Chapitre 4 - L'exaltation
Toute la semaine durant, mon humeur est sombre et maussade. Je reste frustrée, sous l'addiction d'une seule soirée à laquelle je n'aurais sans doute plus droit.
L'homme masqué et le monde auquel j'ai goûté m'obsède. Je passe des regrets, aux rêves et fantasmes qui tournent en boucle dans ma tête. Je dois trouver un moyen pour revivre ça. Mais lequel ?
Les explications avec mon patron n'ont pas été simples. Je lui ai dit que la soirée avait été un fiasco, que peu de monde s'était déplacés, qu'elle avait fini tôt, et qu'aucun renseignement ne m'avait été partagé. Seul le dernier point était vrai... Il était contrarié, mais il ne m'a pas posé plus de questions.
Nous sommes à présent jeudi et cela fait déjà une semaine que j'ai été invitée pour le bal masqué. J'espionne tous les faits et gestes de Monsieur Roussel, espérant qu'il me remette une fois encore, une grande enveloppe noire... mais rien ! Je rentre chez moi, comme tous ces derniers soirs, triste et amère. Sauf que cette fois, Andréa se tient dans l'entrée, l'air fier et les mains dans le dos.
— J'ai un cadeau pour toi !
Elle ne tient pas le suspens plus longtemps et me tend une grande enveloppe noire. La fameuse grande enveloppe noire. Je la reconnais à son impression douce et veloutée.
— Quoi ?! Mais comment ?
J'ai envie de laisser éclater ma joie, mais je suis trop sidérée. Alors que j'attends les explications de ma colocataire, mon corps ressent un second souffle.
— Oh je t'ai juste porté bonheur... en allant voir le courrier ! Elle était dans la boîte aux lettres ! J'hallucine, la personne qui t'a invitée connaît même ton adresse !
Je me fous de qui peut m'inviter. Si ce n'est pas quelqu'un que j'ai rencontré lors d'un meeting, d'un séminaire, ou autre rendez-vous professionnel, il s'agit sûrement d'une invitation générale dans le monde de l'événementiel. Non, ce qui m'importe maintenant, c'est mon Monsieur masque doré. Je meurs d'envie de le revoir, et cette invitation presque tombée du ciel, va peut-être me le permettre.
Andréa, toujours aussi pleine d'énergie, me fait danser. En chaussettes, elle se trémousse sur le plancher glissant et n'en finit pas de me secouer en chantonnant une musique sans rythme. Lorsqu'elle finit de fêter la nouvelle, je me précipite sur internet. Je veux commander le plus beau masque que l'on puisse trouver.
Cette fois, il y a un thème bien précis. Il n'est pas question de bal, mais d'une soirée masquée moins sérieuse. L'accessoire doit être leur marque de fabrique, parce qu'il est une fois de plus obligatoire. De l'invitation, se démarque une ambiance de séduction avec un code couleur, le rouge et le noir. Par contre, je ne vois pas de mentions professionnelles, c'est étrange.
Alors pas de rapport avec mon job ? Plus besoin d'enquêter, de présenter mon entreprise ou de recevoir de nombreuses cartes de visite inutiles ? Parce que je peux m'y rendre sans fausses excuses, mon esprit s'allège de toutes ces nécessités. Parfait pour me concentrer sur ma cible, l'homme dont j'ignore tout. Il n'y a plus d'hésitation possible. Si je me rends à cette soirée de mon plein grès, j'en assumerai les conséquences. Et vu l'excitation qui émane de moi en ce moment même, je sais que je suis prête à découvrir un monde qui m'est encore inconnu.
***
Vingt-trois heures, je retire les clefs de ma voiture en observant l'immeuble indiqué sur le carton d'invitation.
Cette fois, je porte un masque entièrement noir et dentelé et j'ai retrouvé une robe rouge qui dormait depuis bien trop longtemps dans mon dressing. Elle est parfaitement ajustée, avec un bustier cœur qui relève ma poitrine. Aussi longue que la précédente, elle n'a néanmoins pas d'ouverture qui causerait sa perte en cas d'échanges houleux. Oui, je me suis préparée à cette éventualité, même si, pour être honnête, je ne sais pas à quoi m'attendre ce soir. La seule présence éventuelle de mon inconnu masqué suffit pour me faire douter.
Avide de vivre les mêmes émotions qu'il y a une semaine, je monte les quelques marches qui me sépare de la lourde porte. Un guichetier lit mon invitation, et un autre me fait entrer dans le cœur de la soirée. C'est sans surprise que je vois la foule masquée. Toutefois, il n'est plus question de luxe ou de superflu. Fini les robes longues et élégantes, plus de manières chics ou de rires retenus. L'ambiance ici est totalement différente. Plus... érotique.
La nuit vient à peine de commencer, mais le plaisir semble déjà prendre toutes ses formes. Je vois un couple s'embrasser sur un canapé, un autre se peloter dans un coin. Pour le moment, il n'y a rien de choquant, cela ressemble juste à une boîte de nuit tout ce qu'il y a de plus basique, mais... qu'en sera-t-il de la seconde partie de la soirée ?
Je me mêle dans la foule et commande un Get Perrier que je bois tranquillement assise au comptoir. Derrière mon masque à dentelle, mes yeux percent du regard tous les hommes qui ressembleraient à mon inconnu. Je reçois quelques propositions de flirts, mais aucun homme ne lui arrive à la cheville. Aucun n'a sa mâchoire attirante, cette bouche délicieuse, ou encore ce regard profond qui vous glace sur place. Au bout d'une heure, je décide de me dégourdir les jambes, et je lance sur la piste de danse. Ainsi, je suis sûre d'approcher les invités de plus près. Derrière leurs masques, ils se ressemblent beaucoup... Peut-être que celui que je cherche m'a échappé. Je m'approche de tous les hommes grands, à la chevelure brune, quand j'entends :
— J'arracherais bien ta robe.
Cette phrase sort de nulle part. Je me retourne vivement, espérant enfin le retrouver, mais l'homme qui a susurré ça d'un ton salace est bien trop jeune. Je ne réponds pas à ses avances, pourtant, il attend que je dise quelque chose. Au même moment, un homme au masque familier se rapproche de moi :
— Monsieur vous attend sur la terrasse.
Je reconnais cette voix ! Il s'agit de l'homme plus âgé qui était venu chercher mon énigmatique séducteur lors de la dernière soirée ! Pourquoi il n'est pas venu lui-même vers moi, à la place de faire cette stupide mise en scène ? Je laisse le jeune prépubère en plan et l'homme à la chevelure d'argent. Tout en bravant la foule, mon cœur palpite et s'agite comme ce n'est pas permis. Je vais vraiment le retrouver ?
Nous arrivons enfin sur une grande terrasse un peu isolée. Il n'y a qu'une personne contre le rebord de la rambarde. Lui. Seul et de dos, occupé à observer le sombre mais néanmoins étoilé horizon. L'envergure de sa silhouette est tellement reconnaissable. Je ne suis pas surprise de le voir là, cela confirme juste que ce genre d'endroit lui est familier.
Le bruit de mes talons aiguille lui permet de savoir que j'arrive.
— Tu es venue, me dit-il en se retournant.
Mince, il porte encore un masque. Pourquoi je suis surprise ? Après tout, c'est bien là l'emblème de la soirée... Il m'adresse un sourire, celui auquel j'avais pensé toute la semaine, et cela me redonne les fameux frissons. Il est habillé d'un costume noir et pour s'assortir au thème imposé, il porte une cravate rouge. Son masque de satin couleur ébène, est un peu plus petit que le dernier qu'il portait. Je ne peux tout de même pas apercevoir son visage, mais au moins, je devine mieux ses traits.
Sa virilité m'excite alors qu'il ne m'a même pas touchée. L'un près de l'autre, nous nous regardons sans rien dire, comme si le temps s'arrêtait.
— Je suis désolée d'être partie si vite la dernière fois... je finis par dire.
Il croise les bras, penche sa tête en arrière, puis me répond :
— Est-ce que cela veut dire que tu regrettes ?
— Peut-être bien...
Comme si je venais de lui en donner l'autorisation, il prend mon visage entre ses mains, et m'offre un doux baiser. Plus délicat que jamais, mais toujours aussi intense. Nos langues se frôlent et je retrouve le goût qui m'avait manqué, son goût. Sa salive se mélange à la mienne, sa barbe me caresse, ses bras m'enveloppent petit à petit.
Très vite, je le sens se durcir contre moi. Ses mains accentuent l'effet quand il presse mes fesses contre son bas-ventre. La légère brise présente ce soir-là me fait trembler de froid. L'homme masqué le remarque, alors il me prend la main et nous rejoignons la salle où la fête bat son plein. Nous étions pourtant trop bien seuls tous les deux, sur cette terrasse...
Sur la piste de danse, et accompagnés d'une musique latino, il me fait tournoyer. Cette transition me fait rire aux éclats. Puisque la séduction ne semble pas taboue ici, il descend lentement le bustier de ma robe. Devant tout le monde. Ma poitrine ressort, et mon soutien-gorge est presque entièrement visible. Autour de moi, il y a bien pire comme vulgarité, et puis à ses côtés, je ne me sens pas gênée. Au contraire, l'excitation monte d'un cran.
Nous entamons une danse lascive, nous nous trémoussons l'un contre l'autre. Derrière son masque, je le vois se concentrer uniquement sur moi. Il me mange du regard, me dévore par la pensée, et je sens mes joues rougirent sous tant de suggestivité. Au bout d'un moment, il se montre las d'être autant bousculé. Il faut dire que le club n'est pas très grand, et pourtant, il y a foule. Alors mon inconnu se plante derrière moi et accentue intentionnellement le rapprochement entre nos deux corps. Il semble tenir à ce que je sente encore son excitation. Est-ce que c'est maintenant que les choses sérieuses arrivent ?
Bernard, si je me souviens bien du nom de l'homme qui est toujours à ses côtés, lui remet des clefs, puis lui dit quelque chose à l'oreille. Après qu'il ait acquiescé, mon fantasme ambulant me pousse jusque dans un long couloir. Je rechigne un peu à être dirigée de la sorte, et en même temps, je n'arrive pas à l'en empêcher. Il me fait face et me presse fermement contre un mur, avant d'ajouter :
— Est-ce que c'est ce que tu veux, cette fois ?
— J'ai confiance en toi. Je ne te connais pas, mais j'ai confiance...
— C'est un oui ?
— Je cherche encore pourquoi, mais c'est oui.
Je l'entends rire pour la première fois. Il a un rire grave et pourtant si naturel. Je reste accrochée un long moment aux petites fossettes creusées sur ses joues, tandis qu'il sort une clé de sa poche. Toujours ce système de chambre, de pièce ou d'appartement privé, je ne sais pas, mais la porte numéro dix-sept s'ouvre devant nous.
Les murs noirs sont assortis à l'immense lit qui trône au milieu de la pièce. Les draps de soie donnent envie de plonger à l'intérieur. Clairement, on n'est pas là pour faire du tricot.
Sans perdre de temps, il commence à se déshabiller. Il ôte sa veste, déboutonne sa chemise, lentement. Je ne peux m'empêcher de le regarder avec envie. Une envie qui devient de plus en plus profonde, qui crispe tous les membres de mon corps. Torse nu, il s'approche de moi, et dézippe la fermeture éclair du dos de ma robe. Il la fait descendre, sans pour autant toucher ma peau. C'est bien la confirmation qu'il est très habile de ses doigts. J'en veux plus. Alors que je me retourne vers lui, troublée au point que je me pense ivre, j'effleure en même temps de mes lèvres sa barbe lisse et brillante. Elle me pique, mais j'aime ce contact poignant. Sa respiration prouve qu'il ne tient plus, elle est aussi chaude que mon souffle. Alors, l'homme sans visage ni prénom, m'attire dans le lit de soie.
Je n'en reviens pas d'être là avec lui. J'ai osé franchir le cap...
Tout va si vite et en même temps, nos gestes sont délicieusement lents.
Nous sommes allongés, l'un contre l'autre, quand sa main glisse entre mes jambes. Il prend plaisir à caresser ma cuisse, puis arrive jusqu'à ma culotte transparente. La lumière est assez forte pour qu'il profite du spectacle, alors il s'amuse avec les petits volants plissés sur son contour, puis joue avec le nœud ruban qui était accroché sur le dessus.
Une attente frustrante mais terriblement excitante.
Le plaisir explose sur mon baromètre lorsqu'il explore les zones plus sensibles. Je laisse aller ma tête, relâche ma nuque, reposant uniquement sur la douceur des draps. En ouvrant un instant les yeux, je me concentre sur son masque. Lui non plus ne voit pas mon visage... Est-ce vraiment gênant ? Je ne pense pas. C'est une alchimie qui nous relie, des regards et des gestes, une attraction qui ne s'explique pas.
Nos préliminaires ne durent pas plus longtemps. Le supplice de ne pas l'avoir en moi est sur le point de prendre fin. Il se protège, et me pénètre de la même manière qu'il me transperce du regard. Je cache derrière le tissu en dentelle, les joues rouges et échauffées.
Je ne cesse de remercier ma conscience qui m'a fait oser revenir. Je suis complètement ailleurs, dans un autre monde. Tout au long de l'acte, ses à-coups sont divins, ses cris de plaisir m'excitent encore plus que son foutu corps. Il sait jouer de ses charmes, d'ailleurs, il prend ma main et la fait descendre de son cou à son bas-ventre alors qu'il continue de me pénétrer sauvagement. Ses épaules se contractent en même temps que sa mâchoire, et il laisse s'échapper un gémissement.
Je pensais avoir une relation sexuelle, et en fait, je fais l'amour. C'est la première fois que ça m'arrive avec un inconnu. Ce n'est pas comme ça que je m'étais imaginé ce moment, et tant mieux ! En effet, on dirait que cet homme me connaît déjà par cœur. Je ferme les yeux, et il m'apporte tout le plaisir que je souhaite. Il me touche là où je veux, comme je le veux, sans même que je ne lui dise quoi que ce soit. Sa bouche s'entrouvre et il devient plus violent, son masque bascule contre le mien, mais ne tombe pas de son visage.
Je ne peux plus tenir, l'orgasme qu'il me donne est à la hauteur de ce que j'attendais. Dingue, volcanique, puissant. Je dois reprendre mon souffle quelques secondes pour ne pas que ma tête ne tourne. Mes tympans bourdonnent encore quand je le vois se lever, et se rhabiller. Alors, je regarde l'heure sur mon téléphone. La nuit est bientôt finie, je n'ai pas vu le temps filer, j'étais si bien dans ce gigantesque lit... Pourquoi ne reste-t-il pas couché ?
— Je dois y aller, se contente-t-il de dire.
La déception me transperce.
Je dois m'y résoudre et je n'ai rien à lui imposer, parce que, lui et moi, nous ne sommes pas le couple classique par excellence. Juste un duo d'inconnus, qui marche du tonnerre quand il s'agit de sexe...
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