Félicie.

Elle s'appelait Félicie.

En échange de sa naissance, sa mère est partie rejoindre les cieux.

Son père s'est battu contre la précarité pour offrir un meilleur avenir à sa fille.

Mais vers ses cinq ans, il est parti rejoindre sa mère, dû à un cancer.

Sa grand-mère l'a recueillie et lui a appris la beauté de la simplicité.

Alors elle a trouvé un moyen pour profiter de la vie ; ignorer ses malheurs et ses mauvais souvenirs, ignorer qu'elle n'avait ni mère, ni père.

Elle était heureuse avec les gens qu'elle voyait. Sans douter de son futur, sans regretter son passé, puisque ce n'est qu'une perte de temps.

Elle vivait sur le moment présent, et elle a oublié son passé à force de le rejeter.

Elle était mignonne à suivre partout sa grand-mère, jusqu'à ce que cette dernière parte de cause naturelle.

Dans son orphelinat, elle a su se focaliser sur son présent et se créer des amis, au lieu de pleurer comme toute personne ordinaire aurait fait à son âge après avoir perdu sa mère, son père, puis sa grand-mère.

Elle savait qu'elle ne devait pas se refermer sur elle-même ou éviter de créer des liens avec les autres par peur de les perdre, car cela revenait à se priver de vivre.

"Les adieux font partie des expériences incontournables de la vie."

Elle avait un fort caractère et était dure à déstabiliser, en plus d'être très ouverte, créative, et intelligente.

Elle ne passait pas inaperçue, et savait qu'elle était une surdouée, qu'elle avait de la valeur, et qu'elle ne devait jamais perdre confiance en elle-même.

Elle n'avait pas le temps de pleurer. La vie est si éphémère.

Elle devait vivre.

Puis elle a fini par quitter ses amis pour faire partie d'une nouvelle famille.

Elle a fait du shopping pour la première fois de sa vie, avec sa mère adoptive.

Hélas, sur le chemin du retour, elles ont eu un accident de voiture.

Elle a eu la chance de survivre, contrairement à sa mère.

Alors elle a commencé à se poser plusieurs questions.

"Est-ce que je porte la poisse ?"

"Jusqu'à quand dois-je ignorer les proches que j'ai perdus pour pouvoir survivre ?"

Elle a rencontré une patiente à l'hôpital, par hasard, alors qu'elle était en train d'imaginer son corps tomber du toit où elle se trouvait.

Elle a pu lui partager ses tourments.

"J'aurais aimé connaître ma mère. J'ai seulement vu une photo d'elle en tenue de marié avec mon père. Mais... j'ai oublié son visage. Et celui de mon père aussi."

La patiente a su la réconforter, mais ses jours étaient comptés.

Elles se sont beaucoup parlées, jusqu'au jour qui devait finalement arriver.

"Donnez ma vie à quelqu'un d'autre qui la mérite."

L'entreprise de son père a ensuite fait faillite.

Convaincue qu'elle n'apportait que des malheurs, elle a tenté de plonger dans un sommeil éternel, à l'aide de somnifères, mais son père l'a sauvée à temps.

Son père aussi souffrait, mais il ne pouvait pas se suicider, puisqu'il avait elle.

Alors elle aussi, lui a promis qu'elle ne mourrait pas avant lui, même si elle souffrait.

Et elle a tenu sa promesse.

Elle a vécu.

Elle voulait donner un sens à sa vie, et elle a fait des études de médecine.

Elle a vécu, jusqu'au départ de son père, causé par une crise cardiaque.

Elle était capable de sauver des inconnus, mais pas ses proches.

Puis, à la Vie qui la maintenait en vie depuis si longtemps, elle a lancé une insulte avant de se suicider pour de bon.

Gamma : J'ai perdu deux fois ceux que j'ai aimés. Une fois parce qu'ils sont morts, et une deuxième fois parce que je les ai oubliés.