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Chapitre 14 - Celle qui n'y croit pas (mais un peu, quand même)

Ce soir-là, allongée dans le divan de la bibliothèque, Anthéa soupire. Un livre parlant de révolutions citoyennes posé sur le ventre, elle s'ennuie. Elle a beau louer ou acheter des livres parlant de révolution, de changement de façon de vivre ou d'influence, elle ne parvient pas à fédérer plus d'une poignée d'élèves autour d'elle. Il y a Drew et Hadrien, bien sûr. Les jumeaux Reed et Marlow. Ainsi que deux ou trois élèves d'une autre classe. Mais c'est toujours beaucoup trop peu pour tenter quelque chose de sérieux.

Sans compter que les profs se méfient de plus en plus d'elle et qu'ils la tiennent désormais à l'œil. Si, au début, il n'y avait qu'Ulfsson pour lui rendre la vie impossible, aujourd'hui, il ne reste plus un seul enseignant qui ne s'arrange pour la mettre à l'écart d'une façon ou d'une autre.

Déposant le livre sur la table basse, elle avise les deux autres ouvrages qu'elle a ramené cet après-midi. Elle n'a fait que les feuilleter, pour l'instant, mais craint qu'ils ne lui enseignent rien de plus que ce qu'elle sait déjà. Ce dont elle a besoin, c'est d'un mentor, pas d'un énième bouquin relatant encore et toujours les mêmes événements. C'est à croire que les auteurs de ses pamphlets se sont contenté de se pomper les uns, les autres sans jamais aller chercher de nouveaux récits à ajouter à leur collection.

Embêtée, elle se lève et commence à arpenter la bibliothèque. Il est minuit et demi et tous les habitants sont partis se coucher depuis un moment. Elle devrait probablement suivre leur exemple, mais elle sait que même allongée dans son lit, elle ne parviendra pas à trouver le sommeil. Elle ne parvient déjà pas à se concentrer sur ses livres, alors dormir, il est inutile d'y penser.

Elle s'arrête devant une étagère pleine à craquer de livres aux dos souvent décolorés. Elle les connaît par cœur, pour les avoir déjà passés en revue à de nombreuses reprises. Mais absorbée dans ses pensées, elle les énumère pourtant une fois de plus. La tête penchée sur le côté pour pouvoir lire les titres, elle tente d'effacer de son esprit ce qui s'est passé plus tôt dans la journée.

Cette angoisse qui l'a saisie quand elle a vu Venacio recroquevillé sur la table. Quand elle a remarqué les tremblements qui le secouaient.
Elle a cru qu'il faisait une attaque, ou peut-être une crise d'épilepsie. Est-ce qu'à trente ans, on est déjà à risque pour ce genre de choses ? Ça ne lui parait pourtant pas si vieux. Bon, un peu vieux, ça oui, mais pas vraiment vieux, non plus.

Nan est bien plus âgée, par exemple. Ses parents, aussi. Et jamais une chose pareille ne leur est arrivée. Est-ce que Venacio serait malade, en fait ? Il va falloir qu'elle enquête, ou elle ne pourra plus dormir en paix.

Elle va abandonner son passage en revue quand, entre un recueil d'Anthelme Hauchecorne et une vieille édition du Monopoly, elle remarque un livre qu'elle ne se rappelle pas avoir déjà vu.

Si on veut être honnête, on reconnaîtra qu'Anthéa n'est pas une grande lectrice. Elle peut, certes, passer des jours entiers à réunir des informations dans tout un tas de livres techniques, et avaler quantité de pages en peu de temps. Mais uniquement lorsqu'il est est question d'amasser des connaissances sur son sujet de prédilection du moment. La lecture pour la lecture ne l'emballe pas plus que ça. Et il est assez rare qu'elle se pose dans le but de ne lire que pour le plaisir. Sachant cela, il serait assez naturel pour elle de ne pas avoir connaissance des livres disponibles dans la bibliothèque. Seulement, celle-ci regorge de biographies, de chroniques anciennes et de livres d'histoires. Pile le genre de livres qu'elle recherche depuis son entrée à Harland. Le genre de livres qui pourraient lui donner des pistes sur la meilleure façon de faire changer les mentalités dans cette école arriérée.

Par conséquent, le contenu de cette bibliothèque, elle le connaît. Elle le connaît même pas cœur. Car elle n'a rien laissé au hasard.

En même temps, ce livre a juste pu être mal rangé par l'un des résidents. Peut-être qu'il vient de la salle d'étude, ou même du grenier. Ça n'aurait rien de surprenant. Personne n'est réellement maniaque, ici.
Mais quand même, cette supposition ne la satisfait pas. Le dos de ce bouquin est large, très large, même. Au moins six centimètres. Et malgré tout cet espace disponible, aucun titre n'est visible sur l'espèce de faux cuir rouge fissuré. Aucun nom d'auteur.

Or, un livre de cette épaisseur, ça se remarque. Et elle est certaine qu'elle y aurait fait attention si elle l'avait déjà rencontré. Cette anomalie est suffisante pour attiser sa curiosité, et Anthéa le retire de la bibliothèque. Sous ses doigts, la couverture ancienne craque et les lettres peintes sur celle-ci s'effritent alors qu'elle passe un index dessus. Elles répandent de la poudre d'or sur ses paumes. Tracent une ligne mordorée sur sa joue quand elle repousse sa crinière hirsute.

C'est très frustrant pour elle qui a vécu dans tant de pays différents et a été confrontée à nombre d'alphabets, mais elle ne parvient pas à en identifier la langue.

Froissant les premières pages, elle se met à feuilleter l'ouvrage. Aussitôt, l'odeur de la poussière s'insinue dans ses narines. Elle éternue. Frotte son nez de la main et laisse une nouvelle traînée dorée sur son visage.

Les caractères qu'elle découvre à l'intérieur ne ressemblent toujours à rien de ce qu'elle connaît. Peut-elle même appeler ça des caractères ? Il s'agirait plutôt de sorte de dessins tremblotants ne représentant rien de spécial. Quoique non, ce n'est pas ça, non plus. Des runes, alors ? Ou encore un alphabet très ancien ? Du sumérien, peut-être ? Comment écrivaient les Sumériens ? Est-ce que ça ressemblait à des hiéroglyphes ?

Elle désespère un peu plus à chaque page qu'elle tourne. Celles-ci défilent au ralenti face à son visage sévère. Et elles refusent de lui livrer leurs secrets. À plusieurs reprises, des schémas incompréhensibles coupent le texte dense, mais ils ne la renseignent pas davantage quant au sujet du manuscrit. Les dessins sont étranges, faits de lignes courbes qui se croisent, de points mouvants et sont annotés des mêmes caractères.

Anthéa commence à se dire qu'elle n'apprendra rien de ce livre. Et que, d'ailleurs, il est trop tard pour s'en inquiéter. Quand elle sent le livre lui échapper. Arrivé au milieu de l'ouvrage, les pages de celui-ci refusent soudainement de se détacher, comme collées les unes aux autres. Or, le mouvement initié par ses mains, qui avaient commencé à feuilleter plus rapidement, envoie le livre dans les airs. Sous ses yeux fascinés, Anthéa voit alors une bille d'un rose métallisé en sortir et tourbillonner devant elle quelques instants avant de s'effondrer sur le sol. Rebondissant sur la couverture du livre qui est, lui aussi, retombé, la bille roule sur une poignée de centimètres avant d'être arrêtée par la chaîne au bout de laquelle elle pend.

Voilà un phénomène très étrange. Depuis quand cache-t-on des choses dans les livres, dans cette maison ?
Dans le silence de la nuit, Anthéa s'accroupit, ramasse le livre et le retourne. Au centre de la page à laquelle il s'est ouvert, un rectangle haut et étroit a été découpé. La page suivante a subi le même sort. Tout comme celle d'après. Et celle d'après. Et toutes les pages restantes jusqu'à la dernière. Mais ce n'est pas tout, car toutes ces pages découpées ont été collées ensemble pour réaliser une cachette discrète à l'intérieur du lourd ouvrage.

Anthéa tend la main et ramasse la bille métallique sans quitter le livre des yeux. Avec des mouvements lents, elle se redresse, marche jusqu'au canapé le plus proche et s'y installe en tailleur. Devant elle, elle pose le livre ouvert, et vient incruster le collier dans le trou. Pile la bonne taille. Il y a même une tigette métallique pour fixer la chaîne.

Elle ressort le collier de son écrin de papier et commence à faire tourner la bille entre ses doigts. Elle n'est pas plus large que l'ongle de son auriculaire. Et à la lumière du plafonnier sous lequel elle s'est assise, Anthéa se rend compte que le bijou n'est pas rose. Enfin, pas tout à fait. Sa surface, striée de minuscules chevrons, oscille entre le rose et le vert, le bleu et l'orange, le jaune et le gris. Telle une microscopique tâche d'essence sur l'asphalte huileuse d'après l'averse, la sphère mystérieuse reflète toutes les couleurs de l'arc-en-ciel quand on la fait rouler.

Elle est étonnamment lourde pour sa taille, note Anthéa en la soupesant dans sa paume. Peut-être est-elle faite de plomb ? Ou mieux encore, d'or massif ! Ça serait assez surprenant vu l'endroit où elle l'a trouvée, mais au fond, pourquoi pas ?

Désireuse d'en savoir plus au sujet de cette étrange découverte, Anthéa reprend son étude des caractères mystérieux.

Peut-être que ça ne veut rien dire, soupire-t-elle plus d'une heure plus tard. Peut-être que quelqu'un a voulu faire une blague à la personne qui mettrait la main dessus ? Une sorte de Voynich moderne. C'est un peu décevant, tout de même. Et c'est avec une pointe d'agacement qu'elle referme le livre, le collier toujours dans la main.

Je le porterai demain, décide-t-elle. Et je surveillerais tout le monde pour voir leurs réactions.

Le lendemain, à la différence de nombre d'autres jours, Anthéa n'est pas la première à se lever. Peut-être parce qu'elle a veillé jusqu'à deux heures du matin. Peut-être parce que c'est samedi et que son corps profite de ce premier jour du week-end pour se reposer. Dans tous les cas, quand elle arrive dans la salle à manger, Darcy, Simran et Caleb y sont déjà installés. En se glissant à côté de ce dernier, elle jette un regard furtif à chacun des trois adolescents. Aucun ne semble avoir remarqué le collier qui pend autour de son cou, mais ce n'est pas grave. Elle va les forcer à se rendre compte de son existence.

Se relevant, elle se penche sur la table, devant Caleb. Le bras étendu, elle fait mine de galérer à attraper le pain qui se trouve à sa droite.

— Un coup de main ? demande le garçon, qui s'est reculé sur sa chaise pour ne pas se faire bousculer.

— Non, non, c'est bon. Je l'ai, lui sourit-elle.

Il n'a même pas accordé un regard au collier alors qu'elle vient de le lui mettre sous le nez. Ce n'est pas lui. Bien entendu. Il lui en aurait parlé s'il avait caché quelque chose dans la bibliothèque.

Reprenant sa place, elle étale une épaisse couche de beurre sur sa tartine, sans interrompre la surveillance qu'elle exerce sur les deux autres. Plusieurs fois au cours du repas, elle tente encore d'attirer leur attention sur la bille mordorée, mais sans succès.

À la suite de ça, elle passe la journée à essayer de déclencher une réaction chez les habitants du Manoir, mais aucun d'entre eux ne semble ne serait-ce que remarquer l'existence du collier.

Pourtant, elle ne lésine pas sur les efforts. Elle trébuche exprès en entrant dans la bibliothèque et entraîne Simran dans sa chute, manquant de l'éborgner avec le pendentif. Elle le fait rouler sur le bureau de Venacio, pendant qu'elle lui narre par le détail sa dernière retenue avec Ulfsson. Ça provoque un boucan infernal dans le laboratoire jusqu'alors silencieux, mais il se contente de soupirer comme il le fait dès qu'elle devient trop bruyante pour lui. Elle va même jusqu'à le faire osciller tel un pendule d'hypnose devant les yeux de Zia et manque de s'étouffer avec en présence de sa grand-mère.

À la fin de la journée, il n'y a qu'avec Darcy qu'elle n'a rien pu tenter. Mais iel était là au moment de la chute sur Simran, et puis au petit-déjeuner, aussi, et elle n'a rien noté de significatif dans son comportement. Sans compter que s'il y a une personne qu'elle n'imagine pas faire une blague de ce genre, c'est bien Darcy.

Allongée dans son lit, ce soir-là, elle fait tourner la boule minuscule entre ses doigts. Mouvement automatique auquel elle ne pense pas, car elle est absorbée par la lecture d'un essai loué à la bibliothèque. Celui-ci parle de codes secrets utilisés par les résistants durant la 1re guerre mondiale. Des codes où certaines lettres en remplacent d'autres. Où il faut une clef pour parvenir à le craquer.

Relevant les yeux de son livre, Anthéa stoppe son mouvement, faisant chuter la bille. Elle la retient par sa chaîne avant que celle-ci ne lui échappe pour de bon et, expédiant son livre au bout du lit, elle bondit sur ses pieds. En deux pas, elle est à genoux devant son armoire et a sorti le manuscrit à la couverture rouge de sous ses uniformes propres, là où elle l'a caché la nuit précédente.

De retour sur son lit avec un bloc de feuilles et un feutre, elle rouvre le livre à la première page. Si on peut remplacer des lettres par d'autres, pourquoi ne le pourrait-on pas avec des petits dessins ? Elle a un instant d'hésitation en voyant le long paragraphe, puis décide de plutôt commencer par la page qui fait face à l'écrin découpé. Parce qu'il y a moins de texte, déjà. Mais aussi parce que si c'était elle qui avait réalisé ce livre, elle aurait choisi cet endroit pour laisser quelques explications au sujet du collier. Avec l'espoir que la personne à l'origine du livre partage sa façon de penser, elle commence donc son analyse des idéogrammes inconnus.


Si elle ne se trompe pas, elle devrait voir certains caractères se répéter plus que d'autres. Car dans toute langue, certaines lettres sont plus souvent représentées.

En français, le E l'emporte haut la main.
Le A, aussi, a un certain succès. Et les lettres L, D, T et M sont communes dans les mots faits de deux ou trois caractères, comme les articles ou les adjectifs possessifs.

Avec ça, ce serait bien le diable si elle ne parvenait pas à décrypter une partie du message. Alors elle se met au travail.

Avec ces nouvelles informations en tête, il ne lui faut pas très longtemps avant d'identifier ce qui est, si ses supputations sont exactes, un E.
Bien vite, il est rejoint par un T, un S, un C. Q et U sont les suivants. P et A viennent encore après. Avec ça, elle commence à composer des bouts de phrases qui semblent vouloir dire quelque chose. Des mots qui existent, en tout cas. Une logique.

Pendant plusieurs heures, elle triture les symboles, l'alphabet et ses méninges. Courbée sur son lit, elle ne voit pas le temps s'écouler, ne se rend pas compte de l'exclamation de joie qu'elle pousse quand, enfin, la solution se dessine sous ses yeux.

Que sais-tu de la magie ?
Qu'elle ferait voler en éclats ta petite normalité ?
Mais si elle te choisissait ?
Si elle te changeait ?

Une journée contre ta peau
C'est tout ce dont elle a besoin
Pour que de tes doigts
Le pouvoir s'écoule
Que ta nature se révèle
Que ta magie se réveille

Des phrases complètes, des instructions. Une histoire invraisemblable de magie.

Les yeux brillants d'excitation, Anthéa, récupère le collier, qu'elle avait posé sur sa table de chevet.
Il est impossible que ce soit vrai. Car après tout, la magie, ça n'existe pas. Et pourtant, dans son estomac, l'excitation est alimentée par une lueur d'espoir insensée.

Plus qu'une lueur, d'ailleurs, cette volonté de voir cette fantaisie devenir réalité ressemble davantage à un feu de joie.

Elle ne peut pas garder ça pour elle. Il faut qu'elle le partage. Tout de suite.
Sautant sur ses pieds, Anthéa se rue sur la porte avec dans une main le livre ancien et, autour du cou, le collier magique.

Quatre secondes plus tard, elle est dans les escaliers, descendant aussi silencieusement qu'un troupeau de buffles en pleine transhumance. Une fois le pied posé sur le plancher du second, elle s'élance vers la porte ornée d'un cadre rouge.
Celle-ci est enfoncée sans ménagement. Puis refermée de la même façon.

Dans son lit, Caleb sursaute. La porte vient de claquer. Qu'est-ce que ?
Jamais personne ne vient dans sa chambre. Ni l'oncle Eugène, ni la tante Drussila. Pas même Cassius, puisque ses parents doivent continuer à ignorer la relation qu'ils ont tissée dans leur dos.

Les yeux grands ouverts dans cette pièce si sombre, Caleb se met à trembler. Le fait de ne rien voir le terrifie. Et ses foutus globes oculaires qui prennent un temps fou à s'habituer. Bon Dieux, mais qu'est-ce qui a fait autant de bruit ?

Dans l'obscurité, Caleb distingue une respiration. Une respiration essoufflée. Et des pas. Des pas qui galopent, qui se dirigent vers l'endroit où il se trouve. Vers son lit.
Il a envie de crier, mais personne ne viendra à son secours, alors, à quoi bon ? De toute façon, la chose qui bouge dans le noir a déjà effectué la moitié du chemin. Il va se faire dévorer. Il va...

Le matelas s'affaisse brusquement au niveau de ses pieds et Caleb fait un bond en arrière. Dans la pénombre, il distingue des mouvements. Des bras, probablement. Des bras qui balayent l'air, qui le cherchent.

Dans un réflexe désespéré, le garçon se jette en arrière. Les bras s'éloignent, la masse sombre aussi. Et le matelas sous lui disparaît. Ses fesses rencontrent alors une surface dure, froide, inamicale. Et il roule sur le dos, se protégeant la tête avec les bras.

— Ouch ! ne peut-il retenir quand son coccyx heurte le sol et que les larmes lui montent aux yeux tant la chute a été violente.

— Caleb ? demande alors une voix fluette. Caleb !

Une lumière vive déchire les ténèbres. L'aveugle alors qu'il s'en protège, mettant sa main en visière.

— Anthéa ? bafouille-t-il.

Car cette voix, il l'a reconnue. Et ce visage encadré d'une tignasse hirsute qui l'observe, à peine éclairé par la lampe de son smartphone, il sait qu'il n'a pas à le craindre.

C'est vrai, il n'habite plus chez l'oncle Eugène et la tante Drussila. Comment a-t-il pu l'oublier ? Ça fait presque deux mois, maintenant.

— Il s'est passé quelque chose, s'inquiète-t-il alors en se remettant debout.

— Ça, tu peux le dire, confirme-t-elle.

Aussitôt, le cœur de Caleb se serre et il lui faut plusieurs secondes avant de trouver l'interrupteur près de la tête de lit.

Quand la pièce s'illumine, il découvre son amie allongée sur son lit, son téléphone braqué sur lui et l'air plus enjoué que jamais.

— Tu... Qu'est-ce que... Quoi ?

L'incompréhension dans son regard ne perturbe pas Anthéa, qui se redresse et lui fait signe de venir s'asseoir avec elle.

Caleb, pourtant, ne voit pas les choses de cet œil. Il a eu peur. Vraiment peur. Pour lui, dans un premier temps. Mais aussi pour elle et pour les autres, ensuite. Or, là, il a soudain l'impression qu'elle ne l'a réveillé que pour qu'il vienne jouer avec elle et ce vieux grimoire moisi qu'elle transporte.

Caleb adore lire. Il en a rarement eu l'occasion du temps ou il habitait chez son oncle et sa tante. Ne pouvant que profiter des récréations pour aller lire à la bibliothèque de l'école. Priant chaque jour pour que personne n'ait la fabuleuse idée de louer précisément le livre sur lequel il a jeté son dévolu. Et ce, pendant au moins une ou deux semaines, le temps qu'il le termine. Depuis qu'il habite au Manoir, il s'est rattrapé et a avalé un maximum de romans, de bande dessinées et de mangas. Louant chaque jour les goûts extraordinaires de Vivienne, qui est celle à qui ils doivent le plus gros de leur catalogue.

Cette nuit, pourtant, il n'est pas d'humeur à lire. Parce qu'il sait qu'Anthéa privilégie les livres de non fiction, peut-être. Chose qui, lui, ne l'intéresse pas plus que ça. Mais aussi, et surtout, parce qu'il est trois heures et demie du matin et qu'aucun livre ne mérite qu'on se fasse réveiller à une heure pareille. Pas même les meilleurs.

La jeune fille n'est de toute évidence pas de cet avis puisqu'elle a déjà commencé à lui expliquer en quoi consiste sa fabuleuse découverte.

— Anthéa ! l'interrompt-il, d'une voix rauque. L'intimité, c'est un concept qui te parle ?

Il ne sert à rien de lui parler de l'heure, elle occultera ce détail, il le sait. Alors, il choisit un autre angle d'attaque.
Il ne lui a jamais refusé l'entrée, mais là, au milieu de la nuit, il aurait très bien pu être endormi complètement nu. Ou même occupé à tout autre chose.

— Pas tellement, répond-elle sans même lever les yeux vers lui.

Ce n'est pas le bon, semble-t-il au vu de son haussement d'épaules.

— Regarde ça, ajoute-t-elle, plutôt. Je dis pas que j'y crois, hein, parce que, bon, c'est un peu gros, et tout. Mais... imagine que ce soit vrai, quand même... Ça coûte rien d'essayer, alors, voilà. Mais tu regardes pas ! Viens. Regarde, j'ai traduit ça, là, maintenant. Ça m'a pris, je sais pas, une heure, peut-être ? Ou deux ? Enfin, l'important, c'est que maintenant, je comprends ce qui fait écrit. Mais viens voir ! Bon, d'accord, attends, je vais te le lire.

— Anthéa...

— Que sais-tu de la magie ? Qu'elle ferait voler en éclats ta petite normalité ? Mais si elle te...

— Anthéa !

Le ton de Caleb s'est fait plus dur et, enfin, elle lève les yeux vers lui, qui est resté debout devant son lit.

— T'as une idée de l'heure qu'il est ? Si c'est pas une question de vie ou de mort, tu m'en parleras demain.

— Mais...

— Non. Oust ! J'ai sommeil, moi.

— Caleb ! Tu n'as pas idée de ce que...

— Non, la coupe-t-il. J'ai pas idée. Et j'ai pas envie d'avoir idée à 3 heures du mat'. Laisse-moi dormir, tu m'expliqueras demain.

— Caleb, c'est super important !

Le garçon soupire et croise les bras sur son torse dans une attitude qu'elle ne lui connaît pas.

— C'est une question de vie ou de mort ?

— Je... Non...

— Alors, ça peut attendre demain. Oust.

Sans ménagement, il lui attrape le bras, et Anthéa a juste le temps de récupérer ses affaires avant qu'il ne la mette à la porte.

Pourquoi s'énerve-t-il comme ça ? Elle n'a même pas pu lui expliquer la raison de sa venue.

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