44 - Newt - Moustique
Un moustique voletait entre le lit et le mur.
Autrefois, j'aurais trouvé le bourdonnement agaçant... À présent je le trouvais presque beau. C'était comme une mélodie, parfois forte puis soudain faible, qui se taisait de temps en temps pour reprendre de plus belle.
Et l'insecte en lui-même... Je n'avais plus pris le temps d'observer un moustique depuis bien longtemps. Ses longues pattes élancées, ses ailes diaphane qui bougeaient si vite qu'on les voyait à peine, sa trompe que je ne pouvais apercevoir que lorsque la bête se posait juste devant moi, sur mon oreiller.
Quand j'étais petit, tout m'émerveillait. Avant l'arrestation de ma mère et l'apparition de cette stupide Marque dans mon dos, j'étais curieux de tout... Ma survie avait ensuite dû prendre le pas sur le reste. C'était sans doute comme ça que j'avais arrêté de rêver.
Depuis combien de temps regardais-je ce moustique ? Sans doute une éternité...
Je me sentais vide, creux. Inutile. Raté.
Je n'avais pas été capable de la sauver... Elle était tout pour moi, j'aurais donné ma vie pour elle. Mais elle avait choisi. Elle l'avait choisi, lui, ce sociopathe, cet assassin. Elle l'avait préféré à moi.
Et qui étais-je pour lui en vouloir ? Je n'étais qu'un bon à rien...
Mon nouvel ami s'envola, reprenant sa mélodie. Quelques secondes plus tard, je sentis une piqûre sur mon bras, mais je n'eus pas même le courage de relever la tête ou de chasser ce compagnon un peu trop entreprenant. Qu'il se nourrisse. Au moins, je servirais à quelque chose.
- Newt ?
Tiens, je ne l'avais pas entendu entrer... Je ne bougeai pas d'un millimètre, les yeux fixés sur le mur qui me faisait face. Peut-être qu'elle me croirait endormi et qu'elle partirait, avec un peu de chance...
Malheureusement, cette dernière semblait m'avoir laissé tomber depuis longtemps.
- Newt, il est vingt heures, le dîner est fini... Oh, un moustique !
Au moment où elle allait l'écraser, je me redressai sur mon séant. J'attrapai mon ami en sécurité entre mes mains en interrompant son repas, m'aidant un peu de télékinésie. Oui, j'avais conservé le pouvoir de Blake, sans doute dans un accès de masochisme.
Liana me fixait d'un air éberlué devant mon brusque sursaut d'énergie. L'ignorant, je me levai et avançai jusqu'à la fenêtre ouverte, et relâchai l'insecte dans la fraîcheur du soir.
Vole, mon ami. Profite de ta liberté.
Puis je tâtonnai dans la pénombre jusqu'à mon lit et m'effondrai dessus, reprenant la position que j'avais quittée quelques secondes auparavant.
Le soleil se couchait de plus en plus tôt, et les nuages noirs qui nous avaient survolés toute la journée empêchaient ses rayons de m'atteindre. À croire que même lui n'avait pas envie de me voir.
- Newt, tu es sûr que ça va ?
Je ne pris pas la peine de répondre. J'avais juste envie d'être seul. De ressasser encore un peu dans mon coin.
- Pardon, ma question était stupide, soupira Liana. J'ai apporté une pomme et une barre de chocolat, si tu veux. Tu n'as rien mangé de la journée.
Ma gorge était tellement nouée que j'aurais été bien incapable d'avaler quoi que ce soit.
Pendant un moment la jeune fille ne dit mot, et j'en vins presque à oublier sa présence, trop pris par mon éternelle contemplation du mur et de mon inutilité.
- Tu veux parler ? finit-elle cependant par demander.
Non, laisse-moi seul, eus-je envie de dire. Mais mes lèvres restèrent hermétiquement closes.
Je finis par la sentir s'asseoir à côté de moi.
- Tu veux qu'on parle d'autre chose ? Ça ne me dérange pas. Si tu veux, pose-moi tes questions et j'y répondrai.
Sa voix était si douce que j'avais envie de m'y réfugier comme dans un cocon. Elle était si gentille...
- Es-tu déjà tombée amoureuse ?
Je ne sus pas d'où venait cette interrogation. Je ne me rendis compte qu'au moment où elle franchissait la barrière de mes lèvres que j'avais vraiment envie de savoir.
Liana parut un instant surprise, mais elle se reprit rapidement. Elle soupira.
- Oui, ça m'est arrivé. Une fois.
- Est-ce que c'est si bien que les gens le disent ?
- Je ne sais pas trop... Ce n'était pas réciproque, tu vois. Et ça ne s'est pas trop bien fini. Je ne suis pas la meilleure personne pour parler de ça.
Je basculai sur le dos, mon regard à présent fixé sur l'ampoule éteinte qui pendait tristement au plafond.
- J'aimerais bien tomber amoureux, lâchai-je. Juste pour voir.
- D'après mon expérience personnelle, je ne te le souhaite pas trop... Moi ça m'a fait beaucoup souffrir.
- Ça ce n'est pas grave... Je le mérite.
Liana soupira, puis se pencha au-dessus de moi jusqu'à ce que son visage apparaisse dans mon champ de vision.
- Arrête d'être si pessimiste, Newt. Ça ne te ressemble pas. Parlons d'autre chose.
- D'accord, soufflai-je. Parle-moi d'Ella.
- D'Ella ? Pour quoi faire ?
Je sentis à sa voix qu'elle s'était crispée.
- Je sais pas trop... Ça fait deux jours qu'elle est partie. Et puis tu la déteste, ça m'occupera l'esprit.
J'entendis Liana pouffer de rire, faisant trembler légèrement le lit à côté de mon bras.
- Très bien. Qu'est-ce que tu veux que je te raconte ?
- Comment était-ce quand vous étiez petites ? Elle était gentille ?
- Pas trop au début... On se chamaillait beaucoup. Après on est devenues meilleures amies, et c'était une période très heureuse. J'avais enfin quelqu'un à qui me confier, qui me comprenait. Enfin c'est ce que je pensais à l'époque.
- Je m'en doutais.
- De quoi ? s'étonna la jeune fille.
- Que vous aviez été amies à une époque. Le ton de ta voix, quand tu avais parlé de la façon dont elle avait changé, ça reflétait plus que quelques méchancetés. Plutôt une trahison.
Liana se tut pendant un long moment, digérant peut-être mes paroles.
- Oui, tu as raison, finit-elle par répondre. Je ne lui ai jamais pardonné.
- Pardonné quoi ?
- C'est compliqué, soupira-t-elle. Disons que depuis son retour l'année dernière elle s'applique à faire tout son possible pour que je perde ce à quoi je tiens.
- Vraiment ? lâchai-je, sourcils froncés. Pourquoi ferait-elle ça ?
S'il me semblait avoir appris quelque chose d'Ella depuis que je la connaissais, c'était qu'elle ne paraissait jamais faire quelque chose sans idée derrière la tête.
- Va savoir... Elle a tellement changé. Qu'on me dise que ce n'est pas elle mais sa jumelle diabolique qui est revenue, que je ne serais pas surprise.
Un silence tomba. Après un moment, je finis par décider de me redresser et me plaçai à côté d'elle, assise en tailleur au bord du matelas. Elle me lança un regard triste. Elle n'aimait pas parler d'Ella, et je l'y avais forcée. Quel piètre ami je faisais... Enfin, je le savais déjà.
Pendant un long moment, nous nous regardâmes sans un mot.
Liana était incommensurablement plus belle que mon compagnon le moustique. Ses longs cheveux resplendissants, sa bouche tordue en une moue triste, ses yeux d'ambre sombre. Je me souvins de ma réaction quand je l'avais vue pour la première fois... J'avais cru me trouver face à un ange. Cette impression était plus nette encore à présent, maintenant que j'avais conscience de sa gentillesse.
Elle était la seule personne encore là pour moi... La seule qui s'inquiétait pour moi, désirait ma compagnie.
Elle semblait... lumineuse. Peut-être était-ce à cause de son Habilité mais dans la pénombre, elle paraissait entourée d'un halo blanc.
Et je ne sus pas trop pourquoi, soudain, j'eus envie de faire quelque chose de particulièrement stupide. Accusez la fatigue due à ma nuit blanche, le manque de nourriture, ce que vous voulez.
Je me penchai vers elle, et déposai mes lèvres sur les siennes.
Liana eut d'abord un mouvement de recul, que je ne pouvais lui reprocher. Puis elle se détendit, et me rendit le baiser. Avec une douceur incomparable, comme tout ce qu'elle faisait. Une tendresse qui acheva de me faire perdre pied.
Je glissai mes mains à sa taille tandis qu'elle démêlait ses jambes pour se hisser sur mes genoux. Je la serrai contre moi. Nos lèvres se mouvant en cœur, nos cœurs battant à l'unisson. Elle glissa une de ses mains si douces dans mes cheveux.
Comme tous ces Immaculés que je voyais autrefois faire à l'Académie, sans comprendre la raison de ce geste. Eux n'avaient presque aucune émotion... Ressentaient-ils seulement un centième de ce que ça me faisait ? Cet engourdissement bienheureux...
C'était agréable. C'était même mille fois mieux que ça. Mais Liana finit par s'écarter.
Et soudain nous semblâmes simultanément nous rendre compte de ce que nous venions de faire. Je sentis mes joues s'échauffer, en même temps que les siennes prenaient une jolie teinte rosée.
- Je... bégayai-je. Je suis désolé, je ne sais pas...
- T'inquiète, me coupa la jeune fille en passant une main dans ses cheveux décoiffés... à cause de moi.
Je me sentis rougir de plus belle.
J'avais vraiment fait ça ? Moi ?
- Tu es triste et fatigué, poursuivit Liana, et je le suis aussi. C'est tout.
Je hochai la tête, acceptant de bon cœur son explication tandis qu'elle continuait.
- Rachel... Elle t'aime, Newt.
Je me figeai, les évènements de la veille ressurgissant avec force dans mon crâne.
- Je ne peux pas dire de quelle façon mais elle t'aime, sois-en certain.
- Elle préfère quand même son meurtrier, grommelai-je avec un petit rire nerveux.
- Elle a fait ça pour le sauver, c'est tout, insista Liana en prenant ma main entre les siennes. Elle aurait agi de même pour toi si ta vie était en danger.
- Elle a même laissé tomber sa sœur... soufflai-je.
Octavia se trouvait encore à l'hôpital, pour ce que j'en savais. Alex devait sans doute aller la voir de temps en temps.
- Elle n'a pas choisi Blake au-dessus de toi ou d'elle, Newt, crois-moi. Elle a juste agi de la seule manière possible pour éviter qu'il y ait des morts. Et c'était très courageux.
Je soupirai. Elle devait avoir raison... Mais ça ne m'apaisa pas vraiment.
Je détournai les yeux, qui s'arrêtèrent sur le sol où étaient tombées les provisions de la jeune fille pendant que nous nous embrassions. Je me sentis gêné de plus belle mais décidai de prendre sur moi pour passer outre.
Je me penchai et ramassai la pomme et la barre de chocolat, croquant à pleines dents dans la première. Liana sourit.
Elle ne dit plus rien le temps que je finisse de manger, m'observant avec la douceur d'une mère surveillant l'alimentation de son fils malade.
- Je suis fatigué, je pense que je vais essayer de dormir un peu, finis-je par lui annoncer.
Elle hocha la tête et se leva. Elle attendit que je me sois glissé sous la couette pour m'embrasser sur le front, me faisant rougir une nouvelle fois. Puis elle s'éloigna en direction de la porte.
- Newt, il y a quelque chose que tu aimerais peut-être savoir à propos d'Ella. Je sais pourquoi elle s'est enfuie à treize ans.
Je me redressai, ma curiosité piquée à vif.
- Je t'écoute.
Elle soupira, les yeux tournés vers le mur, puis au bout d'un moment les posa sur moi. Sans doute à cause de son pouvoir, ses iris dorés semblaient lumineux, à la limite de l'incandescence.
- C'est à cause de son frère. Ella a un petit frère.
Le temps que je commence à digérer l'information, la jeune fille avait déjà refermé la porte de ma chambre derrière elle.
Ella avait... un frère ?
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Des avis ?
Des fautes ?
Des incohérences ?
Votre avis sur Liana ?
Pour ceux qui voudraient me frapper pour le baiser, je vous prierais de bien vouloir inscrire votre nom dans la liste d'attente huhu.
J'espère que ce chapitre vous a plu, je me suis bien amusée à l'écrire en imaginant la réaction de certains...
Merci à ceux qui votent et commentent...
Mais surtout merci de lire !
Angèle qui vous adore
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