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Chapitre 9 : Nuit d'hiver (bonus)

Bonjour, bonjour :)


Voici le chapitre bonus dont je vous avais parlé. Il se déroule quelques mois après les événements du précédent, ce qui explique l'évolution de certaines situations. L'intrigue principale reprendra son cours au chapitre suivant.


Bonne lecture !

Vocabulaire :


-Troika : traîneau tiré par trois chevaux


-Milaya : "chérie"


-Matriochkas : poupées russes 

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— Et voici Ded Moroz, le grand-père du gel, l'envoyé du froid !

Les volutes noires formèrent la silhouette d'un patriarche tenant un bâton. Assis devant Marya dans la salle de classe transformée en théâtre d'ombres, les petits Grishas eurent une exclamation de surprise. Yeux écarquillés, la plupart paraissaient fascinés, craintes envolées.

— Il viendra vous porter des cadeaux accompagné par sa fille, Snégourotchka

la demoiselle des neiges, qui conduit se déplace dans sa troika...

Paraissant avoir été découpés dans du papier très fin, la demoiselle et son traîneau bondirent des mains de Marya et foulèrent une neige imaginaire. Elle avait répété maintes fois ce numéro avant d'en être satisfaite. La voix douce et chaude de la conteuse les transportait à travers des contrées rêvées. Ils sentaient presque la liberté du galop, l'air frais sur leurs joues. Une petite main revendicatrice se leva.

— Oui, Mila ?

— Snégourotchka est sensée être habillée en blanc, protesta la petite fille.

— C'est vrai. Et si tu as une solution pour la faire apparaître dans cette couleur, je t'écoute. Sinon, tu peux écouter la suite de l'histoire, rétorqua calmement Marya. Je disais donc, un jour Snégourotchka s'éprit d'un beau jeune mortel et traversa le grand nord pour le retrouver...

Une fois le conte fini, les enfants remercièrent Marya et partirent se découvrir les jambes dans la neige. Le petit Yakov s'attarda un peu. C'était le garçon rejeté par sa famille et qu'elle avait consolé sur leur trajet vers Os Alta. Il restait donc très attaché à elle et craignait toujours d'être abandonné et renvoyé malgré tous les efforts de son entourage.

— Merci pour l'histoire. J'adore tes pouvoirs, Macha. J'aimerais être comme toi, avoua-t-il d'une petite voix.

Marya se baissa à son niveau et le blottit dans ses bras avant de déposer un baiser sur son front. Savoir que sa famille avait exclu ce garçon adorable la mettait hors d'elle.

— Tu n'as pas besoin d'être comme moi, mon Yacha. En grandissant, tu deviendras un merveilleux Durast.

Le garçon sourit et s'en fut jouer avec les autres.

*

Le rôle de Ded Moroz allait être endossé par plusieurs Grishas. La tradition voulait que l'on s'offre des présents pour célébrer la fin de l'année et festoie avec ses proches pour remercier les saints de leur protection. Il était important que les enfants aient un moment joyeux et profitent de cette période d'insouciance. Certains passeraient leurs premières fêtes au Petit Palais et leurs familles étaient parfois trop loin ou tout simplement inaccessibles.

Savoir qu'Aleksander soutenait cette initiative l'avait émue. Sans doute était-ce pour compenser les années passées dans le froid et l'isolement avec des miettes d'affection. Rejoindre l'effort avait permis à Marya de se lier avec d'autres personnes. Leur demeure ressemblait parfois à une grande famille, avec ses affinités et ses tensions. Elena avait réalisé quelques scènes et portraits, se renseignant innocemment auprès des futurs destinataires pour savoir ce qu'ils aimeraient.

— C'est impressionnant, je serais incapable de dessiner comme tu le fais, la félicita Marya.

Elle avait de son côté réalisé des accessoires tels que des mouchoirs et des gants.

— Tu l'as fait pourtant d'une certaine manière avec tes ombres. Et moi j'ai beaucoup aimé ton histoire alors que je la connaissais pourtant par cœur.

Réaliser ces tableaux l'avait divertie. En donnant corps aux rêves, la Hurleuse oubliait tous ses tracas. Dans un monde rêvé, Elena aurait pu se consacrer librement à son art si Ravka avait été en paix et les Grisha respectés.

— C'est un grand changement pour eux. Et ce genre de moments peut nous ramener à ceux qu'on a laissés derrière nous. Au moins, on les amusera autant qu'on peut, nota Marya.

Une étrange mélancolie venait parfois malgré toute son implication. Cette vague froide et visqueuse s'infiltrait dans les interstices laissés par les rares moments de vide. Cette sensation ne lui était pas inconnue. Sa vision du monde changeait avec les années. Autrefois, elle et sa sœur auraient joué et dansé, puis auraient fait des grimaces pendant les cérémonies religieuses en espérant qu'on ne les voit pas. Elles n'auraient eu que de maigres présents mais la joie leur aurait suffit.

Et cela lui paraissait d'autant plus incongru que sa famille était toute proche et qu'elle se trouvait aimée, entourée, en sécurité et le ventre plein. Ce sentiment parasite éveillait sa colère et Marya le chassait de toutes ses forces. La Grisha s'accrochait aux petites joies, comme elle l'avait toujours fait.

— Au fait, j'ai eu une permission pour voir ma famille. ça fait tellement longtemps que j'attendais ça ! J'espère qu'ils ne seront pas trop effrayés par ma tête, essaya de plaisanter Elena.

Marya secoua la tête et eut un sourire rassurant.

— Je pense qu'ils s'en ficheront et qu'ils seront surtout contents de te voir. Profites-en bien, c'est le plus important.

— Oui, je te ramènerai un cadeau. Même si j'en ai déjà un pour toi en attendant.

Elena lui tendit une feuille pliée en quatre. Marya découvrit une esquisse d'un personnage dont la tête ronde était montée sur un corps figuré par cinq bâtons sommaires. Ses cheveux noirs et sa barbe de trois jours étaient un peu hirsutes, ses yeux noirs figurés par deux boules de charbon sous des sourcils très froncés. L'invocatrice haussa un sourcil.

— Ton bien-aimé général, taquina Elena. C'est ressemblant, tu ne trouves pas ?

Marya pouffa, partagée entre le rire et l'envie de défendre l'honneur d'Aleksander. La dernière option l'emporta cependant.

— Ah non, je proteste, ça ne lui ressemble pas du tout ! répliqua-t-elle de son ton le plus outré possible.

— Moi je trouve que si. Fais attention, tu deviens prévisible là-dessus, Macha, ajouta Elena avec un clin d'œil.

Marya haussa nonchalamment les épaules. Bien que n'appréciant pas que l'on s'insinue dans sa vie privée, elle ne pouvait empêcher les spéculations d'aller bon train.

*

Le samovar fumait sur la table et Marya laissa le contenu de la tasse la réchauffer. Assise avec ses parents, elle croyait presque être passée dans un autre monde. Ces derniers avaient quitté l'isba du village pour un lieu dont ils étaient maîtres.

Ses parents continuaient à être parcimonieux mais la venue de leur fille leur avait fait sortir le thé et les douceurs sucrées. La confiture fondait délicieusement en bouche.

— Alors, tout se passe bien ? J'espère que personne n'a essayé de courir dans les couloirs du palais en robe de chambre, s'amusa Lizaveta.

Marya évoqua les préparatifs des festivités.

— Il faut que je trouve un cadeau pour le général, mais j'ai déjà quelques idées, annonça-t-elle avec un air espiègle.

— Une arme ? Non, il doit en avoir à n'en plus compter, réfléchit sa mère. Pourquoi pas un fruit ou une sucrerie exotique ?

— Peut-être un livre avec une histoire intéressante ? proposa Pavel.

Le coin de la bouche de Marya se releva. Ses parents venaient en réalité de parler d'eux.

— Vous viendrez me voir pour les célébrations ? questionna-t-elle, même si elle connaissait de nouveau la réponse.

Sa voix trembla, contrairement à l'année précédente, Marya n'aurait plus à s'inquiéter pour eux.

— Bien sûr que oui, Macha, rassura aussitôt son père.

Lizaveta hocha un sourcil.

— C'est moi ou tu as quelque chose qui te tracasse ? Il s'est passé quelque chose ? Le front te poursuit ?

— Ah non...c'est juste que je me sens parfois un peu triste et mélancolique. C'est la période qui fait ça alors que c'est le meilleur moment pour être heureuse, avoua Marya à regret.

Un goût amer lui vint. Ces moments étaient précieux et ils ne méritaient pas d'être ainsi assombris. Mais ils étaient là entre adultes et ses parents comprendraient mieux que quiconque.

La source de sa douleur lui apparaissait de manière logique, son mal n'avait pas de remède évident. L'éternité qui l'attendait tordait toute sa perspective. Des centaines de fêtes similaires passeraient, mais la cohorte des fantômes gonflerait à chacune d'entre elles. Le moindre détail convoquerait les souvenirs, tel un éclat de verre faisant jaillir le sang.

Ses parents mourraient un jour et son visage n'aurait pas changé. Le temps était un ennemi redoutable, l'éphémère devenait poison. Le poids de ses responsabilités s'y ajoutait. Tout cela faisait remuer ses vieilles douleurs et les agitait au point qu'elle crut recevoir de l'eau glacée en pleine face. Mais comment l'expliquer concrètement ?

Pavel et Lizaveta comprirent malgré tout, car ils avaient traversé les mêmes tourments l'année passée.

— Je comprends, tu penses à ceux qui sont partis et au passé. Ce genre de moments nous y ramène parfois parce qu'il nous montre le temps qui s'écoule, commenta Pavel avec son calme fataliste. Mais s'il y a une chose que tu dois te rappeler, Macha, c'est que ta tristesse passera, comme tout le reste.

Sa mère hocha vivement la tête. Un éclat de colère traversa son regard. Personne n'élevait ses enfants pour les conduire dans la tombe.

La vision de la chaise vide de leur seconde fille les avait longtemps bouleversés. Rien n'était pire que le néant vorace. La notion même de joie leur paraissait autrefois blasphématoire mais le chagrin avait reflué.

— Mais on est toujours là, pas vrai ? compléta férocement Lizaveta. Tu n'as jamais été du genre à te laisser abattre, tu étais toujours là à chercher un moment d'émerveillement pour lutter et survivre. Le passé est passé. Tu verras, tout se dissipera quand tu y seras. La seule chose qui compte, c'est maintenant.

Il était normal d'être morose avec tout ce qu'elle avait en tête. Marya n'était pas une sainte et ne pouvait pas toujours faire face sans accrocs. Oui, leur présence à tous faisait son bonheur. Et il y aurait d'autres rencontres, d'autres visages de chair pour tenir compagnie aux fantômes. C'était cela la vie : apprendre à saisir les instants précieux et à être heureux malgré tout. Marya avait ainsi survécu même dans les entraves, c'était sa rébellion, son geste de défiance.

Elle sourit et reprit une gorgée de thé. Ils étaient tous ensemble et en sécurité. Sa mère avait raison, ce n'était pas ce qui allait l'abattre. Sa famille, Aleksander et ses amis suffiraient à tenir tous les chagrins à distance.

— Vous avez tout à fait raison, merci pour tout. Et je compte bien profiter de tout cela au mieux !

Ravis de la voir revigorée, ses parents la raccompagnèrent à la sortie. Lizaveta la toisa avec un sourire en coin et une lueur malicieuse dans le regard.

— Au fait Macha, est-ce que tu veux bien couper le bois avant de partir ?

— Je savais que tu allais me demander ça, maman. Allez, j'y vais pour cette fois, répondit-elle avec nonchalance.

La Coupe eut rapidement raison des bûches. Une longue étreinte noua ensuite la famille. Certaines choses se passaient parfois de mots. Ce tendre cocon la protégea sur le chemin du retour.

Une belle boîte noire ornée d'un liseré peint attira son attention au marché. Une scène de campagne hivernale rappelant la maison de son enfance était représentée sur le couvercle. Les arbres étaient vêtus de blanc et le clocher effilé d'une église se découpait au loin. C'était le cadeau parfait. Aleksander aimait garder certains objets qui lui rappelaient des circonstances spécifiques. Il pourrait y mettre ce qu'il souhaitait et ces couleurs étaient ses préférés.

Se retranchant dans sa chambre, elle ferma la porte pour ne pas être dérangée. Marya y gardait ses affaires et ses documents mais son lit était très propre et parfaitement ordonné car elle n'y dormait pratiquement plus. Elle écrivit « merci » de sa plus belle écriture, qui s'était améliorée après bien des efforts, et glissa le mot dans la boîte. Une onde de fierté la traversa. Les années l'avaient rendue plus forte, plus instruite et habile. L'averse passa comme elle était venue.

Un petit sachet d'herbes séchées y fut aussi déposé. Leur fragrance était douce et fraîche et elle les avait cueillies dans le jardin de ses parents. Aleksander s'abîmait sans cesse dans son travail, mais il avait aussi besoin de se détendre.

*

La neige absorbait les bruits autour des deux cavaliers. Les arbres étaient recouverts de diamants de givre, l'étendue ivoirine craquait sous les sabots. Bas et blanc, le ciel paraissait tout proche. La forêt leur offrait un monde céleste, transformé, tout un territoire à explorer.

Un flocon de neige s'échoua sur la cape sombre de Marya. Aleksander et elle étaient si proches, semblables à deux gouttes noires tombées du ciel, qu'elle n'aurait eu qu'à tendre la main pour l'atteindre.

— J'ai beaucoup aimé l'histoire. Je ne dirais pas non à ce que tu en racontes une, lança-t-il.

Le conte lui importait peu, ce qui comptait était de s'asseoir à ses côtés et que le monde extérieur disparaisse. Leurs moments volés étaient ce qu'ils avaient de plus précieux. La nuit et le froid les dissimulaient. L'hiver était une épreuve mais aussi une trêve qui dissuadait leurs ennemis, même si sa vigilance ne sommeillait jamais. Il aurait été beau que les saints puissent protéger Ravka derrière une muraille de glace et en changeant les balles en flocons. Ce genre de miracle n'existait que dans les livres.

— Tu écoutais ? Tu aurais dû rentrer avec nous, poursuivit-elle sur le même mode, souriant en l'imaginant assis parmi les enfants.

— Je suis passé rapidement dans le couloir et tu avais l'air très concentrée. Je n'ai voulu déranger personne.

— Dommage. Et toi, m'en raconterais-tu une si je te le demandais ?

— C'est pourtant moi qui le fais d'habitude, il me semble, répliqua-t-il.

— Je parlais des contes, pas des histoires de ton passé, contra-t-elle avec un petit sourire. Même si j'aimais qu'elles sont tout aussi captivantes. Quels sont tes préférés, d'ailleurs ?

— Quand j'étais enfant, j'aimais les aventures d'Ivan Tsarévitch, l'oiseau de feu, le magicien immortel...tous les prodiges qui me faisaient voyager loin de ma petite masure, avoua-t-il avec un sourire nostalgique. Et toi ?

La plupart de ces références lui étaient familières. Certains récits avaient traversé les siècles pour émerveiller petits et grands. Voilà qui la fascinait.

— Ma mère me racontait toutes les histoires des polyanitsa et d'héroïnes fortes comme Vassilissa la fille du prêtre. J'aime aussi celle de Vassilissa-la-très-belle. Quand j'étais petite, je rêvais parfois que ma poupée puisse s'animer pour venir m'aider. Finalement, je n'en avais pas besoin, nous étions tous des héros ordinaires, à accomplir des tâches difficiles sans aide magique.

—Ta mère est une femme de goût. Tu as en effet la trempe de ces héroïnes. En parlant de cela, je devrais peut-être aller voir si la mienne va bien, mais je n'en ai pas envie, trancha-t-il en laissant le vent emporter ses regrets.

Baghra le traiterait sans doute de fils ingrat mais une insulte de plus ne changerait rien. Ses préoccupations ne lui donnaient guère envie de se ruiner l'humeur.

— Ne le fais pas si tu ne veux pas et envoies plutôt quelqu'un. Rien ne sert de te faire du mal, conseilla-t-elle, l'air soucieux.

— Tu as bien raison, je préfère passer mon temps avec toi et les autres que dans le mouroir qui lui sert de maison.

— Et je suis heureuse que tu sois là.

Une lueur espiègle s'amusa dans le regard de Marya. Les absents occupaient leurs esprits, mais ils pouvaient toujours se consoler mutuellement. Ils mirent pied-à-terre et marchèrent bras dessus, bras dessous, laissant un long ruban de traces dans la neige intacte. La sentir craquer sur leurs pieds les amusa, l'odeur vivifiante leur emplit les narines. Aleksander eut plaisir à redécouvrir cette joie simple. Le givre des ans craquait peu à peu et une vitalité nouvelle le gagnait. En cet instant, ils n'étaient qu'un couple ordinaire marchant ensemble sous le vent.

— Je me rappelle de quand je t'ai emmenée dehors pour te montrer la Coupe. Il avait autant neigé qu'aujourd'hui.

Marya releva la tête et affecta un air très grave et sérieux, s'exprimant avec une distinction

— Mademoiselle Dourova, commença-t-elle en forçant sa voix aussi grave que possible. Je vais vous apprendre à utiliser la technique suprême des invocateurs et vous devez comprendre ce qu'elle implique.

Il secoua la tête, une lueur amusée dans les tréfonds de ses prunelles.

— Tu es impossible. Tu m'imites très mal, tu sais.

Elle haussa les sourcils.

— Ah bon ? Moi je trouvais ça plutôt ressemblant.

Pris d'une impulsion soudaine, il s'empara d'un peu de neige et la projeta sur elle. Marya éclata de rire et leva le bras pour se protéger. Sa dernière bataille de boules de neige remontait à quelques jours avec d'autres Grishas et les enfants. Ils avaient divisé les troupes en plusieurs camps et le sien s'en était admirablement bien tiré. Aussi était-elle prête pour cette nouvelle escarmouche. Marya s'éloigna aussitôt, se déplaçant en zigzag pour être plus difficile à atteindre et riposta.

Leurs habits furent recouverts de blanc à quelques minutes. Ils dérangèrent la paix des bois, se poursuivirent derrière les arbres et les buissons, utilisèrent le terrain à leur avantage. Rires et invectives éveillèrent les oiseaux et chassèrent la tension de ces derniers jours. Il n'y eut pas de véritable vainqueur et peu leur importait en vérité. Tous deux finirent par déraper et perdre l'équilibre, allongés côte à côte sur ce lit blanc, le visage et les cheveux constellés de flocons, essoufflés mais hilares.

Aleksander se releva le premier et lui tendit la main.

— Merci, Marya. Cela faisait longtemps que je ne m'étais plus amusé ainsi.


Avec lui, cela pouvait désigner des mois, comme cinquante ans et elle pariait plus sur une longue durée. Peut-être cela lui rappelait-il des souvenirs d'autrefois lorsqu'il avait pu côtoyer d'autres enfants Grisha ?

Il avait failli oublier cette sensation. Son élan l'avait surpris, mais son cœur battait toujours dans sa poitrine et ses joues étaient vives et rougies. Sa présence l'empêchait de devenir un arbre gelé, prisonnier de son sol

Que répondre face à un tel regard débordant de gratitude ? Pleine de fougue et de tendresse, elle joignit leurs lèvres. Il l'entoura de ses bras, la tenant fermement au creux de sa taille et ils demeurèrent ainsi aussi longtemps que possible, réchauffés par leur flamme. Le silence les enveloppa, les laissant se croire seuls au monde.

Voyant néanmoins le blanc sur leurs habits, Marya voulut empêcher le froid de s'insinuer en dessous. Aussi chassa-t-elle soigneusement la neige qui le recouvrait. Il en fit de même jusqu'à ce qu'elle retrouve sa couleur d'origine, terminant par un baiser presque révérencieux sur son front.

— Ne t'en fais pas, milaya. Je te réchaufferai comme il faut à notre retour.

Ses mots étaient une caresse, une invitation. Marya croisa son regard et en oublia complètement le givre.

*

Ce soir-là, ils lurent ensemble, drapés dans la même couvertures. Les mèches de miel de Marya coulaient entre les doigts d'Aleksander. Leur proximité rendit bientôt difficile de se concentrer. Qui chercha l'autre et s'en rapprocha en premier ?

Peu importait, bientôt, le châle de Marya fut bientôt repoussé. Tendre et espiègle, il offrit un collier de baisers à sa nuque pâle, la faisant frémir. Son soupir se dilua dans l'air tandis qu'elle s'appuyait contre lui. Le livre tomba du lit avec leurs vêtements et il n'y eut plus que le brasier de leur désir. Ils se nouèrent, s'explorèrent de nouveau, portés par la même soif de vivre.

Le pouce d'Aleskander s'insinua entre ses cuisses veloutées, soulageant la brûlure de l'impatience. Elle s'abandonna à ses bons soins, ses hanches roulant au gré des vagues de son plaisir. Bientôt, elle se serait que cendres pour renaître de nouveau. Seul comptait le présent, une éternelle seconde contenue dans une promesse murmurée entre deux souffles hachés.

Le silence de la nuit les recouvrit de nouveau lorsqu'ils furent tous les deux repus. Cette nuit-là, appuyée contre Aleksander, les yeux grands ouverts dans le noir, Marya goûta à la sérénité de l'hiver. La neige absorbait tous les bruits et elle se crut recouverte de plusieurs épais manteaux, dissimulée comme un animal sur le point d'hiberner.

La main engourdie de son compagnon continuait d'aller à venir dans sa chevelure, le bruissement tel une berceuse. Leur lit était leur cocon, leur forteresse. La neige tomberait toute la nuit et transformerait le monde. Le gel s'était arrêté à la porte de leur chambre.

*

Le grand soir vint. Les célébrations battaient leur plein dans le Petit Palais, portées par la douceur et la musique. Une année avait passé et les Grishas proclamaient leur fierté. Marya avait fait entrer sa famille dans ce nouveau monde et les avait laissés explorer, les yeux pleins d'étoiles. Les enfants couraient partout, bouillonnants d'impatience. Le paysage était d'une pureté exquise, les étoiles étaient des joyaux.

Aleksander prit Marya par la main et ils s'éclipsèrent tous les deux. Elle lui tendit son cadeau avec un sourire. Dans le fond, la grande horloge sonnait minuit et que l'on s'étreignait, prononçait des vœux comme autant de conjurations, les libérant dans l'éther en espérant que les Saints les saisiraient au vol.

Le général ouvrit l'exquise boite et en découvrit le contenu. L'apaisant parfum chatouilla ses narines. Le sachet était brodé, un peu de Marya à emporter partout avec lui. Une longue étreinte les noua, le meilleur présent était de l'avoir à ses côtés.

— Voilà pour toi, milaya.

Les doigts de l'invocatrice se refermèrent autour d'une forme arrondie. L'étoffe sombre révéla une superbe matriochka. Son bois était lisse et ses couleurs étincelantes, ses joues roses et vives. Elle était noire avec des motifs dorés de soleil et de lune. Fascinée, elle l'ouvrit et découvrit les petites répliques nichées à l'intérieur de la grande, toutes aussi adorables les unes que les autres. Enfin, la minuscule dernière fut blottie dans le creux de sa main. Alignées côte à côte, les poupées offraient un charmant tableau.

Toutes les douleurs avaient disparu. Chaque année offrait de beaux souvenirs. Ses yeux s'éclairèrent et l'émotion lui coupa le souffle.

— Je n'ai jamais eu un aussi beau cadeau de toute ma vie, balbutia-t-elle. Merci mille fois, Aleksander.

Elle se jeta dans ses bras et ne le lâcha pas. Leurs joues étaient posées l'une contre l'autre. Sa barbe la chatouillait, une plaisante sensation qu'elle associait étroitement à lui. Il avait longtemps hésité, les idées s'étaient bousculées dans sa tête, mais un passage à l'atelier des Fabrikators l'avait décidé. Au moins avait-il des idées pour les années suivantes.

Quelles pensées réconfortantes ! Le Palais lui avait permis de s'entourer de gens de confiance, bien qu'en les sachant voués à disparaître. Bien des hivers avaient été cependant marqués par un givre impitoyable et un horizon froid et bas. Ces souvenirs étaient cousus dans son épiderme. Dans ces moments, un cortège de fantômes venait taper à sa porte et lui passer l'envie de se réjouir. Tous les goûts cédaient la place au sel et à la cendre. La joie avait été absente de son exil à se remettre des conséquences du merzost et de la mort de Luda.

— C'est toi, ou du moins elle me rappelle notre rencontre. Tu m'as impressionnée dès que je t'ai vue, mais en te côtoyant, j'ai découvert d'autres facettes de toi toutes aussi appréciables les unes que les autres. Exactement comme en révélant chacune de ses poupées, expliqua-t-il, convaincu par son idée.

Les matriochkas avaient toutes le même visage et sourire mais un détail les différenciait à chaque fois. Cela avait dû représenter un travail remarquable. C'était bien résumé, le Palais lui avait permis de s'accomplir et de déployer ses ailes.

— Et qui sait, nous aurons encore bien des choses à découvrir ensemble, promit-elle rêveusement.

Il lui fit signe de s'installer près du feu et revint avec son violon. Sa musique ravissait Marya et elle savourait chaque moment où il jouait pour elle. La quiétude l'enveloppa d'une douce chaleur et son corps se détendit, le cœur débordant de reconnaissance.

Aleksander cala l'instrument et l'archet glissa sur les cordes. C'était une douce chanson qui figurait souvent dans les répertoires festifs. Les notes de musique s'enroulaient autour d'eux en longues volutes. Paupières mi-closes, une sérénité sans commune mesure l'envahit tandis qu'elle se laissait aller contre son épaule.

Les sons de la fête leur parvenaient parfois, murmures étouffés, mais ils n'étaient pas pressés de revenir. Une nouvelle année était passée dans un doux au revoir, sans grande pompe, ni cris, ni douleurs.

Et le Petit Palais étincelait tel un soleil dans l'écrin de la nuit. 

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J'espère que ce chapitre vous a plu ! N'hésitez pas à me le faire savoir si c'est le cas.

Je souhaite de très bonnes fêtes de fin d'années à ceux qui les célèbrent. Que cette période vous apporte lumière et bonheur. J'envoie également toutes mes pensées et mon soutien à ceux pour qui c'est un moment difficile ou douloureux.


Je tenais également à vous remercier pour votre présence et de votre fidélité. Je ne m'attendais pas du tout à ce que cette histoire plaise autant. Sachez que tous vos commentaires et votes me vont droit au cœur. 


De mon côté, je vous retrouve en janvier pour la suite :)

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