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Chapitre 3.1

Les jours suivants, Opaline se prit à traîner une certaine amertume dans son sillage. Chaque chose lui inspirait un regard morne. En vérité, la jeune femme baignait tout entière dans l'indifférence.

Il était difficile d'oublier l'escapade chez Baya Hautesort, et cette liberté relative qui l'avait vue renaître, et ces émotions sauvages qui l'avaient habitée alors ! Son esprit goûtait encore la fraîcheur de la nuit.

En conséquence, il lui répugnait de se plier au confinement de l'Onirium.
Opaline s'enveloppait d'une humeur massacrante et, pour dissoudre son ennui, griffonnait des chats partout. Au fil des jours, du bout de sa plume, elle liait des courbes félines à chaque encoignure d'ouvrage, chaque feuillet ; là, à l'aide d'une fourchette, sculptait même jusqu'à sa purée.

D'ailleurs, le plat insipide se prêtait tant à l'art qu'à la dégustation.
Le fracas proche d'une écuelle lui fit lever la tête de son œuvre : Gabrielle venait s'asseoir à ses côtés.

La jeune femme lui adressa un vague salut, peu désireuse d'entamer la conversation. L'autre se composa néanmoins une figure joviale.

— Bon appétit !

Durant une seconde, l'attention générale fut reportée sur le dîner. On sentait cependant une certaine tension dans le raclement des couverts. Les regards dérivaient, furtifs. Il régnait cette fausse sensation de paix jusqu'à ce que Gabrielle ne tînt plus et s'exclamât :

— Allez, raconte ! 

Son regard était incisif. En fait de la dévisager, Opaline se demanda si la fille ne dénombrait pas plutôt ses taches de rousseur. La brunette se tendait, curieuse, insatiable, la bouche avide, la mine exaltée, dans l'espoir d'une réponse. Elle paraissait plus enfantine encore que d'ordinaire. Ses tresses frôlaient la purée à mesure qu'elle penchait vers son vis-à-vis.

Sans qu'elle parvînt à en saisir l'origine, Opaline mesurait la fascination de sa compagne au sujet de Baya. À son retour de retenue – l'horloge pointait alors minuit – elle l'avait trouvée débout, fiévreuse, brûlant de lui extorquer la moindre information.

En vain : l’accablement d’Opaline pesait sur sa langue et son esprit aspirait au silence. Dès lors, la gamine s'acharna. Frondeuse, elle accrocha le regard de son aînée : noir contre ambre.

— Pourquoi tu te tais  ?ronchonna-t-elle. Je voudrais simplement savoir ce que vous avez vu. Pas besoin d’en faire un tel mystère !

Pourtant, Gabrielle ne s’imaginait pas comme un tel récit serait pénible à offrir. Si Opaline cédait à son caprice, l’escapade pourrait se poursuivre au gré de la discussion ; et ce serait un joli souvenir tracé au fil des mots, une fenêtre entrouverte pour l’imaginaire.  Les sensations afflueraient en masse. Elles s’évaderaient le temps d’un repas… Et puis ce serait tout. Malgré le leurre de ces belles paroles, la réalité restait prisonnière de l’Orphelinat : jouissance d’hier – douleur d’aujourd’hui.

Par pur égoïsme, Opaline se refusait à ce contraste. Sa voix prit une teinte revêche :

— Laisse-moi tranquille.

Il en fallait bien davantage pour que l’autre en démordît. Maintenant, la gamine s’essayait à la cajolerie :

— Si c’est à cause de mes mauvais coups, je suis désolée, d'accord ? C'était stupide et je m'en excuse.

La jeune femme considéra la mine de sa camarade. Droite et résolue, elle soutenait sans peine son jugement silencieux.  Bien involontairement, cela conforta Opaline dans son refus. Gabrielle avait cette même expression lorsqu’elle mentait. Hors de question qu’elle s’y laisse prendre une fois encore !

Mais une seconde plus tard, il y eut une infime nuance dans son maintien. Cela s’apparenta à un abandon de sa malice. Oh, rien de très visible! Ses yeux brillèrent davantage, la faisant paraître plus fragile, ses mains effleurèrent la table au hasard, un songe emporta son esprit au loin ; ce furent autant de détails qui interpellèrent Opaline.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— Rien.

Gabrielle soupira puis, presque malgré elle, versa gravement dans la confidence :

— Je suis née ici – ou presque. En treize ans, je n’ai jamais mis un pied à l’extérieur de l’Orphelinat. Voilà pourquoi Chronopolis me fascine. Les récits de ceux qui en viennent me fascinent.

— Débrouille-toi pour avoir une retenue, hasarda Opaline.

L’autre secoua la tête. On sentait bien comme sa candeur fanait au contact du désespoir. Quoique juvénile, son visage n’était plus celui d’une enfant.

— Tu ne comprends pas. Miss Rudoie…

Gabrielle s’interrompit pour jauger les alentours – précaution bien inutile, tant le réfectoire bruissait de cris et de rires.

— Miss Rudoie sait parfaitement ce qui nous mate, grinça-t-elle. Le petit Ambroise Boicourt, par exemple, lui qui a une phobie terrible du sang… Eh bien, elle lui fait classer toutes ses fioles immondes deux fois par semaine.

Avec un rictus haineux :

— Moi, elle ne me laissera pas sortir. Jamais.

À la faveur d’un douloureux soupir, Opaline songea au médaillon de sa mère. L’imaginer au cou de cette horrible femme la répugnait. Gabrielle poursuivit.

— Je pense que l’Empereur lui refile quelques rêves en bouteille.

Un sursaut :

— Tu crois ?

— Je ne sais pas… Il faut une sacrée dose d’imagination – même malsaine – pour torturer tout ce petit monde, renifla la fillette.

Silence parmi le brouhaha. Mais Gabrielle Malacieux retrouva bien vite sa morgue. Que furent ses confidences, sinon un bref moment de faiblesse ? Par la force de l’habitude, elle leva un menton dédaigneux.

— J’ai bien compris que tu ne dirais rien ; je m’en vais !

Une envolée de tresses plus tard, la fillette disparaissait.
Les secondes s'égrenèrent ensuite avec difficulté. Comme la discussion lui avait noué l'estomac, Opaline sortit à son tour. 

À peine eût-elle fait trois pas hors de la salle qu'une main s'empara de sa manche. La jeune femme fut tirée à l'abri d'une colonnade. Face à elle, le sourire goguenard de Théophile Fauvevent.

— Arrête de faire ça, maugréa-t-elle avec humeur.

— Marchons, dit-il.

Peu au fait de son timbre bougon, il l’entraîna à sa suite. Ils s’enfoncèrent dans les entrailles de l'Onirium. Ses enjambées étaient immenses : Opaline trottinait presque dans son sillage. Le garçon déclara :

— Liam voudrait te parler.

— Pourquoi ?

Théo dépeigna ses boucles d'or. Il semblait nerveux, désormais. Opaline lut dans la sévérité accrue de son visage quelque tension inhabituelle.

— Il a quelque chose d’important à te raconter. Il m’a chargé de te faire la commission.

— Théo ? hésita la jeune femme, qui s'impatientait toutefois. Pourquoi tu ne me dis pas toi-même ce qu’il se passe ?

— C’est à lui de le faire. Tu vas le retrouver à la bibliothèque.

Ils continuèrent en silence. La moquette déroulait, sous leurs pas empressés, une étendue rêche, quoiqu'infinie. Peut-être tournaient-ils en rond ? On ne pouvait en juger, du fait de la similitude de chaque corridor.

L'horloge sonna soudain le couvre-feu. Théophile l'agrippa alors aux épaules, de sorte qu'elle ne pût se dégager, pour ficher son regard dans le sien. Il articula avec sérieux :

— Écoute-moi. Tu vas te cacher dans ce coin, là-bas – il inclina la tête en direction d'une combe obscure. Personne ne songe jamais à y jeter un œil. Dans quinze minutes, un pion passera devant. Surtout, ne fais aucun bruit. Quand il aura passé l'angle du couloir, file jusqu'à la bibliothèque. Tu prendras l’escalier nord.

— Mais…

— Ecoute-moi, j'ai dit ! Là, tu
déverrouilleras la porte. Compris ?

— Je ne sais pas…

— Ensuite, tu attendras Liam.

— Longtemps ?

— Tu attends qu’il arrive, c'est tout, soupira le garçon.

Opaline s'emporta :

— Tu es détestablement autoritaire !

— Mes plans pour éviter les pions paraissent tordus, mais ils fonctionnent au poil, biaisa l’autre avec un rictus malicieux. 

Ensuite, Théophile enfonça la main dans sa poche. Il en sortit son canif, le tendit à sa camarade, mais suspendit sa course à mi-chemin. On sentait, dans la précaution du geste, une répugnance suprême à s'en défaire. Les doigts imprimaient leur poigne sur le manche, empreints d'une telle ferveur qu'ils fusionnaient presque avec l’objet.

Ils contemplèrent les reflets d'argent, muets, immobiles, sans entreprendre le moindre transfert. Le jeune homme marmonna enfin :

— Voilà pour la serrure. Surtout, fais-y attention. Jette-toi de la fenêtre plutôt qu'ils s'en emparent, si jamais on te repère avec.

Les sourcils d'Opaline se haussèrent devant ce dramatisme exacerbé. Était-ce une plaisanterie ? Elle lisait néanmoins une réelle tension dans sa prise autour du canif. Le garçon attendait, pâle et figé, qu'elle s'en saisît.

Au lieu de quoi, elle leva la main à son chignon et en retira une épingle. 

— Garde le, sourit-elle. Je vais me débrouiller avec ça.

— Parfait ! s'écria le garçon.

Il s'en alla, porté par de larges enjambés extatiques. Une fois seule, la jeune femme se surprit à espérer son retour. La solitude était terrible.

Il y avait la plainte effroyable du vent au dehors. La bâtisse frémissait sous ses assauts. Avec un frisson, Opaline se dissimula à l'endroit indiqué : un creux entre deux blocs de marbre abattus. Elle tira les plis de sa jupe et, appuyant son front au mur, entreprit de compter les secondes.

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