15 - Rachel - Le garçon aux yeux verts
Trouver le bureau principal de l'étage ne fut pas aussi difficile que je l'avais pensé. En fait, il avait suffi de trouver le couloir le plus large, puis son milieu. Le garçon poussa la grande porte opaque qui trônait juste devant nous. Il l'avait sans doute déverrouillée par l'esprit.
- Et maintenant, grogna-t-il, comment comptes-tu faire ?
L'endroit était gigantesque, tout en blanc et bois. Un colossal bureau en ébène trônait au centre. Au fond, il y avait deux fenêtres. Après quelques secondes d'étonnement puis de réflexion, je compris qu'elles étaient fausses et que l'image pluvieuse qu'on y voyait devait sans doute être d'origine technologique ou magique, puisque nous nous trouvions apparemment au sous-sol.
- Je suppose que ce serait plus simple si tu me disais précisément ce que tu cherches... soupirai-je tout en m'asseyant sur la chaise à roulettes.
C'était tellement confortable après le jour et la nuit que je venais de vivre qu'en d'autres circonstances qui n'admettaient pas le télékinésiste, j'aurais pu en avoir les larmes aux yeux.
Le-dit garçon me fixait, comme s'il s'attendait à ce que je me retourne contre lui à tout moment. Mais ce n'était pas dans mes objectifs immédiats : d'abord je sortirais d'ici, ensuite je m'arrangerais pour lui fausser compagnie. De toute façon une attaque frontale aurait été suicidaire, puisque je n'avais pour Habilité que l'écriture, autant que celle-ci puisse être un don. Lui savait arracher les portes et faire exploser les néons.
- C'est une personne.
- Alors ça devrait aller, m'exclamai-je en déverrouillant l'ordinateur.
Heureusement qu'avant de prendre ses cachets Octavia avait eu le temps de m'apprendre à m'en sortir en informatique, ce qui ne semblait pas être le cas de mon cher camarade. J'avais un peu de mal à l'imaginer tuer des gens, avec la bouille d'ange qu'il avait, mais j'étais bien contente de savoir que dans l'immédiat il avait autant besoin de moi que moi de lui.
J'eus un peu de difficulté à passer les différents blocages qui m'attendaient, mais en fin de compte moins que j'aurais cru. En me démenant un peu, je finis par tomber sur la listes des Marqués captifs.
- C'est quoi, son nom ? demandai-je sans même lever les yeux sur le garçon qui, je le savais, s'impatientait malgré mes efforts pour faire au plus vite.
- Peu importe, je prends le relais, dit-il en m'écartant sans ménagement de l'ordinateur en faisant rouler mon fauteuil plus loin.
- Dans ce cas j'ai rempli ma part du marché, à toi de m'aider à partir.
- Bien sûr. Je n'ai juste pas précisé quand. Maintenant, explique-moi comment fonctionne cette chose.
- Pourquoi ne sais-tu pas utiliser un ordinateur ? Tu n'allais pas à l'Académie, avant ?
Il me jeta un regard noir et je me tassai sur ma chaise moelleuse.
- Mon passé n'a aucune importance, je veux juste récupérer ce qui m'appartient.
- Dans ce cas je te conseille de me laisser chercher, répliquai-je en cachant ma peur du mieux que je pouvais.
Ce type était un fou furieux. Serait-il réellement capable de me tuer de sang-froid ? Malheureusement, je commençais à le croire.
- Très bien, souffla-t-il après un long silence avant de me laisser le passage jusqu'au clavier.
- Donc, c'est quoi le nom de cette personne ?
- Noémie.
Le temps se figea. Je restai les yeux bloqués sur l'écran lumineux. Mon cœur et ma respiration s'étaient bloqués, et je dus me remémorer la manière dont on reprenait son souffle.
- Tu... commençai-je, pourtant incapable de finir.
- Quoi ?
- Tu es...
- Bon, accouche, c'est quoi ton problème ? Tu es vraiment trop bizarre, comme fille !
J'aurais pu répliquer qu'il avait vraiment de quoi parler niveau étrangeté, mais j'étais trop sous le choc. Je le dévisageai, cherchant les ressemblances dans ses traits. Ses yeux verts forêt. Je me demandais comment j'avais pu ne pas comprendre. C'était lui, le garçon de mon rêve. C'était lui...
- Dany... ? murmurai-je dans un souffle.
- Qu'est-ce que tu as dit ? chuchota-il en fronçant les sourcils.
- Dany, tu es Dany, répétai-je un peu plus fort en rivant mon regard au sien, d'un vert si incroyable.
Comment avais-je pu ne pas comprendre ?
Mais il garda son air sceptique.
- Je ne m'appelle pas Dany. Je suis Blake, le Marqué le plus recherché de la Cité. J'ai tué des tas de gens, et je ne le regrette pas.
- Non, tu es Dany. Daniel. Ta Marque...
Je tirai sur sa manche, malgré son mouvement de recul. Un corbeau noir, enroulé sur son poignet, étalé sur sa paume, éparpillant ses plumes le long de ses doigts.
- Tu as le pouvoir de télékinésie... J'aurais dû comprendre...
- Ce que tu dis n'as aucun sens. Personne ne m'a jamais appelé Dany.
- C'est faux. Tes parents le faisaient, quand tu étais tout petit. Avant que ton père parte. Tu ne t'en souviens pas, c'est tout.
Le bel émeraude de ses yeux s'était assombri. Avant que j'ai pu réagir, il leva la main et une force invisible comprima ma gorge. Je cherchai mon souffle, incapable de respirer. Je me débattis, me griffai mais rien à faire. Dany fit un geste et je me sentis me redresser, sur la pointe des pieds, puis ils quittèrent le sol tandis que j'étouffais et que mes yeux se retrouvaient à hauteur des siens.
- Ne parle plus jamais de ma famille, articula-t-il froidement.
Maintenant je la sentais clairement, cette colère qui émanait de lui. Oui, il avait tué. Oui, il n'hésiterait pas à recommencer. Et oui, il aimait ça.
Dany, que t'est-il arrivé ?
Je sentis la poigne sur ma gorge diminuer, et je retombai dans le fauteuil en toussant, privée de ma force. Je devais avoir l'air terrorisée, mais cela n'eut d'autre effet que de faire sourire le châtain.
- Maintenant, trouve Noémie.
Je m'exécutai, peu désireuse de subir son pouvoir à nouveau, mais mes pensées tourbillonnaient malgré moi dans mon crâne. Je ne comprenais pas comment tout cela était possible. Étais-je en train de rêver ? Dany était fictif, j'en étais persuadée jusque là. Mon Dany. Celui que j'avais inventé. Pourtant tout semblait recoller : sa réaction quand j'avais parlé de son père prouvait que même cette partie de l'histoire était réelle.
À moins que ce soit ce que voulait dire l'infirmier en annonçant que l'écriture était mon don. Et si toutes mes histoires étaient réelles ? Cette pensée me fit frissonner. Mes écrits finissaient rarement bien, et Dany était sans doute le personnage que je trouvais le plus sympathique. Vu comment il avait tourné en réalité, je n'avais aucune envie de rencontrer les autres.
Cependant un autre problème vint vite éclipser celui-ci.
- Elle n'est pas ici... murmurai-je sans regarder le garçon, les yeux rivés à l'ordinateur.
C'était impossible, le comble de la malchance. Mais aucune de mes recherches ne parvenait pas à aboutir. Il n'y avait aucune Noémie parmi les prisonniers.
- Es-tu certain... ? continuai-je.
- Je ne vois pas où... À moins que l'autre hystérique ait menti...
Il paraissait très perturbé, mais rapidement sa colère sembla refaire surface. Je préférai me faire toute petite que de l'affronter à nouveau.
- La Société... cracha-t-il finalement plus pour lui-même que pour moi, ne me regardant pas. Et cette garce. Je ne pourrai vraiment jamais lui faire confiance.
De qui parlait-il ? Pas de Noémie quand même ?
Il se retourna vers moi, et je me tassai dans mon fauteuil sous son air furieux et son regard sombre.
- J'ai bien l'impression que tu ne me sers plus à rien. De quelle façon souhaites-tu mourir ?
- Mais... protestai-je. Tu as promis...
- De te sortir d'ici. Tu n'as pas précisé que tu devais être vivante. Et actuellement il faut que je passe mes nerfs sur quelqu'un, et tu es la seule que j'aie sous la main. Dis, ou je choisis moi-même.
Je me sentis projetée en arrière, et plaquée contre le mur faussement vitré sans qu'il ait amorcé un geste. Il s'avança lentement vers moi, un fin sourire aux lèvres, savourant ma terreur.
J'étais immobilisée, et même si ça n'avait pas été à cause de son pouvoir, j'étais persuadée que ma peur aurait eu le même effet sur mes muscles épuisés. Dany s'approcha encore jusqu'à frôler ma gorge de ses doigts de ses ongles. Je cessai inconsciemment de respirer.
- C'est dommage que tu doives mourir, chérie, susurra-t-il en me regardant dans les yeux.
Je hoquetai. Jamais un garçon ne m'avait donné un tel surnom. Actuellement, si j'avais été capable de me mouvoir, je l'aurais giflé. Et lui... Comment avais-je pu croire qu'il était le gentil garçon de mon histoire ? Ou bien j'écrivais une version déformée de la réalité, ou quelque chose de grave avait dû lui arriver... Mais il était vrai que le Dany de mon récit avait bien tué ou blessé quelqu'un, ce garçon qui avait abordé Noémie. Et ça ne l'avait pas plus chamboulé que ça. Peut-être qu'il était déjà en train de devenir un meurtrier, capable d'assassiner des innocents de sang-froid...
À présent, il semblait que ce soit mon tour. Lentement, il glissa son doigt sur ma gorge, et je sentis que ce simple geste suffirait pour me la trancher, quand il l'aurait décidé.
- Au fait, comment t'appelles-tu ? demanda-t-il avec un nouveau sourire. J'aime savoir les noms de ceux que j'ai tué, je peux les répéter dans ma tête le soir... ça m'aide à m'endormir.
Mais quel psychopathe ! Quelle personne censée pouvait faire une chose pareille ? À moins que son but soit de m'effrayer encore plus ? Auquel cas c'était réussi...
Mentir ? Refuser d'obéir ? Rien ne semblait capable d'empêcher ce qui allait se produire.
- Rachel, répondis-je dans un murmure d'une voix rendue rauque par la peur.
Mais sa réaction me surprit : j'aurais tout aussi bien pu le gifler, vu la tête qu'il fit. Il se recula brusquement et la force qui me maintenait collée au mur me relâcha. Je retombai à terre, épuisée et terrifiée, et surtout totalement perdue quant à ce qui venait de se passer.
Ça ne sembla pas émouvoir Dany, qui me surplombait de toute sa hauteur.
- Qu'est-ce que tu as dit ? Ton nom est Rachel ?
J'acquiesçai lentement, incapable de comprendre qu'est-ce que ça changeait. Il m'attrapa pourtant par le bras pour m'aider à me relever, chancelante.
- Il semblerait que la chance m'ait finalement souri. J'ai changé d'avis, je pourrais encore avoir besoin de toi en vie.
- Tu... Tu vas me laisser partir ?
- Bien sûr que non. À partir de maintenant, tu es mon otage.
Un sourire victorieux, un mouvement de la main, et le monde disparut autour de moi, tandis que ma peur refaisait brusquement surface.
Newt... Je t'en supplie, sauve-moi.
~~~~~
Des avis ?
Des fautes ?
Des incohérences ?
Alors, est-ce que vous aviez deviné l'identité de Blake ?
Merci énormément à ceux qui prennent le temps de voter et commenter, même et surtout de manière négative...
Mais surtout merci de lire !
AFleurDeMot
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