36 - Newt - La dispute
Je fermai l'ordinateur portable tactile prêté par Ella en repliant l'écran, puis croisai mes bras dessus et y enfouis mon visage.
Trois heures que je travaillais sur ce fichu code, et j'avais l'impression de n'être pas plus avancé qu'au départ. J'avais essayé tout ce que je pouvais... De rapprocher un chiffre à une lettre de dizaines de manières différentes... De chercher les rapports entre les chiffres de chaque nombre, ou alors entre ceux des centaines de chacun... Mais rien à faire. Aucune de mes idées n'avait abouti à quelque chose de clair.
Le pire était que j'avais l'impression que le message derrière le code était très important. Et le fait de ne pas le comprendre me mettait sur les nerfs.
En général j'adorais les chiffres. Je les voyais comme quelque chose de magique, un outil merveilleux qui permettait de résoudre tous les problèmes. Mais cette fois je ne parvenais pas à les comprendre. Ils s'emmêlaient dans ma tête, dansaient autour de moi sans la moindre logique, le moindre sens.
Me sentant plonger inéluctablement vers le sommeil, et puisque je souhaitais moins que tout au monde m'endormir dans un lieu pareil, je finis par me lever.
La pièce n'était pas vraiment vaste, et les énormes armoires qui l'a ceinturaient ajoutaient encore au sentiment d'oppression. Au centre trônait une lourde table abimée qui me faisait penser à un établi.
Je ne savais pas trop à quoi cette salle servait en général, mais certainement pas à faire du café. Rien que le fait qu'elle se trouvait là, au bout du sous-sol, semblait vouloir me faire comprendre qu'elle n'était pas censée exister.
Comme toujours, sitôt que j'avais l'impression de découvrir quelque chose chez Ella, les questions fleurissaient encore plus abondantes.
Tout avait été nettoyé méticuleusement, et pourtant je sentais bien que quelque chose ne tournait pas rond ici. Sans parler du fait que le seul ordinateur autre que celui de la dirigeante se trouvait là, accompagné d'un générateur d'électricité alors que celle-ci était le moins possible utilisée dans la Société.
J'aurais tellement aimé pouvoir poser des questions à Ella en sachant qu'elle me répondrait la vérité.
J'éteignis tout le matériel, passait ma veste sur mes épaules et sortis en appuyant sur l'interrupteur, puis tournai la clé dans la serrure.
Mais quand, après avoir traversé le long couloir, je voulus emprunter les escaliers qui me mèneraient à la surface, je tombai sur une figure humaine qui montait des étages inférieurs.
- Ella ? chuchotai-je.
La jeune fille sursauta puis se figea, comme prise sur le fait. Pourtant elle avait le droit d'être ici... contrairement à moi.
Il ne lui fallut toutefois qu'une seconde pour reprendre contenance.
- Tu as bien fermé la porte ?
- Oui. Qu'est-ce que tu faisais là-dessous ?
- Rien qui te concerne, Newtie. Tu as avancé sur le code ?
- Pas vraiment, soupirai-je.
- Dis-le moi si tu as du nouveau. Garde les clés mais fais attention à ce que personne ne les trouve. Et sois discret en sortant, tu n'es pas censé être ici.
Je hochai la tête en la regardant passer en coup de vent devant moi. Elle avait l'air pressé...
Puisque je ne l'étais pas moi-même, je pris mon temps pour remonter au rez-de-chaussée, vérifiant que la voie était libre avant de m'engager. Je n'avais ni la force ni l'humeur de devoir expliquer ce que je faisais là.
Bientôt je fus dehors au milieu des arbres, dans ce décor si différent de la Cité mais que je commençais à réellement apprécier. Le soleil s'était déjà couché depuis un petit moment, et les troncs étiraient de longues ombres sur le sol plus ou moins régulier.
Je me dirigeai vers le bâtiment où se trouvait ma chambre, et fus surpris en voyant une personne assise sur les marches de celui-ci, à moitié cachée dans l'ombre.
Rachel se leva à mon approche.
- Qu'est-ce que tu fais là ? lui demandai-je, un peu inquiet. Il y a un problème ?
- Peut-être. Pas vraiment, je ne sais pas, mais il faut que je te parle.
Peu rassuré, je lui fis signe de me suivre et pénétrai dans le bâtiment. Après l'avoir traversé, j'ouvris la porte de ma chambre pour la laisser entrer puis fermai derrière nous.
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
Rachel s'assit sur mon lit et releva les yeux vers moi avant de répondre.
- Tu es la seule personne ici à qui je fasse confiance, alors il faut que tu m'écoutes.
Je hochai la tête en m'installant à côté d'elle. Encore une fois, je pus remarquer à quel point elle avait l'air fatigué. Ça avait été le cas ces deux derniers jours, et celui-ci ne faisait pas exception.
Rachel prit une grande inspiration avant de se tourner vers moi.
- Il faut que je libère Dany.
Je sentis la peur s'écouler dans mes veines.
J'avais tellement craint devoir arriver à cette discussion. Je me doutais que le brun aurait essayé de la perturber suffisamment pour qu'elle croie qu'il était quelqu'un de bien. Je ne voulais pas me disputer avec elle... mais il fallait que je lui fasse comprendre la vérité.
- Rachel, murmurai-je en la regardant dans les yeux, c'est un criminel... Il a tué des tas de gens.
- Ne crois pas que je ne sois pas au courant, répondit-elle avec un petit rire nerveux. Mais il ne mérite pas ce qui lui arrive.
- S'il est innocent, il ne lui arrivera rien au procès...
- Mais il ne l'est pas ! Il a effectivement fait des choses horribles. Mais il était en train de changer, je le sais, et le mettre face avec son jugement va le faire se braquer et s'enfoncer. Je ne crois pas que tu comprennes ce dont il est capable s'il pense qu'il n'a plus rien à perdre.
Je soupirai, incapable de savoir réellement ce que je devais dire pour la calmer.
- S'il s'énerve au procès c'est son problème Rachel, ni le tien ni le mien.
- Mais Newt... Il est mourant.
- J'avais cru le comprendre.
- Peu importe ce qui va se produire là-bas, ses jours sont plus que comptés. Pourquoi ne pas le laisser mourir seul dans la maison de ses parents comme il le souhaitait ? Pourquoi faut-il que la foule soit là pour le huer et lui faire perdre tout ce qui lui reste de dignité ? Le résultat sera le même...
- Je... Je suppose que les gens vont vouloir vengeance pour ce qu'il a fait à leurs familles.
- Mais à nous il n'a rien fait, n'est-ce pas ? Personne ne saura jamais que tu m'as aidé, je prendrai toute la responsabilité qu'il faut, promis...
- Rachel... soufflai-je. Je pense qu'il a tué une de mes amies. Son nom était Alice, et juste avant qu'elle fasse exploser l'Infirmerie pour nous sauver il y avait cette... électricité dans l'air. Tu sais, celle quand Blake utilise son pouvoir.
- Je n'ai jamais senti un truc pareil. Et tu te bases uniquement sur ça, sérieusement ?
Je pouvais lire dans ses yeux qu'elle était plus que déçue. Elle pensait sans doute que je serais toujours là pour l'aider. Mais même si je voulais que ce soit le cas, ce qu'elle me demandait était impossible. Je ne pouvais pas relâcher un meurtrier dans la nature, si agonisant soit-il, juste pour lui faire plaisir.
- Mon instinct. Je sais qu'il a quelque chose à voir avec la mort d'Alice, j'en suis persuadé.
- C'est facile d'accuser quelqu'un sans preuve. En plus, je suppose que l'Infirmerie a explosé après mon départ ou je l'aurais senti, et de ce moment jusqu'à il y a trois jours il ne m'a pas lâché d'une semelle. Je l'aurais su s'il avait fait un écart pour la tuer. Et je ne vois pas pourquoi il aurait fait ça, déjà. Il n'a jamais tué sans raison.
- Ses raisons étaient qu'il n'aimait pas ses victimes, je ne crois pas que ce soit suffisant. Alice était la sœur d'Ella, et il la hait, à ce que j'ai compris. C'est sans doute assez pour lui, il voulait peut-être simplement lui faire du mal alors qu'elle ne lui a rien fait.
- Je rêve ! s'époumona Rachel en se levant d'un bond. Tu la défends ?
- Non, je ne dis pas qu'elle est innocente ou digne de confiance, mais au moins elle ne s'amuse pas à tuer des gens avant le petit déjeuner.
- C'est ce qu'elle te dit, cracha la jeune fille. À mon avis, elle est bien pire que Dany. Au moins lui a un coeur.
Je me tus, ne sachant plus trop quoi répondre.
- Je pensais que je pouvais compter sur toi, lâcha finalement la jeune fille en plongeant ses yeux bleu-gris dans les miens.
- Tu le peux. Mais je ne peux pas t'aider à faire ça. C'est un criminel, il ne t'apportera jamais rien de bon.
- J'irai demander à Liana, alors. Elle au moins, elle est gentille et compréhensive.
- Je doute qu'elle soit plus ouverte... Rachel, tout le monde déteste Blake ici.
- Moi aussi je les déteste. Et pourtant je ne vais pas leur faire un procès et les exécuter !
Je gardai le silence. Rachel était en train de monter sur ses grands chevaux et je ne voyais absolument pas comment la calmer.
Mais la porte s'ouvrit brusquement, laissant apparaître une Ella essoufflée.
- Newtie j'ai été parler à Lumina et...
La brune se figea en apercevant Rachel, puis un sourire malicieux lui monta aux lèvres alors qu'elle refermait le battant de bois derrière elle.
- Mais je vois que tu as déjà de la compagnie...
- Qu'est-ce que tu veux ? soupirai-je.
J'étais complètement exténué par mon travail sur le code, et entre les deux adolescentes, je n'étais pas prêt à pouvoir me coucher.
- Je voulais juste te parler d'un truc, annonça Ella, rictus aux lèvres et son regard passant sans cesse de moi à Rachel comme si elle était en train de s'imaginer des choses. Mais si tu es occupé...
- Il ne l'est pas, intervint la blonde avant que je puisse répondre. J'allais partir.
- Non non pas besoin, ne vous interrompez pas pour moi ! ricana la belle brune. Newtie, si ça te dit, rejoins-moi à l'Hotel de Ville à neuf heures demain matin.
- Pour quoi faire ?
- J'ai proposé à la vieille de te faire devenir Poursuiveur, lâcha Ella en fouillant mes yeux des siens, en quête de ma réaction qui ne se fit pas attendre.
La surprise me fit ouvrir la bouche.
Je ne comprenais pas pourquoi Ella aurait fait une chose pareille, elle qui passait tout le temps imparti au travail sur mon Habilité à me répéter à quel point j'étais un incapable. Et à vrai dire... Je me considérais moi-même comme tel.
Devenir Poursuiveuse en étant mineure avait dû être compliqué pour elle qui avait la confiance absolue de la Société à quelques exceptions près. Alors moi, qui n'avait vécu là que deux semaines...
- A moins que tu n'en n'aies pas envie... susurra la jeune fille avec un sourire, m'ayant sans doute déjà bien cerné.
- Si... Si si, j'en ai envie. C'est juste... Que je ne vois pas pourquoi moi...
- Demain, me coupa la brune, avant d'ouvrir à nouveau la porte et de se faufiler dehors. Je vous laisse à vos occupations... Ne faites pas trop de cochonneries, il y a des gosses dans le bâtiment, ajouta-t-elle avec un clin d'œil avant de s'éloigner.
Quand je me retournai vers Rachel, celle-ci avait les yeux écarquillés et son visage avait pris une teinte écarlate.
- N'écoute pas ce qu'elle raconte, lui dis-je même si je ne devais pas être dans un meilleur état.
- Je... Bonne nuit, lâcha la petite blonde avant de s'enfuir presque de ma chambre.
Avec un sourire, je refermai la porte derrière elle.
Même si la situation avec elle était compliquée, j'étais tellement heureux qu'elle soit là.
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AFleurDeMot
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