La Confidence
Ce soir-là, Manon ne parvenait pas à dormir. La journée avait pourtant été monotone, aucun des événements de la journée n'aurait pu troubler ses pensées. Elle ressentait juste... une profonde mélancolie. Ce n'était pas la première fois que ce genre de sentiment l'envahissait, en fait, c'était presque habituel. Car même si il y avait beaucoup d'enfants dans l'orphelinat de Miss Brown, Manon était la seule à n'avoir aucun souvenir datant d'avant son arrivée dans l'établissement. Miss Brown avait suggéré un passé tellement horrible que son esprit avait décidé de l'oublier. Mais Manon n'y croyait pas, elle l'aurait senti si ses souvenirs étaient simplement cachés. Non, là ils étaient complètement absents, disparus. Et elle ressentait parfois comme un vide, comme si tous ces vieux souvenirs avaient été aspirés par un immense trou noir. Elle se sentait seule...
- Angelica, tu dors ? demanda-t-elle.
- Non. Pourquoi ?
Manon était contente que son amie ne soit pas encore endormie, elle avait envie de parler à quelqu'un.
- Tu m'as jamais raconté comment tu étais arrivée ici.
- C'est parce que c'est pas une histoire joyeuse.
Manon regarda le visage d'Angelica à travers la pénombre de la pièce et nota que pour une fois, elle avait vraiment l'air sérieuse.
- Tu veux pas en parler ?
- C'est pas ça, ça me dérange pas. C'est juste que tu veux peut-être pas savoir, c'est tout.
- Si, je veux savoir.
- D'accord, d'accord. En fait j'habitais avec mes parents près de ... hum, tu vois où c'est Sunterria ?
- Non, c'est où ?
- C'est... au Nord, juste en dessous de la côte Nord.
- Ok.
- Voilà, j'habitais là avec mes parents, ils avaient un genre de magasin, c'était cool. Puis un jour, les voisins ils sont venus nous prévenir de faire attention, parce que ils connaissaient des gens de l'autre côté de la ville qui s'étaient fait enlever parce qu'ils croyaient en Defar.
- T'es fardienne ?
- Oui, mes parents aussi, c'est pour ça que les voisins nous ont prévenu. Mais mon père, il a dit que c'était pas grave, que de toute façon, il y a des gens qui se font agresser depuis toujours et qu'en plus la ville est grande et que les gens ils sont loin.
Angelica marqua une pause, on aurait dit qu'elle cherchait ses mots.
- Sauf qu'on aurait du... on aurait du partir. Parce que, quelques mois plus tard, je revenais de l'école à pied et quand je suis arrivée dans ma rue... ma maison... tout brûlait. J'ai vu des flammes sortir des fenêtres, la fumée s'élever dans le ciel... J'ai laissé tomber mon sac, j'étais figée, je pouvais plus bouger... Puis j'ai vu des gens faire sortir mes parents de force de la maison, ma mère m'a aperçu et elle s'est mise à pleurer. Puis il y a un homme qui a commencé à courir vers moi mais à ce moment mes jambes se sont débloquées et je suis partie d'un coup. J'ai jamais couru aussi vite de toute ma vie, je regardais pas derrière moi, j'ai foncé comme une flèche dans toutes les rues de la ville et je me suis arrêtée seulement après être totalement épuisée. Après, j'ai survécu comme je pouvais, j'ai fouillé les poubelles, j'ai volé quelques trucs et puis j'ai marché, très loin. Chaque jour je m'éloignait un peu plus de la ville. Je voulais aller au Sud, loin de Sunterria. Loin de chez moi, pour qu'ils ne me retrouvent jamais. Puis un jour, Miss Brown m'a trouvé et m'a dit de venir ici, voilà.
- T'avais quel âge ?
- C'était il y a sept ans, alors... j'avais cinq ans.
Manon et Angélica se regardèrent un moment. Manon ne savait pas comment réagir, elle se sentait coupable d'avoir eu une vie tranquille, du moins, pour ce dont elle se rappelait. Puis, Angélica suggéra qu'il était temps de dormir et elles se recouchèrent mais une fois de plus, Manon ne put trouver le sommeil avant de longues heures d'insomnie.
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