(Partie 3)
Le reste du voyage se déroula dans une ambiance morose, Isaac et Phil gardant le silence la plupart du temps, Frank les imitant afin de ne pas les froisser. Le vaisseau soviétique se rapprochait doucement, tout comme Mars. Lorsqu'enfin ils atteignirent l'orbite de la planète, les deux vaisseaux pouvaient se contempler mutuellement à travers leurs hublots.
Le site optimal d'atterrissage avait été déterminé des années en avance, bien avant le départ des astronautes de la Terre. Mais l'atteindre impliquait de rester sur orbite un certain temps avant d'entamer la descente. Un temps qu'il était devenu impensable de prendre maintenant.
Fort heureusement, plusieurs alternatives avaient été étudiées dans l'éven- tualité où le site optimal ne serait pas accessible pour une raison ou une autre.
— Là, ça me semble la meilleure option, dit Phil, qu'est-ce que tu en penses Isaac ?
— *Caprica Planum*... Ça m'air l'air d'être un plateau assez large. Je pense que ça conviendra. On devrait pouvoir entamer la descente d'ici quelques minutes.
— Et les Russes nous suivront ?
— Il y a fort à parier que oui, dit Isaac. Ils auront en toute logique choisi le même site. Et même dans l'hypothèse inverse, ils ne nous laisseraient jamais filer vers la surface sans réagir.
Frank avait déjà mis son scaphandre et se sangla à un fauteuil à l'arrière du vaisseau. Isaac et Phil s'attachèrent solidement également, côte à côte derrière la console de pilotage.
— Frank, prêt ?
— Ça oui, Isaac. Prêt à botter le cul des ruskovs, vous pouvez compter sur moi !
Phil n'ajouta aucune plaisanterie à cette réflexion. Sa colère était retombée mais la pilule était encore loin d'être passée, même s'il comprenait très bien pourquoi Frank devait sortir le premier.
— Très bien, dit Isaac avant de prendre une longue inspiration. On entame la descente.
Il poussa un levier sur le tableau de bord et les réacteurs vrombirent. Les trois astronautes furent plaqués contre leurs sièges sous l'effet de la poussée. Non loin de là, le vaisseau russe se mettait également en branle. Deux objets à la fois gigantesques et ridicules face à la planète rouge, fonçant vers son sol. Une folie humaine importée aux confins de l'espace.
— 190 kilomètres d'altitude, annonça Phil. On entre dans l'atmosphère martienne !
Le vaisseau gagnait rapidement de la vitesse. Isaac et Phil gardaient les yeux rivés sur leurs écrans de contrôles, tentant de rester indifférents à la terrifiante masse rocheuse qui rougeoyait à travers le cockpit.
— 145 kilomètres ! continua Phil. On plonge à 7,4 kilomètres par seconde !
— Pas assez vite, s'écria Isaac. On peut faire mieux que ça !
Impossible dans ces conditions de savoir où en étaient les Russes. Le vaisseau avait disparu de leur champ de vision. Isaac savait qu'ils devaient eux aussi pousser leur vaisseau dans ses retranchements.
— 110 kilomètres ! On passe les 9 kilomètres par seconde !
Isaac serrait les dents. La carlingue du vaisseau tremblait, ce qui, ajouté au bruit des réacteurs, provoquait un vacarme de tous les diables. Les trois hommes ne pouvaient arriver à s'entendre que par les émetteurs fichés dans leurs casques.
Le vaisseau fendait l'air comme un météore. Des flammes dansaient devant le cockpit et faisaient encore flamboyer davantage la surface aride de Mars.
— 105 kilomètres d'altitude ! On entre dans la mésosphère, accrochez-vous, ça va secouer !
Le vaisseau était ballotté par des vents violents. Isaac espérait silencieusement que les Russes avaient choisi une trajectoire suffisamment éloignée de la leur pour ne pas risquer de les percuter. À cette vitesse, les deux vaisseaux seraient réduits en poussière en un clin d'œil.
— 75 kilomètres, continuait d'égrener Phil. Vitesse toujours constante !
La gravité tirait le vaisseau vers le bas tandis que les réacteurs continuaient de fonctionner pour garder le cap vers le point d'atterrissage voulu. La carlingue tremblait de plus en plus à mesure que l'air chargé de poussière orange se densifiait tout autour.
— 40 kilomètres, on arrive dans la troposphère ! Il va falloir commencer à ralentir !
— Pas encore, répondit Isaac, nous n'avons pas le temps d'être prudents !
Les deux pilotes transpiraient à grosses gouttes. La traversée des derniers kilomètres allait être décisive et pourrait leur assurer la victoire... ou peut-être la mort.
Le sol se rapprochait toujours lentement sous leurs yeux. L'impression de lenteur était d'ailleurs étonnante alors qu'ils filaient à plusieurs kilomètres par seconde.
— 30 kilomètres ! Isaac, on va s'écraser, il faut freiner.
— On allume les rétrofusées ! cria Isaac en poussant le levier correspondant.
Les trois hommes se sentirent brusquement écrasés sur leurs sièges. Le brasier infernal craché par les rétrofusées opposait une force redoutable au vaisseau. La décélération était à la limite du supportable pour les astronautes qui, sans l'entraînement de choc qu'ils avaient reçu sur Terre, auraient sans aucun doute défailli.
— 15 kilomètres d'altitude, parvint à articuler Phil sans cesser de serrer les dents. 3 kilomètres par seconde !
Les secondes semblaient durer une éternité et alors que la vitesse diminuait, le sol semblait se précipiter vers eux de plus en plus vite.
— 5 kilomètres ! On est à 500 mètres par seconde !
La décélération s'adoucissait et les passagers du vaisseau retrouvaient peu à peu le plein usage de leurs corps mis à rude épreuve par la descente. Le paysage défilait maintenant clairement sous leurs yeux. Isaac aurait presque pu croire être un pilote de ligne atterrissant au beau milieu d'un désert particulièrement atypique.
— On y est, s'écria Phil. Contact avec le sol martien dans sept, six, cinq, quatre, trois...
Le tourbillon de poussière qui enveloppait leur vaisseau devint presque opaque alors que le vaisseau se posa dans un grand fracas sur la roche fragmentée qui constituait le sol à cet endroit. Après quelques secondes, tous les réacteurs s'éteignirent et le vacarme cessa. Isaac et Phil restèrent un instant sans respirer à mesure qu'ils reprenaient leurs esprits.
Le vaisseau était immobile, en un seul morceau. Sur une planète inexplorée. Pour la première fois de l'Histoire, des êtres humains avaient atterri sur Mars.
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