'on fait ? On l'a pas vu rentrer ! On a pas le temps d'aller prévenir les autres ! chuchota t-elle.
- T'inquiète pas. Va les prévenir moi je m'occupe de le suivre pour qu'on sache où il habite.

Une fois encore, elle se maudit d'avoir dit ça juste après que les mots soient sortis de sa bouche. Mais il était trop tard pour faire marche arrière maintenant. Elle s'élança à la poursuite de leur suspect pendant que Talys rentrait à l'intérieur. Il avançait plutôt vite pour un vieil homme ! Il ne voulait sûrement pas être surpris à rôder dans les rues en pleine nuit, ça se comprenait.

    Manon commençait à avoir froid, d'autant plus qu'elle était pieds nus. Cela ne l'avait pas gênée sur les pavés propres de la place de la ville mais maintenant qu'elle s'enfonçait dans les petites ruelles, cela devenait ennuyant. Plusieurs fois, elle marcha accidentellement dans des flaques d'un liquide qu'elle espérait être de l'eau. Elle avait alors craint d'attirer l'attention de celui qu'elle suivait mais heureusement, il semblait être quasiment sourd.

    Bientôt, ils s'éloignèrent de la ville, les maisons se firent plus rares et plus rustiques. Manon craignait de ne plus pouvoir retrouver son chemin, surtout dans l'obscurité. Au moins, dans le noir, Manon était vaguement dissimulée. Ce qui l'arrangeait car la rareté des maisons avait aussi provoqué l'absence de coin où se cacher si jamais l'inconnu tournait le dos. Manon avançait à découvert, et elle détestait ça !

Finalement, le vieil homme s'arrêta devant une petite cabane délabrée. Est-ce qu'il vivait réellement là dedans ? Manon n'arrivait pas à y croire ! Pourtant, après avoir lancé quelques regards méfiants autour de lui, il entra dans cette masure et claqua la porte derrière lui. Manon n'en revenait pas, il habitait vraiment ici ! Quelle horreur ! Qu'avait il pu traverser dans sa vie pour se retrouver à vivre dans cet amas de planches branlant ?!

    La jeune fille ne souhaitait décidément pas s'attarder ici. Elle retrouva le chemin du retour plus facilement qu'elle ne l'avait cru et retourna à l'orphelinat. Ses amis l'attendaient devant la porte, impatients de savoir ce que lui avait réservé cette filature.