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Chapitre 2.2

Vint le jour où le ciel se dégagea enfin. La bise glaciale cinglait le blizzard et le faisait s'enfuir. Il régnait un froid atroce, au dehors. Le soleil brillait néanmoins : ses éclats accrochaient des larmes dorées sur la glace.

Il prit à Opaline l'envie d'exposer son être à la morsure de l'air hivernal.

On était dimanche. Les pensionnaires jouissaient d'une certaine liberté, pour peu qu'ils restassent entre les murs de l'Onirium. La plupart recevait la visite de parents éloignés - Gabrielle voyait sa bisaïeule, une très vieille femme sénile. Quant aux autres enfants, ils goutaient au confort de la bibliothèque.

N'ayant pas plus prétexte à la visite que désir de s'enfermer, la jeune fille s'enveloppa de sa pelisse et se rendit à l'extérieur. Le préau était gris. À peine un rayon de soleil y perçait-il. La neige des derniers jours l'avait couvert d'une boue épaisse, putride et glissante.

Le regard d'Opaline s'accrocha un instant aux entrelacs glacés qui couraient sur la brique. C'était une dentelle étincelante, toutefois, sa délicatesse ne masquait pas l'aspect massif du bâtiment. Elle leva le nez vers la tour de l'horloge.

On devait avoir une belle vue de là-haut : la bâtisse perçait le ciel. Opaline haussa les épaules. Pour autant qu'elle le sût, l'accès n'en était pas défendu.

Elle ajusta les pans de son manteau, accrocha un sourire innocent à ses lèvres -au cas-où- et poussa la porte. Devant elle, un escalier déroulait ses paliers dans l'obscurité. Il paraissait infini.

Opaline s'y engagea.

Bientôt, il n'y eu plus que la cadence de son pas, la brûlure de ses cuisses, le panache embrumé de son souffle. Au fil de son ascension, son esprit se libérait, peu à peu, presqu'avec douleur, de la certitude que rien n'arriverait plus.

Depuis quand ne s'était-elle délivrée de cette résignation ? De cette langueur ? L'ennui l'avait asservie dès les portes de l'Onirium renfermées. Les jours, alors, s'étaient amalgamés en grise routine, si bien fondus entre eux qu'elle en avait perdu le compte. Deux semaines ? Trois ? Quatre.

L'effort la réveillait. Et son cœur, dont le staccato allait croissant, et son inspiration saccadée, brûlante, perçaient les brumes de son âme.

Elle courut les derniers mètres pour franchir le seuil d'un bond. Le panorama la figea sur place.

Derrière les draps de l'Onirium qui claquaient au vent, on distinguait chaque quartier de Chronopolis. Il y avait là, en bas, les usines, clairement indiquées par leur étendard de fumée. Les panaches semblaient distiller leur gris aux alentours.

Plus loin, le fleuve creusait une courbe moirée ; les masures de pêcheurs s'écrasaient sur son flanc majestueux. Et au-delà, à condition qu'on plissât le regard, se dessinaient les halles du marché, les colonnades des résidences, les hautes coupoles impériales.

Opaline promenait un regard gourmand sur ces beautés en contrebas. Comme cela arrive parfois à l'heure des plaisirs intenses, la jeune jouissait d'une perception aiguë d'elle-même. Les mèches folles qui dansaient sur sa nuque, ses pommettes griffées par le froid et ses cils inclinés sous le chatoiement des tuiles : cela ressemblait à la plénitude.

Apaisée, elle offrit son visage au soleil lorsque :

- Belle vue, hein ?

Elle sursauta. C'était Liam. Adossé à un muret, il portait un regard serein, quoique pétillant, sur sa personne. Le garçon enfonça davantage ses mains dans ses poches et lui offrit un sourire :

- D'habitude, je viens seul ici. Mais assieds-toi, je veux bien partager.

- Merci, marmonna Opaline.

La jeune femme conserva un mutisme avisé en s'installant non loin. L'autre était retourné, lui aussi, à une contemplation silencieuse. Sur le toit, l'on entendait plus que le froissement des draps.

Avec la délicatesse des gens discrets, Opaline détailla son camarade.

Le garçon affichait un profil agréable : nez allongé, mâchoire volontaire, fossette au coin des lèvres. Une cicatrice affirmait l'arête de son menton. Il émanait cependant une noirceur sous-jacente à cette apparence. Le pli des sourcils ourlait l'outremer des pupilles d'un bleu plus marine. Ses cheveux étaient bruns, incessamment ébouriffés par le vent.

Comme Liam s'agitait, Opaline reporta vivement son regard dans le lointain.

- C'est drôle, lança-t-il.

- Pardon ?

- Je t'imaginais plutôt du genre à réviser ton cours de métaphysique des ombres.

Elle éclata d'un rire aigre, dont les trilles s'éparpillèrent longtemps parmi le froid. On sentait l'amertume dans ce rire. Puis Opaline, comme si les mots piquaient ses lèvres, lâcha à tout trac :

- À propos des ombres, il y a un os, non ?

Elle se mordit les lèvres, trop tard cependant. Et puis, à quoi bon se taire ?

Il y avait ces phrases à l'aplomb de sa bouche, dont les voyelles s'impatientaient de tinter. Il y avait cette certitude sous son crâne, depuis des jours, d'abord infime, puis s'affirmant à mesure que la mollesse de l'orphelinat se refermait sur elle : l'Incubation ne représentait rien qu'une énorme farce. Et il lui semblait être la seule consciente de cette mascarade funèbre !

Elle devait parler. Au terme d'une profonde inspiration, Opaline prit la parole :

- Ma mère... Je crois qu'on l'a assassinée.

Liam afficha soudain une mine incrédule ; elle s'exclama :

- Ne me traite pas de menteuse ! J'ai vu son corps. Je l'ai vu. Une voisine m'a prévenue. Ils l'avaient découverte au fond d'une ruelle, tout près de la maison...

Avisant du décousu de ses propos, la jeune femme passa un doigt malhabile sur ses paupières. La tristesse pointait à mesure que la scène se rappelait à sa mémoire.

- Sa gorge était arrachée ; le sang faisait comme un voile brun et gluant. Les lambeaux de trachée, et toutes ces marques sur sa peau !... je n'arrivais pas à la reconnaître.

Il n'y avait plus nulle trace du garçon, du froid, du panorama ; non, juste une sensibilité exacerbée de ses propres mots. Son récit la portait. Ses mots la noyaient.

- J'ai crié. Pleuré et vomi, aussi. La milice m'a conduite ici dans l'instant. Ils parlaient d'accident. Mais quel accident aurait causé cela ? Quelqu'un a tué ma mère. Quelqu'un l'a égorgée - mais tous les adultes sont purs. Quel paradoxe ! Un meurtre mais pas de meurtrier.

- Un enfant ? hasarda Liam. Pas encore Incubé ?

Opaline se contenta d'une œillade sévère. L'autre poursuivit :

- Avait-on des raisons d'en vouloir à ta mère ?

L'orpheline frottait l'une contre l'autre ses mains exsangues. Désormais, les prunelles bleues du garçon épousaient chacun de ses gestes. Face à tant d'intensité, elle hésita un peu :

- Tu ne vas pas me croire... Je sais que c'est impossible mais... Elle avait une ombre.

Son camarade blêmit.

- Tu es sûre ?

- Je ne sais pas, je la très voyais peu - seulement le soir, dans la pénombre. Elle travaillait beaucoup, tu sais ? Mais elle me paraissait plus vivante que les autres adultes. Plus imprévisible, plus enjouée...

Liam bondit sur ses pieds. Il vint l'attraper au col ; une lueur presque folle flambait dans les volutes céruléennes.

- Tu pourrais jurer qu'elle avait une ombre ?

Suspicieuse, la jeune fille détailla son compagnon. Il subit l'examen sans faillir.

- Tu sais quelque chose.

Le ton d'Opaline sonnait comme une sentence. L'autre la couvrit d'un regard étrange sans répondre toutefois. Une goutte de sueur perlait à son front. Le silence prit une teinte particulière. Quelque chose se jouait quand la lingère débarqua sur le toit. Elle annonça d'une voix neutre :

- Il est interdit d'être là. Je vais devoir vous conduire jusqu'au bureau de la directrice.


- Par quel phénomène étrange et désolant se peut-il que ce soit toujours vous ?

Miss Rudoie adopta une mine affectée. Assise à son bureau, elle tapotait d'un doigt gourd le cristal d'une fiole. Son attention, toutefois, demeurait tout entière dévolue aux jeunes gens. Liam, le dos très droit, s'appliquait à rester impassible. L'adolescente l'imitait ; il y avait cependant ce malaise diffus qui la prenait à la gorge. L'atmosphère rougeâtre de la pièce agressait ses sens.

- Monsieur Chassemai, votre persévérance dans les actions délictueuses me désole. Il n'y a rien de surprenant à ce que vous trouviez un complice en la personne de cette très chère Opaline Verrepois. Sa nature simple et naïve n'aura su contrer votre invite au vice, je le crains.

Miss Rudoie adressa un sourire poli à son auditoire. Opaline avisa comme ses lèvres se plissaient horriblement. La moue était à la mesure de la femme : repoussante.

- Voyons voir, poursuivit négligemment Rudoie. Il me semble que les sanitaires nécessitent un bon récurage. À moins que... Oh oui, cela devrait vous plaire, monsieur Chassemai. Vous irez chez Baya Hautesort.

La mâchoire de Liam saillait tant il peinait à demeurer stoïque. Sa compagne d'infortune s'en étonna : la punition était-elle donc si terrible ?
La directrice soupira :

- Ce sera tout.

Ils sortirent. Appuyé au mur, tout contre le chambranle, Théophile patientait. À leur vue, il repoussa ses boucles blondes pour afficher une grimace malicieuse.

- Alors ?

Son ami fit peu cas de sa présence ; il jeta par-dessus son épaule :

- Baya Hautesort.

Sa haute silhouette s'enfonçait déjà dans le corridor, esseulée, cerclée de l'aura sombre de son humeur. Quant à Théo, il se fendit d'un sourire. D'un geste nonchalant, son bras engloba les épaules d'Opaline tandis qu'il lui claironnait à l'oreille :

- Ah, Aline... Tu as de la chance, je ne suis pas jaloux. Mais Liam est mon partenaire de retenue, d'habitude.

Elle rit - et se libéra de son étreinte.

- Pas de panique. Je n'ai pas l'intention de renouveler cet exploit.

- Parfait.

Ils marchaient côte à côte, d'un pas vif mais néanmoins propice à la discussion.

- En quoi consiste la punition ?

Le garçon se rembrunit ; ses traits parurent s'émacier plus encore. Sous l'épaisse toison blonde, Opaline crut voir un éclat douloureux allumer ses iris. Il eut un geste las.

- C'est très simple : chargement et déchargement de caisses. Mais il faut accompagner la cargaison de rêves chez Baya Hautesort, la Spécialiste Onirique Impériale.

Les lèvres d'Opaline s'arrondirent sur un souffle étonné. Elle guetta un signe de farce sur le visage de son compère, mais elle n'y lut qu'une grave approbation. Elle insista alors :

- Ils nous permettent de sortir de l'Orphelinat ?

- Voilà la vraie punition, grogna-t-il. Parce qu'il faut rentrer ensuite.

- Oh.

Absente, elle mâchonna sa langue un moment, avant qu'une autre interrogation - et les bonnes manières - ne se rappelassent à elle.

- Personne ne s'est jamais échappé ?

- Personne.

- Mais si quelqu'un le faisait ?

Le regard de Théophile la dissuada d'insister.

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