À la différence de la semaine précédente, j'ai pu dormir comme un bébé et étaler ma nuit sur tout le dimanche, histoire de rattraper un peu de sommeil.

Andréa est partie quelques jours chez sa mère, je suis donc seule pour me remettre de mes émotions. Après l'adrénaline et l'état fusionnel qui m'a lié avec l'homme masqué, je reste allongée là, à ressasser notre nuit de sexe. Est-ce que je regrette ? Les frissons apparaissant sur mon bras prouvent bien que non... mais ils n'empêchent pas une nouvelle montagne de questions qui s'accumulent dans ma tête... Par exemple... Qui est-il ? J'ai l'impression de le connaître, et pourtant je ne connais que son corps. Je dois le revoir, je veux qu'il assouvisse ma curiosité qui ne tiendra pas longtemps sans rien savoir.

***

Nous sommes le premier jour de la semaine, et au travail, nous préparons une soirée caritative importante qui doit se tenir vendredi. Cette soirée nous demande à tous beaucoup de boulot, beaucoup d'organisation. Avec ma collègue Violette, nous devons trouver des partenaires assez fortunés pour financer la soirée. Elle débute dans le métier, mais depuis le début, je Violette sous mon aile. Elle est trop mignonne, vraiment timide, et je ne peux pas faire autrement que de l'aider au maximum. C'est une jeune asiatique, dotée d'une beauté incroyable, du coup quand on travaille ensemble, James trouve toujours le moyen pour venir nous voir. Du moins officieusement... en réalité il tente de nous draguer. Lourdement.

— Hey les filles.

— Salut James, nous répondons en cœur avec un ton amusé.

— Dis-moi Sophia, je peux te parler en privé ?

Je cède à sa demande et me lève sans trop vraiment le vouloir. Nous rejoignons la salle de pause qui comporte des poufs et des canapés, des machines à café et tout un tas de gadgets parfaits pour se relaxer. Par chance, à ce moment précis, il n'y a personne d'autre que nous. Je me demande ce qu'il peut bien me vouloir...

— Alors, tu peux me le dire maintenant, c'était comment ta soirée masquée ?

James a essayé de me questionner toute la semaine... quel boulet ! Qu'est-ce que je peux bien lui répondre de plus ? Que c'était l'extase ? Que je suis retournée à l'une de ces soirées secrètes ? Je réponds la même chose, encore et encore.

— James, la soirée était nulle, je te l'ai déjà dit ! Ce n'était pas du tout érotique ou quoi que ce soit dans ce genre-là ! Désolée de casser tes fantasmes.

— Sophia, je me suis renseigné. Tu n'y es peut-être pas restée jusqu'au bout, mais c'était bel est bien un événement sous couverture. Les professionnels y viennent pour ne pas se faire griller, c'est une fausse excuse ! Il y en a même qui ont conclu des contrats comme ça, juste après un petit coup.

— Tu as raison, je n'y suis pas restée. En plus, je suis sûre que tu te trompes, il n'y avait personne et ce n'était pas intéressant.

Quand je termine ma phrase, je vois arriver le patron qui vient se servir un café. Il nous regarde, James et moi, et se demande sûrement ce qu'on fait là. J'essaye d'avertir James du regard, mais visiblement, il ne comprend pas que Monsieur Roussel est là.

— Tu mens, je ne sais pas pourquoi, mais je sens que tu mens.

— Et sur quoi mentirait Sophia, mon cher James ?

Je plisse mes lèvres et renverse ma tête en arrière.

Vite, James, trouve une raison, vite !

Notre patron est un homme d'un certain âge, avec un certain ventre, et une... certaine coupe de cheveux, mais il est tellement adorable ! C'est un homme d'affaires très gentil et très visionnaire. Sauf qu'il est hors de question de parler avec lui de soirées érotiques. Heureusement, il a vite abandonné sa lubie de voler le concept de soirées masquées.

James esquisse un sourire et un regard triomphant. Non, il ne semble pas vouloir m'aider. D'un air narquois, il dit :

— Oh, je demandais juste pourquoi Sophia ne voulait pas nous parler de la soirée très spéciale à laquelle elle a été invitée la semaine dernière.

— Le bal masqué ? Elle m'en a parlé rassurez-vous, mais elle n'a pas réellement apprécié. C'est bien ça Sophia ?

— Oui, comme je vous ai dit, la soirée n'était pas terrible...

— Mais vous ne savez pas tout Monsieur Roussel, se rattrape James. Peut-être que Sophia n'a simplement pas osé raconter tous les détails...

Je regarde mon patron, il me regarde, et un silence gênant s'installe.

Tu me le paieras James...

Je respire un bon coup, sans fléchir, montrant à James que je suis déterminée à ne pas paraître ridicule. Après tout, il n'a aucune preuve.

— Effectivement, il a raison sur un point Monsieur. La soirée a fini... de manière pas très conventionnelle. En fait, je suis arrivée assez tard et très vite la soirée n'était plus vraiment professionnelle. Après, je ne peux pas vous en dire plus, puisque je suis rentrée chez moi. Voilà vous savez tout !

Monsieur Roussel rougit un peu, se gratte le ventre, et répond :

— Bien bien...

Cet aveu semble lui convenir, il reprend son chemin en direction de la machine à café. James serre les poings et me fait signe que ce n'est pas fini, en secouant nerveusement sa tête.
De mon côté, je rejoins Violette. Sûrement à cause de sa timidité, elle ne demande pas ce que James me voulait, mais je ne vais pas m'en plaindre... Péniblement, je termine ma journée sans revoir James ou mon patron...

Le soir même, je me concocte un petit dîner plateau-TV avec Domino mon lapin, qui est là pour me tenir compagnie. Cela ne m'empêche pas de m'ennuyer à mourir ! Aucun programme n'est intéressant... Je vais voir sans grand espoir si les réseaux sociaux ont quelque chose de mieux à proposer. Facebook, mouais. Instagram rien, mis à part des vidéos de tutos maquillages que je n'arriverai jamais à reproduire. Alors je finis sur Youtube, avec une dizaine de vidéos de lapins trop mignons... C'en est trop, fini les bêtises, je vais plutôt aller me coucher... Juste avant de verrouiller mon téléphone, je vois que j'ai reçu un Snap il y a quelques minutes. Presque endormie, je ne fais pas attention au pseudonyme inconnu que j'ai ajouté il y a quelques jours sans me poser de question. Mes yeux, peu importe la fatigue, prennent la forme de billes, quand le contenu apparaît sur l'écran.

Au début, il s'agit d'une grande pièce à la lumière tamisée. Les murs beiges et dorés très luxurieux à l'esprit boudoir, me rappellent la soirée bal masqué. Puis mon cœur s'arrête net quand la caméra, de bas en haut, remonte sur un homme torse-nu.

Je connais ce corps... et ce visage masqué.

Le zoom se rapproche d'un masque au nez pointu plus extravagant que jamais. Il englobe presque tout le visage de l'expéditeur. J'ai beau capturer image par image avec mon téléphone, aucun détail n'est laissé au hasard et je ne peux pas voir l'identité de l'homme mystère.

Tiens, la musique de fond, je la connais aussi ! Il s'agit de Daniel De Bourg, un chanteur à la voix chaude et sensuelle que je suis sur les réseaux sociaux. 'Come On & Love Me' est dans ma playlist et c'est même l'une de mes préférées. Il a sûrement dû voir cette information quelque part, pour moi, il n'y a pas de coïncidences. Je suis hypnotisée tant par la mélodie que par le visuel. Celui qui me fait vibrer depuis quelques jours, se retrouve là, dans mon téléphone. Réajustant son masque, il relève ensuite sensuellement la tête pour prendre une enveloppe noire dans ses mains. Le titre de la chanson prend alors tout son sens... Il me montre ainsi son invitation pour la prochaine soirée, et fait mine d'en tendre une pour moi.

Je suis choquée. Comment a-t-il eu ces invitations ? Est-ce qu'il connaît les organisateurs de la soirée ?

À ce moment-là, les sentiments se bousculent... Entre la stupeur et la sensualité qui émane de cette vidéo... je ne sais plus quoi ressentir.

Sur le petit bout de papier, les indications sont claires. Je dois me rendre samedi, à une soirée où l'érotisme n'est plus dissimulé. Il est demandé d'apporter son maillot. Ça promet...