Chapitre 47 - Celle qui fait une découverte
Accoudée à la rambarde du premier étage, là où se trouve la cafeteria, Anthéa observe les combattants prendre place. Est-ce qu'on les appelle des combattants, déjà ? Elle n'en a aucune idée. Il faudra qu'elle pense à le demander à Zachary quand il la rejoindra.
Pour l'heure, et comme tous les autres combattants – elle a décidé de les désigner comme tels tant qu'elle ignore comment ils se font appeler – il salue son adversaire en s'inclinant à 90° vers le sol.
C'est son idée de l'avoir emmenée ici, et il relève la tête juste assez longtemps pour lui faire un clin d'œil avant de se mettre en garde.
Elle sait, pour l'avoir lu sur certains sites et groupes de chat, qu'elle devrait tirer la gueule. Un anniversaire, c'est censé se passer rien qu'à deux, surtout un récent comme le leur. Un cinéma, un resto ou même juste une virée à Hyde Park pour nourrir les écureuils. N'importe quoi de romantique où ils ne seraient que tous les deux, en fait.
Sauf qu'elle s'en fiche.
Enfin, pas exactement, puisqu'elle est contente qu'il lui ai demandé de l'accompagner à son cours de karaté au lieu de proposer un endroit cool où elle aurait préféré aller avec tous ses amis.
C'est cruel un peu, ou pas tant ?
Ce n'est pas qu'elle ne l'apprécie pas, loin de là, même. Et passer du temps avec lui est toujours sympa. Non, vraiment, elle l'aime beaucoup, mais pas plus que n'importe lequel de ses autres amis. Pire que ça, à choisir entre passer la journée avec lui ou avec Caleb, elle préférerait rester avec ce dernier.
Mais en même temps, c'est son meilleur ami. Personne ne peut rivaliser avec ça, si ?
Contrariée, elle soupire.
C'est peut-être de la lassitude ? Ça aussi, elle l'a lu sur internet. Certaines personnes se lassent très vite une fois qu'elle se mette en couple avec leur crush. Et un mois, c'est beaucoup ou pas ? Elle ne parvient pas à le savoir. D'un côté, le premier baiser qu'ils ont échangé, cachés derrière le sapin de Noël, lui semble remonter à une éternité. Mais d'un autre, leur relation n'a pas tellement changé depuis. Elle s'est bien tapé l'affiche le jour de la rentrée, quand Zach l'a embrassée devant tout le monde pour lui dire bonjour, mais en dehors de ça, et malgré les demandes répétées du garçon pour la voir seul à seule plus souvent, ils n'ont au final pas vraiment fait de nouvelles choses par rapport à ce qu'ils faisaient déjà avant.
Et en même temps, elle n'a jamais vraiment crushé sur lui. Elle a juste accepté sa demande parce que ça semblait lui faire plaisir, et qu'elle n'était jamais sortie avec personne, et qu'en vrai, Zach est un garçon adorable.
La tête posée sur ses avant-bras, Anthéa baille à s'en décrocher la mâchoire. Dans son dos, les habitués discutent de la pluie et du beau temps, du championnat qui débutera bientôt, des espoirs qu'ils fondent en certains de leurs membres et de leur volonté d'en accueillir encore plus lors des prochaines inscriptions. Si certains de leurs gars terminent sur le podium, ça les dispensera d'investir une trop grosse somme dans de la pub. Ça ferait du bien à leurs faibles économies.
Une nouvelle fois, elle soupire. En temps normal, elle se serait volontiers mêlée à la conversation, mais la leur pourrait difficilement être plus excluante envers les néophytes. Alors elle commence à s'intéresser de plus près à ce que font les passants dans la rue adjacente, quand un cri retenti depuis la salle. Curieuse, elle baisse les yeux sur son petit ami et les autres garçons en pyjamas blancs et aux ceintures colorés. Personne ne semble s'être blessé. En fait, personne à part elle n'a réagit au cri du jeune homme. Enfin attentive, elle les observe plus attentivement, et c'est sous ses yeux, cette fois, qu'un nouveau cri est poussé avant que l'adversaire de Zachary ne lui porte un coup.
Elle le regarde parer, puis attaquer à son tour en poussant le même cri. D'ailleurs, d'autres ont commencés à s'élever un peu partout dans la salle alors que les adolescents se jettent les uns sur les autres avec plus ou moins de violence et de maîtrise.
Cette fois, s'en est trop. Elle doit comprendre. Elle ne perd pas de temps à choisir la victime idéale et tapote simplement l'épaule de l'homme assis derrière elle, avant de l'interroger sur l'utilité de cette pratique étrange.
— C'est une façon de canaliser leur énergie pour donner un coup plus puissant, répond l'étranger après avoir mis une demi-éternité à se retourner.
— Et ça marche ?
L'homme lui sourit comme on sourit à l'enfant qui nous offre sa deux cent cinquante sixième fleur de la journée lors d'un pique-nique en famille.
— Je suppose, sinon ils ne le feraient plus.
Sans attendre une nouvelle question, il se retourne aussitôt et reprend sa discussion là où elle a été interrompue. Loin de vouloir prolonger leur échange, elle non plus, Anthéa se désintéresse déjà de lui, et penchée sur la balustrade, elle regarde avec attention la suite du cours.
Ce soir-là, debout dans sa chambre, au côté de Caleb à qui elle a expliqué les grandes lignes ce qu'elle espère avoir découvert aujourd'hui, Anthéa se concentre.
— Je sais pas si c'est une bonne idée de faire ça ici, doute le garçon.
— Je peux pas le faire ailleurs, soutient-elle. Imagine que ce soit énorme.
— Justement ! Imagine que ce soit énorme ! Au mieux, on va se faire engueuler, au pire...
Anthéa secoue la tête, un sourire insolent coincé sur le visage.
Elle a vérifié auprès de Zachary, à la sortie de son cours, et il lui a confirmé les dires de l'inconnu. Le cri leur sert à amplifier leurs coups. Et que ce soit juste psychologique ou qu'il y ait un fond de vérité là-dedans, le fait est que ça fonctionne. Pour lui, en tout cas. Il se sent bien plus fort et contrôlant quand il pousse son kiai.
— On va pas se faire engueuler, parce que je suis sur le point de découvrir un truc qui nous dépasse tous, ricane-t-elle.
— Raison de plus pour le faire dehors, grince Caleb en vérifiant que l'extincteur qu'il a remonté de la cuisine se trouve toujours bien à portée de main.
— Ça risque rien, tu vas voir.
Anthéa présente alors ses mains devant elle comme pour invoquer un Kaméhaméha et le nouveau sourire qu'elle esquisse fait grimacer Caleb.
— AAAH !
Son cri est bref, mais puissant, et si le bureau devant elle ne prend pas feu, contrairement aux craintes de son ami, il est projeté à un mètre du sol. Son intention, une fois l'objet en l'air, était de le faire léviter, mais la puissance contenue dans son cri s'essouffle aussi vite qu'elle n'est apparue et le mobilier s'écrase au sol de la plus bruyante des façons.
Anthéa fait claquer sa langue de mécontentement tandis que Caleb, de nervosité, enfouit les mains dans sa chevelure, s'arrachant au passage plus de cheveux que nécessaire.
— Je devrais peut-être crier plus longtemps ? Mais là, tout le monde va venir voir ce qui se passe.
— Mais tout le monde va venir voir ! Anthéa, t'as pas conscience du boucan que ça vient de faire...
Comme pour lui donner raison, un bruit de courses se fait entendre depuis les escaliers et, dans la seconde qui suit, un poing s'abat contre sa porte avec violence.
— Anthéa ! Tout va bien ? Je peux entrer ?
Elle soupire et, d'un mouvement du poignet, sans même se déplacer, elle fait pivoter le battant pour laisser entrer Venacio.
— Tout va bien ! J'ai juste fait tomber mon bureau, s'excuse-t-elle, innocente.
Mais l'homme n'est pas aussi crédule. Il plisse les yeux, remarque l'extincteur et l'air coupable de Caleb.
— À quel moment fait-on tomber son bureau, tu peux m'expliquer ?
Elle hausse les épaules, amusée par la situation.
— Quand on essaye de le faire voler, bien sûr.
Ça ressemble à une boutade, et si l'homme ne possédait pas lui-même certaines capacités extraordinaires, il l'aurait probablement trouvée impertinente. Mais il n'est pas naïf, et il sait qu'elle, plus que les autres, prend un malin plaisir à repousser ses pouvoirs chaque jour. Que ce soit dans les matières où elle galère, comme la métamorphose d'objets, ou dans celles qu'elle maîtrise un peu plus chaque jour, telle que la force brute, elle veut progresser au plus vite, quitte à faire fi de la plus élémentaire des prudences. Elle est pugnace, au moins autant qu'inconsciente. Et il ne peut rien contre ça.
— Ta grand-mère est en bas, lui rappelle-t-il juste. N'espère pas qu'elle n'aura rien entendu, parce que c'est impossible. Alors trouvez une excuse valable et évitez de démolir la maison.
— Tu nous laisses faire ? s'étonne Caleb.
Sur le point de partir, Venacio fait marche arrière et les observe tous deux un long moment avant de conclure d'un air plus las qu'énervé :
— Parce que j'ai vraiment la possibilité de vous en empêcher ?
Le samedi suivant, les adolescents se réunissent tous au manoir, comme ils en ont l'habitude. Venacio est invité à se joindre à eux et Anthéa se lance alors dans des explications concernant la technique qu'elle a expérimenté toute la semaine, sans pour autant parvenir à la maîtriser.
— Certains ici le savent, commence-t-elle avec un regard appuyé en direction de Zachary, mais dans les arts martiaux, bon, peut-être pas tous, mais à minima dans le karaté, les pratiquants sont invités à crier pour concentrer leur énergie, activer leur qi ou quelque chose comme ça.
— Alors, en fait c'est pas tout à fait ça...
D'un geste, elle fait taire son petit ami. Ce n'est peut-être pas tout à fait ça, mais pour ce qu'elle veut leur dire cette explication suffira amplement.
— En fait, reprend-elle, quand j'ai découvert ça, j'ai pensé que ça pourrait marcher aussi avec la magie et... ben, clairement oui. Ça fait plusieurs jours qu'on s'entraîne avec Caleb et les résultats sont... on va dire, intéressants.
— C'est ça les bruits dans ta chambre ? interroge Zia.
— Ouais
— On a quand même l'impression que vous démolissez tout, insiste Darcy. C'est pas très discret votre truc.
Anthéa soupire et approuve.
— Je sais, mais on est en pleine ville. Où est-ce qu'on pourrait s'entraîner d'autre ?
— Dans le parc ? propose Hadrien.
— Il y a toujours du monde, s'y oppose Drew.
— Il y a un jardin avec de hautes clôtures chez Marlow, leur apprend Tobias.
L'adolescent secoue la tête, libérant quelques locks mal attachées qui dévalent sur ses épaules.
— Personne n'approche sa magie de mes sœurs ou de mes parents, c'est trop dangereux.
— Quand il n'y a personne ? insiste son ami.
— Tu sais ce que c'est les familles nombreuses, il y a toujours quelqu'un.
Tobias reconnaît la pertinence de la remarque et tous retombent dans le silence jusqu'à ce que Venacio ne se lève dans un soupir lourd de sens. Il arpente la bibliothèque quelques secondes, en proie à un dilemme interne qu'aucun des adolescents ne soupçonne.
— Il y a la cave, souffle-t-il enfin, comme à contrecœur. Les murs sont épais et personne ne descend jamais. Il faudra juste... faire un peu de ménage, insonoriser le plafond et... ne pas se faire trop remarquer. Ce qui est impossible sachant que personne ne descend jamais en temps normal.
— Si un seul de nous se fait surprendre en train d'entrer ou sortir, ce sera méga suspect, comprend Drew.
— C'est ça.
— Et les chances pour que ça arrive ?
— Sont de cent pour cent.
Drew grimace et tous se font silencieux. Anthéa, elle, n'aurait jamais pensé que la solution viendrait de Venacio. Il lui semblait même qu'il serait celui qui s'opposerait le plus à la mise en place de nouvelles techniques. Car, bien entendu, la solution, à ses yeux, est toute trouvée.
— On a pas des masses d'autres choix, décide-t-elle. C'est une chance incroyable d'avoir la magie et je veux pouvoir m'en servir à son plein potentiel.
— Je doute que quiconque ait pu douter de ça un jour, soupire l'homme en s'asseyant sur l'accoudoir du fauteuil où est assis Caleb.
Plus excitée qu'un industriel au salon du réchauffement climatique, et comprenant que personne ne se mettra en travers de ses plans, Anthéa bondit au centre de la pièce.
— Alors c'est décidé !
**
Bon les gens, j'ai du retard sur ce chapitre.
Mais j'ai dû en réécrire toute la première moitié. Elle ne me plaisait plus du tout et était beaucoup trop centrée sur un personnage qui va... disparaître lors de la réécriture complète. C'est une décision compliquée, mais c'est pour le bien de l'histoire, vraiment. Enfin, je l'espère.
À priori, il ne devrait plus y avoir de retard, et il reste de toutes façons très très peu de chapitres.
Des bisous.
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