Chapitre 42 - Celui qui joue ✓
Dans la bibliothèque, le jeu proposé par Charlie ne prend pas. Les questions posées sont inintéressantes et rares sont ceux qui y répondent honnêtement.
— On se fait chier, lâche Ilias alors que la bouteille portant la question de Simran s'arrête devant lui. C'est à ça que vous passez votre temps, alors, quand vous dites que vous vous entraînez ? Passionnant, vraiment. Je regrette d'avoir refusé d'intégrer votre groupe de nullos.
— On t'a jamais demandé de participer, surréagit Drew avant qu'Anthéa, à qui est destinée la critique, n'ait le temps d'ouvrir la bouche.
À ses côtés, Zachary étire ses longs membres sans prêter attention au fait qu'il vienne de donner un coup de pied dans la bouteille. Celle-ci roule jusqu'à Tobias qui s'en saisit, comme si la chorégraphie avait été répétée. Il la porte à son visage et regarde au travers du goulot, comme s'il s'agissait d'une longue vue.
— Ça me fait mal au cul de l'admettre, mais ce petit crétin n'a pas tout à fait tort, soupire-t-il.
— Si encore on jouait à la version roulage de pelle, je dis pas, insiste Zach alors qu'il se contorsionne telle une grosse chenille pour grimper de dos sur le canapé. Mais là, y a bien trop de membre de ma famille impliqués pour que j'en ai envie.
Anthéa lève les yeux au ciel avant de décocher un regard entendu à Caleb.
— Après, on pourrait rendre ça plus intéressant très vite. Mais je ne suis pas sûre que tout le monde, ici, soit capable de le supporter.
Elle tourne la tête et hausse les sourcils dans une simulation de question insolente quand elle capte le regard hargneux d'Ilias. Bien sûr, ce dernier saute à pieds joints dans son piège et gronde sa réponse tel un fauve près à lui sauter à la gorge.
— Me regarde pas comme si j'étais celui qui allait se défiler, Jenkins.
— Pourtant, je vois que toi, ici, qu'est susceptible de refuser un duel, puisque t'es le seul à n'en avoir jamais fait.
À cette annonce, Caleb fronce les sourcils et est tenté de poser une main sur le poignet d'Anthéa pour l'orienter vers un chemin moins dangereux. Mais le souvenir de sa discussion pas si lointaine avec Venacio et l'avertissement récent de la jeune fille, le convainquent de s'en abstenir.
— Anthéa ? tente-t-il, plutôt. Je crois pas que se mettre à lancer des sorts dans tous les sens alors qu'il y a pas loin de quinze personnes en bas qui font la fête soit ta meilleure idée.
Il voit un tic agiter sa joue alors qu'elle réalise qu'il a raison, mais avant qu'elle ne rajoute quelque chose, il en profite pour continuer sur sa lancée car il vient d'avoir une autre idée.
— En fait, on pourrait effectivement rendre le jeu plus amusant grâce à la magie, mais pas comme vous l'entendez.
Il tend la main vers Tobias et le jeune homme y dépose la bouteille sans se faire prier.
— Admettons qu'on continue à jouer comme on le faisait jusque-là. Le premier pose une question, tourne la bouteille, et la personne désignée doit y répondre. Sauf qu'au lieu de laisser le sort décider, on aurait le droit d'influencer la bouteille. Soi-même déjà, pour avoir la réponse de la personne à qui elle était destinée, mais les autres aussi, pour contrecarrer les plans du premier joueur.
— Ou parce qu'il s'agit d'une question qu'on aimerait poser à quelqu'un d'autre, ajoute Hadrien d'un air enthousiaste.
— Tout à fait !
— On peut aussi garder l'idée des gages pour ceux qui ne veulent pas répondre, marmonne Drew en pleine réflexion.
— C'est ça !
Caleb n'en revient pas que la jeune fille approuve son idée. Il s'attendait à une résistance de sa part quoiqu'il propose, aujourd'hui ou n'importe quand.
— Sauf qu'on peut toujours mentir et que personne le saura, geint une voix sur sa droite.
Un soupir groupé lui répond et Anthéa s'agace.
— Putain, Ilias, t'es chiant ! On te trouve une solution, mais non, Mr n'est jamais content. T'es pas obligé de jouer avec nous, sinon.
— Peut-être qu'on peut ensorceler la bouteille ? propose alors la voix presque éteinte de Simran.
Quand tous les visages se tournent dans sa direction, elle se tasse sur elle-même et ramène ses jambes devant son torse pour les entourer de ses bras. Mais tous attendent qu'elle développe, alors elle inspire un grand coup et reprend d'une voix plus faible encore.
— Si on pose un sort dessus pour qu'elle s'illumine quand on ment, par exemple...
— Intéressant, admet Ilias. Mais si on se prenait un coup de jus, plutôt ?
Plusieurs mines déconfites se retournent vers lui, mais Tobias est le premier à réagir.
— T'es barge, mec. Peut-être que t'as besoin de te faire électrocuter les couilles pour prendre ton pied, mais crois pas que ton cas soit une généralité.
Tout le monde ricane et Ilias se tend face à l'attaque. Ses joues rougissent sous l'effet de la colère, mais comme aucune autre insulte ne suit, il soupire juste et hausse les épaules comme si tout cela ne le concernait pas.
— Si on ne veut pas répondre, suffit de le dire et de prendre le gage, mais on sait que tout le monde n'aura pas cette honnêteté intellectuelle. Corriger les menteurs les incitera à réfléchir à deux fois avant de nous prendre pour des pigeons.
— Et c'est toi qui dis ça ?
— On se calme, mesdemoiselles, intervient Zachary.
Sa main plaquée contre la bouche de Drew pour l'empecher d'envenimer la situation, il se redresse un peu dans son fauteuil.
— Quelqu'un sait lancer un sort pareil ? Ça fait pas trop partie de ce qu'on a appris.
Ilias s'apprête à réagir à ce qu'il a pris pour une insulte, mais Caleb, qui ne veut pas voir la dynamique à peine instaurée se casser la gueule, le coupe avant qu'il n'ait le temps de prononcer le premier mot de son offensive.
— Anthéa, elle saurait !
Une fois encore, tous les regards bougent comme un seul.
— Enfin, je pense qu'elle saurait, parce que... heu...
Il réalise à temps qu'il ne peut leur raconter pourquoi il en est persuadé. Personne à part lui et leur référent ne sait ce qu'elle est capable de faire.
Elle lui a raconté la raison de sa dispute avec Venacio – elle n'a pas pu faire autrement au vu de la distance que l'homme a mise entre eux – et depuis, l'adolescent lui envie cette capacité. Elle a bien tenté de la lui enseigner plusieurs fois, depuis, mais sans succès. Tout au plus est-elle parvenue à défricher un sentier dans sa mémoire jusqu'à un souvenir idiot en compagnie de ses parents, mais rien de plus. Il ignore ce qu'elle a été en mesure de capter à travers lui le jour où c'est arrivé, mais elle n'a pas posé davantage de questions quand elle a découvert ses yeux humides.
Il coule alors un regard paniqué dans sa direction, mais le sourire de son amie le rassure. Elle ne tient pas à ce que ça reste secret. Heureusement. Malgré tout, moins assurée que lui quand à la finalité de ce sort qu'elle n'a jamais tenté, Anthéa accepte de s'y essayer.
— Bon, on va tous poser un doigt sur la bouteille et je vais tenter un truc. Merci de ne pas vous retirer tant que je ne vous en donnerai pas l'autorisation. Vous allez peut-être ressentir un truc bizarre, mais je peux vous jurer que je n'aurais accès à aucune de vos pensées, aucun de vos souvenirs ou quoi quand je serais, euh, en quelque sorte en vous.
— Tout ça commence à ressembler beaucoup trop à une partouze, rigole Zachary.
Anthéa grimace, pas mal à l'aise, mais pas loin.
— Plus pour moi que pour vous, tu vas voir.
Ça fait rire le garçon, mais il est le premier à poser son doigt sur la bouteille, curieux.
L'opération ne dure que quelques minutes. Anthéa ferme les yeux et tous patientent, curieux de voir à quoi ressemblera le sort. À un moment, Caleb sent la présence de son amie dans sa tête. C'est diffus, un peu comme un rêve en train de se disloquer au réveil. Elle est là sans y être, quelques secondes seulement. Puis, en un battement de cils, elle a disparu.
Alors Caleb s'attarde sur les autres. Drew a fermé les yeux, mais sous ses paupières, ses globes oculaires s'activent comme en plein sommeil profond. Zachary sourit sans détacher ses yeux d'Anthéa, amusé par la situation et probablement en train de prendre des notes mentales sur ce qui lui arrive, pressé de pouvoir essayer à son tour sur quelqu'un d'autre. Son frère semble absent, comme détaché de la réalité, tandis qu'Hadrien et Zia s'échangent des regards qui paraissent on ne peut plus clair à l'adolescent. Le visage de Darcy est crispé, à tous les coups iel a repéré Anthéa et n'apprécie pas qu'elle se promène ainsi dans son subconscient. À ses côtés, Ilias se tient droit malgré son air blasé. Il détourne le regard quand celui de Caleb croise le sien, mais il garde malgré tout son doigt appuyé contre la surface polie de la bouteille en verre. Enfin, Simran est assise en tailleur à côté de lui, leurs genoux collés à cause de la proximité que leur imposent leurs positions. Elle respire lentement, apaisée malgré la présence d'autant de personnes.
— C'est bon, je crois, souffle Anthéa quand elle retire son doigt de la bouteille.
Profitant de ce que tout le monde fait de même, elle s'en empare et la fait tourner.
— Caleb, l'interroge-t-elle alors que la bouteille tourne toujours, es-tu, pour ce que tu en sais, le descendant de Freddie Mercury ?
Comme prévu, la bouteille s'arrête face à lui et Caleb comprend qu'elle veut qu'il mente pour tester le dispositif. Alors il approuve et affirme que le célèbre chanteur n'est autre que son grand-père. Dans le cylindre à demi opaque, se met alors à clignoter une lueur orangée qui ne fait que gagner en intensité à mesure que le temps passe, et ce, jusqu'à ce que le jeune homme n'avoue qu'il n'y a, en réalité, aucun lien entre lui et la star décédée.
— Fantastique ! s'enthousiasme Zachary.
— Impressionnant, confirme Hadrien.
— Bon, on joue, du coup ? s'impatiente Darcy.
La première question émane d'Anthéa et concerne la chose la plus balèze réalisée avec la magie. La bouteille oscille un instant entre Darcy et Ilias, mais se stabilise au final sur ce dernier. L'adolescent bougonne, il lève les yeux au ciel et réfléchi avant de donner sa réponse.
— J'ai fait léviter une voiture.
La lumière s'allume.
— C'est déjà très impressionnant, s'exclame Zia.
— Ça ressemble surtout à un mensonge. Allez, dis-nous tout, Blondie.
Ilias décoche un regard assassin à Zachary, mais arbore un faux air blasé avant de préciser sa pensée.
— J'ai fait léviter une voiture en feu. Et je l'ai balancée dans la Tamise pour l'éteindre.
La bouteille s'éteint et personne n'ose rien ajouter jusqu'à ce que Zach siffle d'une admiration feinte et reprenne la parole.
— Pas mal. Tu pourrais presque faire partie des nôtres. Si t'étais moins une tête de con, j'entends.
— T'as déjà fait pire ? l'interroge Drew, scandalisée.
— Faudra redemander quand ce sera ton tour, sœurette.
Ronchon quand il découvre qu'il n'aura droit à aucune autre réaction impressionnée, Ilias relance la bouteille.
— Ta question, lui rappelle Tobias.
— Je sais, grogne-t-il alors qu'il se concentre pour la faire tourner plus vite. Est-ce qu'il y a, dans cette pièce, une personne qui te plaît ?
Les jumeaux pouffent et Drew lève les yeux au ciel.
— C'est qui qui trouvait le jeu trop gamin, déjà ?
Puis la bouteille commence à ralentir. Elle balance entre Caleb et Anthéa, indécise, ou plus probablement dirigée par plusieurs ordres contradictoires, quand elle fait volte-face avec violence. Elle pointe alors Zia, mais se remet en mouvement presque aussitôt. Cette fois, elle passe devant ses précédentes victimes sans s'arrêter et pile net devant Zachary.
Au vu du front plissé d'Ilias, il est évident que ce n'est pas la personne qu'il visait, mais alors que la bouteille recommence à vibrer, la large main de Darcy s'abat sur l'épaule du garçon.
— Fou pas le feu pour si peu.
Ils échangent un regard lourd de sens et Ilias renonce tandis que la bouteille redevient immobile.
— C'est bien possible, oui, s'amuse le jumeau avec un sourire insolent qui lui est destiné.
La révélation fait bondir Drew, qui se retient de peu de l'attraper par le col pour le secouer.
— C'est pas vrai !? Qui ?
— C'est toujours pas ton tour. Bon, alooors... OK pour échanger un baiser avec moi ? Là tout de suite. Derrière le sapin, si tu veux un peu d'intimité.
La bouteille se remet à tourner à toute vitesse et Tobias éclate de rire.
— Ça dégénère beaucoup trop vite !
Dans le cercle, beaucoup trop de mâchoires se sont contractées, beaucoup trop d'yeux sont concentrés sur le goulot accusateur. La main de Zia serrée dans la sienne, Hadrien grimace, inquiet, tandis que face à lui, Drew donne tout ce qu'elle peut pour influencer la bouteille.
Au lieu de ralentir après plusieurs rotations pour finir par désigner mollement l'un d'eux, l'objet freine d'un coup, dépasse Anthéa pour presque désigner Drew, avant de faire demi-tour. Poussé par plusieurs volontés, il fait un tour de plus, complet mais lent, s'arrête presque sur certains d'entre eux, avant de se stabiliser enfin devant son premier choix ; Anthéa.
Coup dur pour Ilias. Désireux de ne pas le voir s'énerver davantage, Caleb se tourne vers le garçon et se peint une moue désolée qu'il espère convaincante sur la visage. Pas de chance, il semblerait que le blondinet ne soit pas le seul à craquer sur son amie.
À sa plus grande stupéfaction, pourtant, l'adolescent ne réagit pas à ce qu'il aurait dû prendre pour un affront. Il se contente de hausser un sourcil moqueur et laisse s'épanouir un sourire machiavélique sur son visage quand Drew s'emporte contre son frère.
Elle l'insulte, folle de rage, arguant qu'elle regrette de les avoir présentés si c'était pour qu'il finisse par se moquer ainsi de sa meilleure amie, mais Zach n'y prête aucune attention, concentré sur la réponse d'Anthéa.
— Désolée, s'excuse-t-elle, ce n'est probablement pas à moi qu'était destinée ta question.
— C'est pas une réponse, soupire Darcy, qui est probablement la personne que le jeu ennuie le plus.
— Je sais, j'y viens. Du coup, euh, oui, pourquoi pas. Mais te sens pas obligé.
Comment peut-elle être aussi aveugle quand il s'agit d'elle-même, mais pourtant si observatrice en ce qui concerne les autres ? Ça dépasse Caleb. Dans les yeux de Zachary, brille une lueur qu'il n'avait jamais remarquée. Le garçon se lève et tend une main à Anthéa pour qu'elle en fasse de même.
— Le jeu est le jeu, se moque-t-il.
Avant d'accepter sa main et de s'éloigner avec lui pour se soustraire au regard des autres, Anthéa relance la bouteille.
— Ton plus grand rêve pour les années à venir. Et sans tricher cette fois.
Il n'est pas certain que malgré sa demande personne n'ait tenté d'influencer la trajectoire de la bouteille, mais l'innocence de sa question fait qu'aucune bataille rangée ne se déclare lors de cette manche. Elle tourne une fois, puis deux, et enfin se stabilise devant Drew. La jeune fille ne réfléchit même pas et lance sa réponse comme si elle n'avait aucune importance.
— Devenir pompier.
Elle est déjà en train de la relancer quand la petite lueur caractéristique apparaît.
— Pas si vite, l'arrête Tobias.
— C'est nul de mentir sur une question pareille, l'accuse Ilias. En même temps, ça m'étonne pas plus que ça de toi.
— Mais j'ai pas menti. C'est vraiment ce que je veux faire. Pourquoi je mentirais là-dessus, tu m'expliques ?
— Mais j'en sais rien, moi, c'est pas ma faute si ça clignote.
— Calmez-vous, grogne Darcy. Pensez à l'intégrité structurelle de la maison.
— Mais elle répond pas !
— Peut-être que la question est trop globale ? intervient Caleb. Le jeu n'attend peut-être pas une réponse trop terre-à-terre du genre boulot, famille, ce genre de trucs, mais quelque chose de plus, euh, genre, profond ?
— Mais comme quoi ?
Caleb hausse les épaules, après tout, ce n'est pas sa question et il ne faisait que proposer une solution.
— Le jeu est un jeu, il ne veut rien, souffle Ilias. C'est juste l'autre débile qui ne l'a pas ensorcelé correctement.
— Oh, la ferme ! Bon, ben... Je veux être heureuse, ça te va, ça ?
En guise de réponse, la lumière se fait plus forte et Drew soupire.
— Merde. Bon, ben, je veux... heu... pas juste être un pompier de base, mais le capitaine. Non ? Tu casses les couilles. Je veux que ma famille et mes amis soient heureux, aussi, que tout aile bien pour tout le monde, tout le temps. Je veux gagner un max de fric pour ne plus jamais avoir à habiter dans un appart minuscule sous les toits.
Les réponses s'enchaînent et les pulsations de lumière se font si intenses qu'il n'est désormais plus possible de regarder la bouteille en face. Alors tous se mettent à râler.
— Mais répond, putain. C'est pas compliqué comme question, quand même.
— Ou dis que tu veux pas répondre et prends le gage, mais fais cesser ce truc.
— Mais je réponds, merde ! Je sais pas ce qu'elle veut d'autres, cette saloperie. Je veux que ma vie soit cool, je veux qu'on m'aime, je veux une prise de conscience globale sur ce qui se passe dans le monde et qu'on agisse tous pour éviter un désastre. Je veux tomber amoureuse d'une personne qui m'aimera aussi. Merde à la fin ! Je veux... je veux... Je veux pas être une fille, voilà ! Tes content ? Je veux être un mec. Un mec, putain !
Aussitôt, les clignotements cessent et tous se taisent. Des larmes d'énervement perlent aux coins des yeux de Drew alors que les tremblements dans ses mains menacent d'envoyer la bouteille au diable.
— Oh merde, souffle-t-elle.
— Drew... tente Tobias alors qu'il se rapproche d'elle.
— Non ! J'ai... J'ai vraiment pas envie d'en parler. Pas maintenant. Jouons, plutôt. Qui aimes-tu le plus dans cette pièce et de quel genre d'amour est-ce qu'il s'agit ?
Du coin de l'œil, Caleb voit Hadrien devenir tout rouge et hoqueter de stupeur. Ilias, lui, grimace, mais les autres n'ont aucune sorte de réaction. Drew ne veut pas être la seule personne à se sentir gênée ce soir, et bien que sa victime désignée soit évidente, le simple fait d'avoir posé la question révèle déjà bien trop de choses au sujet de certains.
Le combat qui s'engage fait suer à grosses gouttes Drew et Ilias, et si Caleb, qui n'a rien à cacher au sujet des gens présents en cet instant, tente un instant de s'y intégrer, il y renonce au final très vite, jugeant plus prudent de conserver sa magie pour un moment plus opportun.
La bouteille fait de nombreux aller-retours, se fixe plusieurs fois sur différentes personnes, mais repart toujours. Jusqu'à ce qu'enfin Drew parvienne à la stabiliser face à Ilias. Le garçon lutte de toutes ses forces, mais la volonté de son adversaire ne plie pas. Ainsi, après cinq secondes d'immobilité, il est décrété qu'il est bel et bien celui qui doit répondre à la question.
Mal à l'aise, l'adolescent se mord l'intérieur de la joue. Il gigote aussi sur son coussin, dans une attitude que personne au manoir ne lui connaît.
— Refuse, lui conseille Darcy.
— Tu sais pas ce qu'elle peut inventer comme gage, grince-t-il, de mauvaise humeur.
— Toi non plus.
— J'ai dans l'idée que ça ne peut être qu'un truc stupide.
— Dans ce cas, ce sera parfait pour toi.
Ils échangent un regard, las pour Ilias, ennuyé pour Darcy, et enfin, le garçon abdique.
— C'est bon, je prends le gage.
— Quel couard, se moque Drew.
— Ta gueule !
Elle se met à rire et se lève.
— Je ferais pas trop le malin à ta place. Debout couard.
Les épaules lâches et l'attitude désinvolte, Ilias obéit, mais quand elle lui tend un crayon de couleur, son visage se durcit sous l'incompréhension.
— Tu veux que je te tire le portrait ?
— Je veux que tu te mettes en garde.
— Quoi ?
L'assistance aussi s'est mise debout car personne ne sait exactement où elle veut en venir. Tous reculent de trois pas pour laisser les deux combattants au centre de la pièce, et alors que Drew commence à expliquer son idée, deux bras s'enroulent autour du cou de Caleb.
— J'ai raté quoi ? Ils vont quand même pas se battre ?
Le rouge aux joues, Anthéa semble dubitative. Caleb a mille questions à lui poser sur ce qui vient de se passer, mais déjà les deux crétins se mettent en garde.
— Mais t'es complètement barge, se plaint Ilias, l'air de plus en plus inquiet. Personne ne sait utiliser un crayon en guise de baguette. C'est pas comme ça qu'on fait de la magie dans le monde réel !
Drew roule des yeux. Dans sa main, le crayon semble parfaitement à sa place. Pire, son air bravache et sa démarche sûre d'elle rendent le tout presque cool.
— Moi, je sais le faire.
— Mais t'as que ça à foutre, d'apprendre des trucs aussi inutiles ?
Ilias, au contraire, est ridicule. Il brandit la pointe de son arme vers son adversaire dans une posture qu'il tente de rendre aussi impressionnante, mais qui trahit de sa totale méconnaissance de la discipline.
— En garde, abruti. Prouve-nous que t'es pas qu'un lâche.
Et sans attendre davantage, Drew envoie un trait bleu – tout comme la couleur de son crayon – sur son ennemi.
— Eh là ! intervient Anthéa. Interdiction d'envoyer des sorts pour blesser, vous deux !
Pour éviter un éclair tout droit sorti de la main d'Ilias – et non de son crayon – Drew se lance sur le côté et roule sur le canapé avant de se réceptionner avec élégance à deux pas d'Hadrien. Celui-ci tire aussitôt Zia bien plus loin, à l'abri d'un sort perdu.
— Bien sûr, maman.
— Je rigole pas, Drew ! Ça pourrait être dangereux.
— C'est un peu le but... marmonne la combattante.
Et elle riposte avec un sort qui touche Ilias en pleine poitrine et le déséquilibre. Le coup n'est néanmoins pas si méchant car le garçon se relève aussitôt. Il marmonne dans sa barbe – probablement une insulte – et tend la main droite devant lui. Il semble avoir oublié qu'il a une baguette – enfin, un crayon – dans la gauche, car c'est de sa paume que sort un jet de vapeur d'eau qui s'abat contre l'épaule de Drew.
Celle-ci couine de douleur à l'impact et Anthéa s'énerve une fois encore.
— Mais visez pas la tête, au moins, bande de débiles !
— Je te ferais remarquer que j'ai envoyé que des étincelles innocentes, se défend Drew. Mais ça peut changer.
Folle de rage, elle fait tourner son crayon dans l'air. Un tourbillon violent les bouscules alors et quand la colonne d'air entre en contact avec le torse d'Ilias, elle l'envoie de l'autre côté de la pièce. Il s'y réceptionne durement et grimace de douleur, pourtant, en une seconde il s'est remis debout.
— Pouffiasse !
D'un pas lourd, il revient à la charge, mais avant d'atteindre sa cible, il se heurte à Anthéa. Furieuse, elle se glisse entre eux et agrippe la baguette de Drew et la main d'Ilias.
— Lâche-moi, ordonne le garçon, une moue de dégoût sur le visage.
— Laisse-moi lui régler son compte, grogne Drew. Qu'il obtienne enfin ce qu'il mérite.
Loin d'obéir, Anthéa appuie plus fort de ses mains sur les leurs.
— Vous êtes deux crétins et vous êtes chez moi, j'aimerais assez que vous ne détruisiez pas la maison ou que vous ne nous vendiez pas en faisant une grosse connerie.
Si ses mots semblent avoir un impact sur Drew, il n'en est rien d'Ilias. Autour de son corps, l'air se met à onduler et Caleb prend peur quand il voit la main d'Anthéa commencer à trembler. Sans réfléchir, il se rue dans l'arène et agrippe le bras d'Ilias. Il est chaud. Pas autant que la dernière fois qu'il l'a touché, mais quand même trop pour un bras humain. Son contact le fait grimacer, mais il ne lâche pas et commence au contraire à apaiser le garçon.
Alors que l'air retrouve sa température normale et que le combattant expire, plus calme malgré lui, Caleb surprend la moue désabusée de Drew. Ilias ne représente plus un danger et il y a désormais bien trop de gens entre elle et lui pour qu'elle ignore une fois encore les avertissements d'Anthéa alors elle retire juste son crayon des mains de son amie et crache hargneuse.
— T'es vraiment qu'un pauvre type.
Rageuse, elle envoie une dernière gerbe d'étincelles vers le sol et se retourne, bien décidée à mettre le plus de distance possible entre elle et ce demeuré d'Adderley.
**
Hey les gens !
Deux chapitres en deux jours, mais qu'est-ce que quoi ?!
J'aime bien ce segment, c'est un de mes préférés, même. Est-ce qu'il en va de même pour vous ?
Mine de rien, il s'y passe quand même pas mal de choses.
Le combat de crayons fait partie des premières idées à m'être venues et je crois que j'aurai pu écrire encore 1000 mots supplémentaires à son sujet, mais bon, ce chapitre est déjà très long, alors... ^^
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