Chapitre 15 - Celui qui le voulait vraiment
Que sais-tu de la magie ?
C'est avec ces mots en tête que Caleb se réveille le lendemain. Les yeux encore collés de sommeil, il baille à s'en décrocher la mâchoire. La venue d'Anthéa, cette nuit, il l'a rêvé, forcément. Elle n'aurait pas débarqué comme ça, sans raison, à trois heures du matin. Non, elle ne l'aurait pas fait. C'est un rêve. Impossible que ça n'en soit pas un.
Sauf qu'elle n'est pas à la table du petit-déjeuner. Peut-être est-elle déjà descendue et remontée. Elle est toujours très matinale. Sauf qu'elle n'est pas non plus dans la bibliothèque. Ni dans la salle d'étude – où elle ne met de toute façon jamais les pieds.
Peut-être qu'il n'a pas rêvé, alors. Qu'elle est bien venue, qu'il l'a jetée dehors et que, maintenant, elle est en colère contre lui.
Devant la porte de la chambre d'Anthéa, Caleb hésite. Et si elle le repoussait ? Si elle lui faisait comprendre qu'elle ne veut plus être son amie ? Au bord de la crise de nerfs, il soulève son poing, prêt à l'abattre sur la porte en bois ornée d'un cadre bleu. Il reste dans cette position une minute entière, peut-être même deux, à peser le pour et le contre. Terrifié à l'idée de se faire rembarrer.
Il n'a pas encore pris de décision quand la porte s'ouvre à la volée et qu'Anthéa déboule dans le couloir. Elle a passé un pull au-dessus de son pyjama et n'a même pas pris la peine d'enfiler des pantoufles sur ses pieds nus. La main agrippée au rebord de la porte, elle a déjà commencé à la refermer derrière elle quand elle percute Caleb de plein fouet.
Le choc est tel que l'adolescent recule de deux pas en moulinant des bras pour s'éviter une chute ridicule de plus. Moins maladroite, Anthéa parvient à s'arrêter sur le seuil et, d'un mouvement rapide et précis, elle l'attrape par le t-shirt avant qu'il n'aille s'emboutir dans la porte qui fait face à la sienne.
— Réveille pas Ven, le prévient-elle avec un mouvement du menton en direction de la porte.
— Il dort plus. Il est en bas, répond Caleb, l'air hébété.
Il voit les yeux d'Anthéa s'étrécir et celle-ci rouvre la main, libérant ainsi son t-shirt.
— OK.
Un bref instant, il s'imagine qu'elle va le repousser contre la fameuse porte. Comme si elle ne lui avait évité une chute que pour qu'il ne dérange pas le référant et qu'elle allait remettre les choses à leurs places puisque Venacio était de toute façon en bas. Mais bien entendu, elle n'en fait rien. Au contraire, elle lui sourit et replace ses cheveux en bataille derrière ses oreilles.
— Désolé... bafouille-t-il en se rapprochant d'elle, la tête basse. Pour cette nuit, je veux dire. J'aurais dû t'écouter, mais...
— C'est rien, l'interrompt-elle. J'aurais pas dû débouler à quatre heures du mat'. Je t'ai fait peur, je l'ai compris après, dans mon lit. Excuse-moi.
Elle l'a compris. Caleb aurait préféré qu'elle n'en fasse rien. Il a honte d'avoir pris peur comme ça. Il est ridicule de stresser comme ça, pour rien. Quand bien même son oncle et sa tante parviendraient-ils à retrouver sa trace, que jamais Vivienne ne les laisserait entrer au manoir.
Il s'éclaircit la gorge, toussote dans son poing, comme s'il s'apprêtait à faire un grand discourt, et, enfin reprend la parole.
— Et... euh, ce que t'as dit cette nuit, du coup... j'ai pas bien compris, tu me parlais de...
Dans les yeux d'Anthéa, une flamme s'allume et elle jette un regard suspicieux en direction de l'escalier.
— Viens, ordonne-t-elle en lui attrapant le bras et en le tirant dans sa chambre. De magie. Voilà de quoi je te parlais.
En l'espace d'un battement de cœur, elle a refermé la porte derrière eux, secoué sa couette pour donner l'impression que son lit est fait et a forcé Caleb à s'y asseoir.
— Regarde, dit-elle en s'asseyant à son tour et en tirant sur la chaîne autour de son cou.
De l'encolure de son pull, apparaît alors une minuscule bille dont les couleurs changeantes miroitent sous la faible luminosité de cette matinée d'octobre.
— C'est quoi ? l'interroge Caleb en approchant la tête pour la regarder de plus prêt.
— Un artefact magique. Du moins, si j'en crois ce bouquin.
En quelques minutes, Anthéa a sorti le livre ainsi que la traduction qu'elle a faite du passage concernant le collier. Et surexcitée, elle lui a résumé tout ce qu'elle sait à son propos. Son enthousiasme termine de rassurer Caleb. Elle ne lui en veut vraiment pas.
— J'aurais dû te laisser parler, avoue-t-il au bout d'un moment. T'imagines si ça fonctionne pour de vrai ? Ce serait énorme !
Assise face à lui, Anthéa approuve d'un mouvement de tête qui fait s'échapper plusieurs mèches rebelles.
— Après, faut pas trop rêver, non plus, hein. Il se passera sûrement rien...
— Ouais, bien sûr, confirme Caleb en caressant le grimoire du bout des doigts. Il vaut mieux s'attendre à rien. C'est probablement juste une blague.
— Tout à fait.
Leurs regards se croisent alors qu'ils tâchent de toutes leurs forces de ne pas sourire. Mais dans leurs yeux, l'espoir et l'attente ne se résument déjà plus à une flammèche naissante. C'est un brasier qui se propage de l'un à l'autre sans qu'un seul mot de plus ne soit prononcé.
— Il faut attendre 24 heures, alors ? demande Caleb en se saisissant de la feuille contenant la traduction.
— C'est ce qui fait écrit, en tout cas. Mais je le porte depuis cette nuit, on saura bientôt.
Fronçant les sourcils, Caleb ausculte alors son amie. Et en particulier le collier qui repose toujours par-dessus son pull bariolé.
— Quoi ? s'inquiète-t-elle en voyant son air troublé.
— Ben... Je suis pas sûr, bredouille-t-il, cherchant ses mots. Mais, perso, ce que je comprends, c'est qu'il doit rester en contact avec ta peau toute une journée. Sauf que là, c'est pas du tout le cas...
Les yeux d'Anthéa s'écarquillent et elle s'empresse de glisser le pendentif à l'intérieur de ses vêtements. Elle se mord la lèvre, mal à l'aise, puis relève la tête avec une grimace.
— J'avais oublié ça, avoue-t-elle. Je me disais que juste le porter sur moi suffisait...
— C'est pas très grave, la rassure Caleb. Tu recommences maintenant, et cette fois, tu fais attention.
— Mouais... Mais il est presque neuf heures. Ça veut dire que la magie va s'activer quand j'arriverai à l'école...
Caleb grimace à son tour.
— Tu veux attendre le week-end prochain ? Ou alors, euh... je... je peux le tester en premier. Si tu veux. De toute façon, ça fera rien. C'est sûr à 99 %
— Ça ne fera rien, répète Anthéa, les yeux dans le vague. Bah, du coup, je peux bien le porter, et ça ne déclenchera rien demain matin.
Elle a beau sourire, Caleb entend dans sa voix une pointe de déception. Et au fond, il la comprend. Parce qu' s'il ne se passe rien, lui aussi sera déçu. C'est normal, non ?
Avant de redescendre, Anthéa se change et pallie au problème du collier mouvant en le scotchant sur sa peau à l'aide d'un sparadrap. Au moins, comme ça, elle est sûre qu'il restera bien en contact avec elle tout le temps nécessaire.
Le lendemain, en se préparant pour l'école, elle effleure la chaîne qui passe dans son cou. Elle ne devrait pas porter autant de crédit à cette histoire stupide, elle le sait. Elle va être déçue. Elle va être en colère, peut-être. Et tout ça pour quoi ? Parce que la réalité est moins fun que la fiction. Super. Mais quel âge a-t-elle ?
Soupirant, elle joint les mains derrière sa nuque. Elle va le retirer, le ranger dans son écrin stupide et oublier cette blague idiote. Ses doigts se sont déjà agrippés au fermoir. Elle n'a qu'à actionner le petit bitoniau et ce sera terminé.
Oui, mais dans moins d'une heure, elle aura la réponse. La vraie réponse. Elle sera certainement décevante. Non, elle sera à coup sûr décevante. Mais au moins, elle sera réelle. Elle n'aura plus à garder cet espoir enfantin dans un coin de la tête. Baissant les bras avec lenteur, elle abandonne l'idée de le retirer. Après tout, il reste ce petit pourcent de chance dont a parlé Caleb. Ce serait dommage de le tuer dans l'œuf.
Comme la révélation doit avoir lieu un peu avant neuf heures, Caleb l'accompagne jusqu'à Harland. Sur le chemin, ils discutent de tout et surtout de rien, comme ils le font toujours. Du moins jusqu'à ce que le garçon interrompe le cours de ses pensées après un moment de silence.
— Tu as beaucoup voyagé, pas vrai ?
— Ouep, répond Anthéa, qui ne voit pas où il veut en venir.
Après tout, il y a deux minutes, ils parlaient d'une série un peu vieille dont ils ont entendu Venacio parler à Charlie. Un truc avec deux groupes de gens qui habitent dans des appartements mitoyens, ou un truc comme ça.
— Et... t'as déjà vécu des trucs qui t'auraient laissé penser que la magie existe ? Genre, dans des pays reculés, tout ça ?
Oh, OK. Le mythe des peuplades lointaines et exotiques qui maîtrisent des savoirs oubliés des Occidentaux.
Sérieuse, Anthéa secoue la tête. Elle a bien quelques exemples de choses étranges qui se sont déroulées dans certaines circonstances, mais toujours dans des environnements nouveaux pour ses parents et elle. Des endroits où il était possible pour un illusionniste doué de les mener en bateau. De la magie, oui, mais de spectacle. Du mentalisme tout au plus.
— En vrai... Non. À chaque fois qu'on a été confronté à des trucs limites, avec mes parents, il fallait avaler ou fumer des trucs chelous. Ils ont essayé quelques fois, je crois. Mais toujours sans moi. C'est assez mal vu de laisser un pseudo-chaman droguer sa fille dans une tente géante où quinze couillons sont complètement défoncés. Enfin, il me semble.
— Ouais. T'as sûrement raison, approuve-t-il, l'air un peu déçu. Enfin, ajoute-t-il au bout d'un moment. Peut-être qu'aujourd'hui, ce sera différent.
En guise de réponse, Anthéa se contente de lui sourire. Oui, elle l'espère, elle aussi. Mais elle aurait aimé qu'il calme un peu l'excitation qu'elle sent monter dans ses entrailles. Pas qu'il l'intensifie.
Quelques minutes plus tard, alors qu'ils ne sont plus qu'à deux cents mètres du lycée, elle glisse sa main dans celle de son ami. C'est l'heure, ou presque, mais ils n'ont pas le temps d'aller se cacher ailleurs pour profiter de ce moment à deux. Parce que, mine de rien, la sonnerie, elle aussi, est sur le point de retentir. Or, la jeune fille sait que si elle se présente en retard une seule fois cette semaine, elle n'échappera pas à la double retenue qui lui a été promise lors de sa dernière arrivée tardive. Elle ne comprend pas pourquoi, mais ça a tendance à lui arriver un peu trop souvent ces temps-ci. Elle est pourtant toujours parmi les premiers debout au manoir.
— Encore une minute, annonce Caleb quand ils s'arrêtent à quelques mètres de la grille. Tu crois que ça va faire une explosion ou un truc du genre ?
— J'espère pas, grimace-t-elle. Bonjour la discrétion, sinon.
— On aurait dû attendre le week-end, commence à s'inquiéter le garçon. Imagine que tu t'envoles ou que tu te mettes à péter des étincelles.
L'idée même de se mettre à faire une chose aussi absurde la fait éclater de rire. Ce serait hilarant, en fait. Pire, ce serait décevant si ça n'arrivait pas.
— Je crois que les profs seraient plus choqués par le pet que par les étincelles, parvient-elle à articuler entre deux rires.
— Dix secondes, annonce soudain Caleb en lui serrant la main plus fort.
Cette simple information la calme illico. Il faut que ça marche. Il faut que ça marche. Il faut que ça marche.
9
Elle prend l'autre main de Caleb dans la sienne. Celle dans laquelle il tient son téléphone, où le compte à rebours égraine ses dernières secondes.
8
Elle inspire par le nez aussi fort qu'elle en est capable.
7
Elle expire par la bouche.
6
Ses cheveux se sont encore échappés. Sans lâcher les mains de Caleb, elle les repousse derrière ses oreilles.
5
Du coup, on dirait qu'il vient de lui caresser les joues.
Anthéa surprend le regard incrédule de Priya, l'une des filles qui courent toujours derrière Chloé. À coup sûr, d'ici la récrée, toute la classe pensera qu'ils sortent ensemble.
4
Quelle importance, au fond ? Personne ne le connaît, ici, de toute façon. Ça ne risque pas de lui porter préjudice.
3
D'ailleurs, si quelqu'un l'a remarqué, il n'a pas pu passer à côté de leur amitié. Donc Caleb doit déjà avoir été catalogué comme un casse-couille, au même titre qu'elle.
2
Bon sang, est-ce qu'elle pourrait se concentrer, un peu ? Elle tourne la tête, surprend le regard de Caleb, rivé sur elle.
1
Ses mains se font broyer par celles de Caleb. Il a réellement peur qu'elle s'envole ? Allons, c'est absurde. Comme toute cette histoire.
0
L'alarme du téléphone s'emballe. Mais à part ça...
Rien. Il ne s'est rien passé.
Elle ne s'est pas envolée. Aucune étincelle n'est sortie d'aucuns de ses orifices. Elle ne se sent pas du tout différente par rapport à avant.
— Alors ? demande Caleb, les yeux brillants.
Merde. C'est là qu'elles se trouvent, en fait, les étincelles. Mais la magie n'a rien à voir là-dedans.
Elle secoue la tête et voit le sourire de son ami s'effacer. Il semble encore plus déçu qu'elle.
— On savait qu'il ne se passerait rien, tente-t-elle de lui sourire. On ne devrait pas être déçus.
Caleb hausse les épaules et avant qu'il n'ait pu ajouter quelque chose, la première sonnerie retenti. Celle qui annonce aux élèves qui ne sont toujours pas rentrés qu'il leur reste exactement trois minutes avant d'être en retard.
— Je dois y aller. On se voit tantôt et on en discute, OK ?
Caleb hausse une nouvelle fois les épaules et elle passe les bras dans son cou pour lui faire un câlin.
Merde. Merde. Merde. C'est elle qui porte le collier. Elle qui devrait être déçue au point de ne plus savoir parler.
Dans son dos, Anthéa sent les bras du garçon se refermer. Ils s'étreignent un trop bref instant puis se lâchent.
Debout l'un en face de l'autre, le moral en berne, on dirait qu'ils se quittent pour plusieurs mois. Alors Anthéa prend sur elle de lui sourire. D'un geste, elle dénoue sa cravate, détache deux boutons et arrache le sparadrap qui retient le collier tout contre elle.
— Peut-être que c'est juste moi qui n'ai pas de magie, plaisante-t-elle. Mets-le, toi. On ne...
— Non ! interrompt-il.
Il attrape ses mains qu'elle dirige déjà vers le fermoir et l'empêche d'y toucher. D'un geste tendre, il fait glisser le pendentif en veillant à ce qu'il ne se décolle à aucun moment de sa peau, puis il lui sourit enfin.
— Garde-le un jour de plus. On ne sait jamais.
Anthéa hoche la tête puis la tourne vers la grille où se pressent les derniers retardataires.
— Je dois vraiment y aller...
— Cours, lui conseille-t-il. Mais prend garde à ne pas le laisser s'éloigner de toi. Tu devrais le recoller. Juste par précaution.
Suivant ses recommandations, ou tout au moins une partie de ses recommandations, Anthéa se retourne. Et elle s'élance alors au pas de course en direction du bâtiment administratif qu'il lui faut encore traverser avant d'arriver dans la cours.
Elle a à peine mis un pied dans celle-ci, qu'une chaleur inhabituelle s'empare de sa gorge. Pulsant de plus en plus vite, cette chaleur a tôt fait de se répandre jusque dans son dos, jusqu'à son nombril, jusqu'au bout de ses membres. Ça a été si vite, qu'elle n'a même pas eu le temps de baisser la tête pour s'assurer que le pendentif ne s'était pas embrasé sans raison. Mais quand, enfin, elle pose les yeux dessus, celui-ci s'est métamorphosé.
En lieu et place de la bille aux couleurs changeantes qu'elle connaissait jusque-là, volette désormais une sorte de boule de plumes étrange. Chacune semble animée d'une volonté propre, et ensemble, elles font tournoyer la bille sur elle-même, à quelques centimètres de la peau d'Anthéa.
Retenant de justesse un cri de surprise, elle ne peut en revanche pas contrôler le mouvement de recul instinctif qui s'empare d'elle. Et qui la fait buter contre un élève se trouvant dans son dos.
— P... P... Pardon, bégaye-t-elle en se retournant d'un geste vif.
Contrairement à ce qu'aurait fait un objet inanimé, le collier n'accompagne pas sa rotation. Il tourne bel et bien, car il reste lié à elle par la chaîne en argent, mais au lieu de revenir se cogner contre son cou, il semble prendre vie d'une façon tout sauf naturelle. Avec une grimace d'incompréhension, Anthéa le voit prendre de la hauteur alors qu'il ne cesse d'agiter ses plumes bariolées. Ce n'est pas du tout discret ! Il faut qu'elle le cache. Et vite.
Elle tend la main pour l'attraper, avec la ferme intention de le fourrer dans son sac. Mais se voit prise de cours par une attaque qu'elle n'avait pas anticipée.
Une main blanche aux longs doigts fins se referme sur le pendentif avant qu'elle n'ait pu l'atteindre. La main de la personne qui se trouve devant elle. Celle qu'elle a bousculée il n'y a pas dix secondes.
Suivant des yeux le bras tendu dans sa direction, Anthéa ne le sent pas. Il a quelque chose de familier. Quelque chose de désagréable. Et en effet, arrivée au bout du bras, au bout de l'épaule qui le suit, elle découvre le visage blafard d'un abruti qu'elle ne connaît que trop bien.
Ses courts cheveux blonds ramenés en arrière par une quantité astronomique de gel, Ilias la fixe de soin air mauvais.
— Toujours aussi mal élevée, remarque-t-il en arborant un sourire à vous glacer le sang. Et complètement débraillée.
— Lâche mon collier, grogne-t-elle, prête à se battre pour le récupérer s'il le faut.
— Ton collier ? fait-il mine de s'étonner. Oh, tu parles de cette... chose ? C'est ton petit ami qui te l'a offert, hein ?! Que c'est... mignon.
Chacune de ses phrases semble plus offensante que la précédente. À ce niveau, c'est un don, note Anthéa, non sans une pointe d'inquiétude.
— Ce n'est donc pas à toi, ne dément-elle pas. Alors lâche-le.
Le sourire d'Ilias s'élargit et elle sent dans son cou la pression de la chaîne s'accentuer.
Non, panique-t-elle. Il ne va pas faire ça, il ne peut pas...
Mais c'est trop tard. Dans un SCHLAC au final presque inaudible, le maillon le plus faible cède. Dans une vision d'horreur, Anthéa voit son ennemi juré approcher le collier de son visage. Il ouvre la main et semble déçu en découvrant la petite bille multicolore qui a remplacé le tas de plumes mouvantes.
— Rends-le-moi, gronde-t-elle. Tout de suite.
— On verra, se moque Ilias en s'éloignant alors que la seconde sonnerie retentit. Si tu es sage.
Elle va lui sauter dessus. Le tabasser jusqu'à ce qu'il ne lui reste plus aucune dent. Mais une voix forte dans son dos la fait sursauter et elle voit sa chance de récupérer le collier s'éclipser comme une voleuse.
— Ilias, fait la voix de leur professeur d'histoire. Viens avec moi, s'il-te-plaît. Il s'est passé quelque chose.
Le ton de l'homme est sérieux, et un peu désolé aussi. Les deux adolescents échangent un regard et Ilias glisse le collier dans sa poche avant de suivre l'homme jusqu'au bâtiment administratif. L'espace d'une demi-seconde, Anthéa a cru apercevoir de la crainte dans ses yeux. Et cette simple impression idiote lui en a fait oublier de l'attaquer.
Ce n'est pas grave, essaie-t-elle de se rassurer. Il va bien devoir revenir. Et à ce moment-là, il va regretter son geste.
Sauf qu'après le premier cours, Ilias n'est toujours pas de retour. Après le second non-plus. Et après la pause du matin, une terrible rumeur se met à courir chez les élèves de quatrième année. Ilias ne reviendra pas avant plusieurs jours, parce qu'il y eut un accident, une chose grave. Un élève d'une autre classe affirme même l'avoir vu quitter l'école en pleurs.
Quel petit con.
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