Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Capitulum Tricesimum Quintum

Friedrich fut tiré de ses souvenirs lorsque sa bien-aimée lui demanda quelle était la direction à emprunter à présent. L'air hébété qu'il porta sur elle dut la convaincre de la nécessité de lui poser la question à nouveau. En effet, il avait à peine entendu qu'elle s'adressait à lui. Ainsi, au bout de quelques minutes de chevauchée dans les rues de la ville, ils mirent pied à terre en face d'une imposante bâtisse. La demeure était immense : il s'agissait du cœur du Comté de Berg, suffisamment riche pour permettre à ses dirigeants de résider dans un bel endroit. À cause du nombre d'années écoulées depuis sa dernière visite, les habitants ne l'avaient pas reconnu. Cependant, le garde posté à l'entrée, après quelques secondes d'hésitation nécessaires à la mobilisation de lointains souvenirs, déclara qu'il allait prévenir Maître Konrad et Maîtresse Brünhilde de sa présence. Le ton de sa voix ne trahissait aucune émotion, à peine une légère surprise, mais il ressortit de lui une froideur à l'image de la température qu'il devait faire à cet endroit au mois de février. Un autre ouvrit les grilles afin de laisser les cavaliers passer. D'une inquiétante couleur noire, elles étaient hautes et comportaient en leur sommet des piques d'apparence acérées.

Le chemin, montant en pente douce, était suffisamment large pour être emprunté par une voiture et son attelage. Pavé de pierres, et surtout par temps pluvieux, il gardait les personnes qui l'empruntaient de l'enlisement dans une mare de boue. La brume, pourtant inhabituelle en cette saison, rendait la progression difficile : il fallait faire attention aux chevaux, afin que l'un d'eux ne se blessât pas en se coinçant un sabot dans les trous dans la voie, ce qui condamnerait l'animal et son cavalier à une chute rude et douloureuse. Fort heureusement, rien de cela n'arriva, et montures comme cavaliers parvinrent sains et saufs en haut de la colline, sur laquelle le château était construit. Celui-ci, d'une grande beauté, était d'une splendeur froide et majestueuse qui, au lieu d'accueillir les nouveaux arrivés, semblait vouloir les faire fuir à tout jamais. De plus, l'atmosphère, alliée à l'humidité apportée par le brouillard, avait l'effet dissuasif recherché, sans compter le claquement des sabots sur la pierre qui n'était rien pour rendre le trajet moins inquiétant.

Derrière une poterne, le château d'allure médiévale était fait d'une espèce d'assemblage de petits bâtiments bâtis de pierres grises reliés entre eux de manière aléatoire, et mêlait à la fois des bâtiments rectangulaires aux toits en pente couverts d'ardoises et de petites tours rondes surmontées d'ardoises plus foncées, presque noires. De chaque côté, ainsi que sur une falaise des plus escarpées, le vide offrait une vue imprenable sur la vallée et sur sa végétation. Cette disposition singulière permettait, à l'époque de sa construction, de voir les ennemis arriver depuis le lointain et de le défendre facilement sur le seul chemin praticable. À intervalles réguliers, des barbacanes rappelaient aux visiteurs le passé guerrier de l'édifice. Les fenêtres, presque toutes minuscules, ressemblaient davantage à des meurtrières et il était légitime de se demander comment la lumière pouvait ne fût-ce que pénétrer dans ce château. Il est vrai que les souvenirs que Friedrich avait de son enfance ne brillaient pas par leur ensoleillement et il fallait souvent se rapprocher des fenêtres, voire les ouvrir, au risque de faire entrer le froid. En effet, exception faite de l'été durant lequel il convenait de tout fermer pour ne point laisser s'échapper la fraîcheur conservée par les pierres, les températures dans cette région obligeaient ses habitants à se vêtir chaudement. Ainsi, à part les vitraux de la chapelle qui laissaient entrer une lumière colorée, ou les grandes baies de la salle de réception, les fenêtres étaient minuscules, à tel point qu'il n'était pas rare de devoir allumer une chandelle en plein jour.

Une fois devant l'entrée principale, les deux cavaliers descendirent de selle, et furent accueillis par une paire de serviteurs vêtus de noir et de gris, qui saluèrent leur maître et lui annoncèrent, sur le même ton monocorde que leur collègue en bas de la colline, que Monsieur et Madame les attendaient.

Après avoir confié leurs montures aux deux matons en uniformes postés devant la porte, ils pénétrèrent dans l'immense demeure, leurs sacs sur l'épaule. La porte grinça et claqua derrière eux, les laissant dans une semi-obscurité à laquelle leurs yeux ne s'accoutumèrent qu'après de longues secondes à les clore puis les rouvrir. Plus encore que le manque de lumière, la température qui régnait à l'intérieur semblait encore plus basse qu'au-dehors, à tel point qu'ils se félicitèrent muettement de s'être couverts pour le voyage. Là, un troisième serviteur, un homme au visage buriné et à la silhouette voûtée par les années les accueillit d'une voix chevrotante, avant de l'inviter à le suivre : « Si Maître Friedrich veut bien se donner la peine ».

Emboîtant le pas à leur guide dont la démarche digne, mais d'une extrême lenteur le rendait facile à suivre, ils traversèrent plusieurs couloirs aussi sombres les uns que les autres, gravirent un escalier et demi aux marches raides et glissantes comme la mort, puis parvinrent devant deux lourdes portes en bois ornementées de rouge. Derrière se tenaient ses parents, ou du moins ceux qu'il eût appelés ainsi en d'autres circonstances : tous deux étaient vêtus de noir, intégralement. La seule touche de couleur — s'il était quelque licence que ce fût de la nommer ainsi — résidait dans les boutons d'ivoire de la chemise du chevalier et dans le col en dentelle assorti de la comtesse. Leur vêture, d'une étonnante sobriété, était à l'image de leurs propriétaires, longs, minces, au visage émacié et sévère. Tous deux portaient les cheveux coiffés en arrière, lui en un petit catogan, si court qu'on eût dit la queue d'un bouledogue, ce qui n'était rien pour arranger la dégarniture de son front ridé, et elle en un chignon haut si serré que seul un miracle pouvait encore expliquer la résistance de la peau de son crâne à une telle tension. Ils arboraient tous deux de profondes rides au coin des lèvres, les muscles de leur cou étaient visibles sous une peau flasque, ce qui témoignait de leur extraordinaire propension à sourire. Ils avaient dû être très beaux dans leur jeunesse, mais les affres de la vie et les années passées dans ce château humide et coupé du monde ne les avaient pas épargnés. On eût dit la mort descendue sur Terre à la recherche de ses âmes damnées pour les ramener aux Enfers.

L'espace d'un instant, Elster se demanda, incrédule, comment il avait été possible que deux personnes comme celles-là conçussent un fils aussi beau, mais amèrement, comprit, avant même qu'ils n'eussent ouvert la bouche, quelle pouvait être l'origine de certaines de ses insécurités. Tout dans la pièce était sombre : les meubles, les dalles, les tapisseries, et jusqu'à la lumière qui, insuffisante, semblait assombrir encore un peu l'intérieur. Elle sentit un frisson parcourir son échine : les flammes qui dansaient dans l'âtre ne parvenaient pas à réchauffer l'atmosphère tendue et glaciale qui s'était installée dès leur arrivée, ou plutôt qu'ils avaient mise à jour en poussant la porte de cette demeure. S'il n'y avait eu le soulèvement régulier de leur poitrine, on eût pu douter qu'ils fussent vivants. Cependant, métaphoriquement parlant, c'était toujours une question qui pouvait s'entendre. Le silence était assourdissant, et les deux jeunes gens attendirent nerveusement que leurs aînés se décidassent à parler.

Enfin, après de longues minutes, Brünhilde s'anima, comme un automate qu'on aurait mis en marche. Le nez haut, elle regarda son fils avec un air de dédain on ne pouvait plus absolu : « Bonsoir, Friedrich. Nous ne vous espérions pas, peut-être eussiez-vous pu avoir la délicatesse d'annoncer votre arrivée plus tôt ? ». Elle marqua une pause, prit une profonde inspiration, puis de sa voix criarde et supérieure, en quelques secondes détrompa Elster, lorsqu'elle posa son regard sur elle et asséna d'un air narquois : « D'une, vous avez le toupet de vous présenter devant nos yeux à l'improviste, mais par surcroît, vous avez l'outrecuidance de faire entrer sous notre toit une femme qui ne soit pas de notre race, une femme de basse extraction, une roturière, une femme du peuple, une pérégrine, une bagasse, une gueuse ». Chacun de ces mots, martelés avec soin, atteignait un peu plus sa cible, emportant à chaque fois une partie de son innocence.

« Cependant, nous ne sommes pas inhumains, et bien que cela nous coûte, vous pourrez, avec votre jeune amie, résider ici quelques jours le temps de vous reposer du voyage harassant que vous dûtes faire pour venir jusqu'à nous ». Le chevalier s'anima à son tour, et s'exprima d'une voix grave et étonnamment douce. Toutefois le ton qu'il employa et la teneur de son discours étaient tout autres : « S'il est vrai que nous vous donnâmes, par notre union quelque peu... singulière, un exemple de mixité sociale, nous ne nous attendions pas à ce que vous poussassiez le principe jusqu'à de telles extrémités. Ce n'est pas ainsi que nous vous avons éduqué, et je regrette de ne pouvoir donner tort à madame votre mère ».

Devant la puissance de l'insulte, Elster serra les dents pour garder une attitude digne, mais à sa grande surprise, ce ne fut pas le cas de Friedrich, qui répondit sur le même ton, un ton qu'elle ne lui connaissait pas, le même qu'il avait employé pour répondre à Victor Martial : « Père, et surtout Mère, bien que les lois du royaume m'obligent, en tant que votre subordonné dans la hiérarchie nobiliaire, à l'obédience, je ne vois rien qui, dans votre attitude ou plus largement, dans votre être, vous donnerait quelque supériorité et par conséquent quelque légitimité que ce soit à me dicter ma conduite. Grâce vous soit rendue de nous offrir l'hospitalité avec autant de spontanéité, mais je me vois obligé de décliner votre offre si généreuse. Si vous n'avez rien de plus à ajouter, nous allons prendre congé, afin de ne point vous importuner davantage. Puisse votre journée se poursuivre sous des auspices encore meilleurs que ceux sous lesquels elle avait commencé ». Puis, les saluant à peine d'un signe de tête, il tourna les talons avant de prendre la direction de la sortie.

Peu importait qu'ils le reniassent, peu lui en chalait : jamais ils n'avaient daigné remplir leur rôle de parents correctement ou ne fût-ce que lui donner la caristade de la moindre marque de tendresse ou de respect. Marchant à pas vifs dans les couloirs du château, ponctuant sa progression du claquement de ses talons sur les dalles, il demanda qu'on lui ouvrît et qu'on leur rendît leurs montures. Bien que la demande fût inhabituelle, les serviteurs ne purent s'opposer à un ordre direct de celui qui, de par son sang, était encore — et resterait — un de leurs maîtres. Les cavaliers partirent sans un regard en arrière pour l'affreuse bâtisse et pour ses ignobles habitants, dont les oreilles durent siffler longtemps, au vu de la manière dont Elster, profitant de l'intimité retrouvée avec son bien-aimé, saisit l'occasion pour s'épancher auprès de lui et pour hurler à ces vieux schnoques leurs trente-six vérités, un poing vengeur levé vers le ciel, dans l'espoir vain que le vent leur en porterait au moins un fragment. Une fois que la jeune femme eut exprimé toute sa frustration, le trajet du retour fut plus calme. Tous deux avaient, loin de regretter les paroles proférées ab irato, l'esprit léger et libéré, apte à envisager des projets d'avenir. 

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro