Le lendemain, dans la chambre d'Ange.

Aigle est assis sur une chaise à côté du lit où se trouve allongée Ange.

Il attend son réveil, perdu dans ses réflexions.

Quelques jours auparavant.

Husky était arrivée légèrement en retard, en haut de la tour, d'où ils passent la majorité de leur temps à surveiller le parc.

Aigle : D'où tu sors ces deux poissons géants en métal ?

En effet, elle tenait de chaque main, par la queue, un long poisson aux écailles de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel.

Husky : C'était sur un mur, comme décorations.

Aigle : Et pourquoi tu les as arrachés au lieu de les laisser en paix sur leur joli mur ?

Husky : Bah écoute, je n'arrive pas à trouver d'armes qui me conviennent. Je fais ce que je peux, hein.

Aigle : Tu m'étonnes, peu importe ce que tu prends, tu le casses dès la première utilisation...

Husky : C'est pas de ma faute ! Je suis juste un peu trop forte.

Aigle : Leurs yeux globuleux font flipper, éloignent-les de moi, s'il te plaît.

Husky : Mais non, arrête, ils sont si mignons.

Aigle : Je retire ce que j'ai dit : c'est toi qui es flippante. Un peu comme mon fils en fait. Il aimait manger les yeux des poissons. D'après lui, la texture est satisfaisante à croquer... Moi je trouve ça juste flippant. (Husky approche peu à peu la tête d'un poisson vers Aigle, qui alors crie en crescendo) Ahhh, ouste !!

Husky rit puis s'assoit à sa place habituelle.

Husky : Aigle, je peux te demander un truc ?

Aigle : Si tu as apporté deux poissons pour que j'en prenne un, alors là, non merci.

Husky : Ah, j'aurais pu, mais ce n'est pas ça. Je voulais savoir, pourquoi tu ne parles jamais de ta femme. C'est parce que tu ne t'en rappelles pas encore ?

Aigle réfléchit.

Aigle : Je me souviens d'elle. Mais... t'es sûre de vouloir savoir ?

Husky : La question est plutôt, est-ce que toi tu veux en parler.

Aigle : Je ne sais pas par où commencer.

Silence.

Husky : Ce n'est pas grave.

Aigle : Son ex l'a tuée. Puis il s'est suicidé juste après. Oui, elle était tombée sur un débile mental malheureusement, qui était fou d'elle, mais dont j'ignorais l'existence jusqu'à ce jour. Mon fils venait à peine de naître. Alors j'ai passé ma vie à essayer de combler la place de sa mère. Mais je n'ai pas été si bon. Même très mauvais.

Husky : Non, d'après tout ce que tu m'as raconté, tu as fait ton maximum pour ton fils.

Aigle : Faudrait plutôt demander son avis pour le savoir.

Husky se tait.

Aigle : Un jour, je m'étais énervé et je lui ai dit que, si ça se trouve, je n'étais même pas son père biologique, et que je perdais mon temps à élever un bâtard comme lui. J'ai tellement regretté après...

Husky : Tu ne le pensais pas vraiment, c'était juste sur le coup, emporté par la colère.

Aigle : Je mentirais si je disais que je ne m'étais jamais posé la question. Il était bien le fils de sa mère, ça au moins c'était sûr. Il lui ressemblait tellement... sans même l'avoir connue.

Husky pointe la tête du poisson qu'elle tenait de la main droite sur Aigle, qui recule avec un petit sursaut.

Aigle : Je vais avoir une crise cardiaque, arrête !

Husky : Toi, je sais que tu vas me dire que je suis trop jeune pour te faire la morale, mais je m'en fous ! Si j'étais à la place de ton fils, peu importe les conneries que tu me racontes, même si ça me blesse au plus haut point parce que ça vient de toi, j'aurais été consciente que tu t'énerves parce que tu t'inquiètes pour moi, donc je t'aurais autant détesté qu'aimé, et, en fait, même si on n'était pas unis par le sang, je n'en aurais rien à foutre, parce que ça ne changerait rien au fait qu'on soit une famille !

Husky baisse le poisson.

Husky : Donc, sache que tu es un bon père. Même très bon. C'est humain de commettre des erreurs.

Fin de l'analepse.

De retour dans la chambre d'Ange, au présent.

Aigle est assis, les coudes sur les genoux, la tête baissée.

Il affiche un sourire triste, et marmonne.

Aigle : Maintenant, je sais qu'il était mon fils, sans aucun doute.