Chapitre 1 - L'invitation
L'agence événementielle pour laquelle je travaille est au summum de sa gloire. Ces derniers temps, nous n'avons pas eu un moment pour souffler. Ce n'est que depuis cette semaine, que tout est un peu plus relaxe. Je porte mon sac et mon manteau à la main, prête à rentrer chez moi, quand la voix du patron me stoppe net :
— Sophia, attendez !
Avant de me retourner, je prie pour qu'il ne me demande pas de rester plus tard au bureau. Il n'oserait tout de même pas, j'ai travaillé si dur ces derniers jours...
— Nous avons reçu ça pour toi.
Je relâche ma respiration. Ouf, je vais pouvoir m'échapper comme c'était prévu ! Je me vois déjà affalée devant la télé, à me vider l'esprit, ne penser à rien d'autre qu'aux mousses au chocolat ratées de mon émission culinaire préférée.
Je regarde la grande enveloppe noire que mon patron me remet.
— Merci.
Je le remercie sans savoir de quoi il s'agit. J'ai beau la retourner, il n'y a rien marqué dessus mis à part mon prénom.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Aucune idée, le mieux est encore de l'ouvrir, Mademoiselle Watson, me répond mon patron avec une logique infaillible.
Notre échange a attisé la curiosité de James, mon collègue de boulot. Il se rapproche vers moi et tend le cou vers cette grande enveloppe. Ils attendent maintenant tous les deux avec impatience que je l'ouvre. Je suis vraiment gênée par leurs regards. Pourtant, je n'ai rien à cacher et puis, un courrier remit par le boss en personne ne peut pas être personnel. Mais le papier sombre aux allures de soie est si beau... Je l'admire quelques secondes, et puis je n'en peux plus. Moi aussi je veux découvrir ce qu'il y a à l'intérieur ! Je glisse mes doigts sous l'ouverture pour en déchirer le bord. Elle pèse lourd, c'est quand même étrange... En soulevant ce qui s'y trouve à l'intérieur, je peux sentir... des plumes ?!
À voir mon regard surpris, James et mon patron sont aussi curieux que dubitatifs. Je tire ces fameuses plumes de leur contenant, et ils examinent, tout comme moi et avec attention, l'énorme carton d'invitation. Il est aussi recouvert de paillettes et il désigne clairement une invitation à un bal masqué.
Qu'est-ce que vient faire cette invitation entre mes mains ? Face à cet extravagant bout de papier, je suis vraiment mal à l'aise. Je me sens obligée de me justifier, presque de m'excuser...
— Désolée, je ne vois pas du tout qui aurait pu m'envoyer ça, ni pourquoi...
Je ris bêtement quand James se rapproche pour lire la carte à voix haute :
'Mademoiselle Watson, vous êtes invitée à un bal masqué. Rendez-vous au Palace Céron, pour une soirée placée sous le signe de la découverte et de la curiosité. Venez promouvoir votre société, ou venez rencontrer des professionnels des plus prometteurs. Nous comptons sur votre discrétion pour profiter au mieux d'une soirée des plus captivantes.'
J'ai entendu le mot professionnel ? Je suis soulagée, au moins ce n'est pas une farce ou une invitation personnelle. Alors, je hausse les épaules et remue la tête, ne sachant que dire. Pourquoi moi ?
— Mademoiselle Watson, avez-vous inscrit notre agence quelque part, ou bien, fait une rencontre professionnelle particulière ?
—Non. Je vous assure que je ne sais vraiment pas pourquoi cette invitation m'est adressée, j'...
— Vous vous y rendrez.
— Pardon ?
Même James a eu un sursaut de surprise. Il s'est sûrement préparé à m'humilier, puisque c'est une habitude chez lui. D'ailleurs, il a lui-même décrété être mon principal rival. Alors s'il ne me drague pas, il me chambre ou me vanne lourdement.
— Je peux y aller, si Sophia ne veut pas, dit-il rapidement.
— Non non James, l'invitation est à son nom, alors c'est Sophia qui ira.
Nous n'avons jamais travaillé dans une soirée masquée. En soit, dans l'idée, cela peut être intéressant... Non, ce n'est pas ça qui me dérange. Ce serait plutôt de savoir qui m'a invitée et pourquoi cette personne m'a choisie, moi.
— Monsieur Rousselle, pourquoi devrais-je y aller sans connaître l'expéditeur ou même l'organisateur ? Vous êtes conscient que je vais me rendre à un évènement créé par un concurrent ?
— Justement ! Imaginez une seconde que la soirée marche, c'est un concept à creuser. Je veux que notre agence fasse la même chose ! Une idée de génie, une soirée pro fun et originale. Je compte sur vous pour nous dégoter un max d'info, compris ?
Mon patron a l'air tellement déterminé, qu'il m'a presque convaincue. Il me pointe du doigt et retourne à son bureau. James lui, fait déjà semblant d'être occupé sur son téléphone, alors que je sais qu'il écoute tout, sans perdre la moindre miette de mot. Pour ma part, je range l'invitation dans son enveloppe et fourre le tout dans mon sac. J'expire et reprends le chemin de la sortie, la tête encore pleine d'interrogation.
***
Andréa, ma colocataire, est déjà sur le canapé. Elle tourne la tête vers moi et rit de bon cœur en me voyant plantée là, juste devant la porte d'entrée.
— Qu'est-ce qu'il t'arrive Sophia, mauvaise journée au boulot ?
Sans un mot, je braque l'invitation en l'air.
Andréa fixe l'objet au bout de ma main et vient le voir de plus près en courant. Elle se saisit de l'enveloppe, qu'elle ne prend pas le temps d'admirer, et lit l'invitation sans attendre. Cela la laisse sans voix. Elle caresse les plumes, puis les mots gravés sur le papier cartonné. Quand elle a fini de lire les indications notées, elle me dit :
— Mais c'est trop fort ! C'est ta boite qui fait l'évent ?
— Non.
—Ah. On vous a piqué l'idée alors, c'est ça ?
— Même pas.
— Alors pourquoi tu fais cette tête ?
— Je ne sais pas qui m'a invitée.
Elle pouffe de rire. Cela me fait automatiquement sourire.
— Et alors ? C'est une bonne nouvelle, non ? ' Samedi, au palace Céron ', elle lit doucement. Tu vas y aller, j'espère ?
Je me détends un peu à propos de toute cette histoire. Finalement, n'est-ce pas un joli cadeau, aussi mystérieux soit-il ?
— Au départ je ne voulais pas, mais mon boss y tient beaucoup... Il est intéressé par le concept et veut que notre agence s'en inspire.
— Mais oui, il a raison ! Et puis tu vas t'éclater ! Un bal masqué dans un palace, le rêve ! C'est quand déjà ? dit-elle en reposant ses yeux sur l'invitation.
— Demain. Tu peux me dire ce que j'y gagne d'y aller seule ? Je vais m'ennuyer...
— C'est marqué là, me pointe Andréa du doigt, de la découverte ! Et puis tu peux te faire connaître professionnellement parlant.
— On verra, je réponds négligemment.
Je dépose l'enveloppe sur la table et j'essaye de ne plus y penser. Je suis bien trop curieuse de nature, ce n'est pas évident pour moi de ressentir la frustration du secret. Andréa a déjà préparé le repas, il ne me reste plus qu'à prendre une douche bien chaude avant de dîner. J'ai enfin le droit à un peu de détente...
Une fois nue, prête à entrer dans la douche, mon téléphone sonne. C'est James. Je ne lui réponds pas, lui parler est la dernière chose que j'ai envie de faire, là tout de suite. Puisqu'il insiste, je m'agace et lui envoie un message :
' Tu veux quoi James ? Je ne te rappelle pas, j'allais prendre ma douche là ! '
' Hum... Intéressant. Justement, te savoir nue va me faciliter la tâche. Tu sais comment finissent les bals masqués, en général ? Si tu as besoin d'un mentor, je t'accompagne volontiers. Et plus si affinités... '
Je recouvre immédiatement ma nudité, comme s'il pouvait me voir. Psychologiquement, je mets aussi mon téléphone de l'envers. Vraiment, juste au cas où.
James m'exaspère. Il n'est pas du tout mon style, autant physiquement que par sa vulgarité. Il n'est pas seulement intéressé par moi, mais par toutes les autres filles qu'il croise, alors le fait de le savoir intéressé par moi ne me flatte pas le moins du monde. J'ignore son message pour enfin me glisser sous les filets apaisants de l'eau chaude. Mais même avec une température extra-forte et un nuage de fumée engourdissant, sa phrase tourne en boucle dans ma tête. ' Tu sais comment finissent les bals masqués, en général ? '
Non James, je n'ai aucune idée de comment pourraient se terminer ces soirées ! Est-ce que c'est encore un sous-entendu pervers ? Ou bien, est-ce qu'il a raison et je vais ainsi me retrouver dans une soirée plus intime que ce que je peux croire ? Je chasse mon collègue de ma tête, et me dis que de toute façon, je pourrai toujours partir si cela devenait trop gênant pour moi.
Je ne lui réponds rien, et si avec ça, il ne comprend pas que je préfère y aller seule que mal accompagnée, je ne peux plus rien pour lui...
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