Louis
Au début, il était là, à ma place. J'ai cru que je prenais le siège de quelqu'un mais il n'y avait personne dans le train et personne n'est jamais venu le chercher. Alors je suis descendu avec. Ma tante, un jour, a perdu le biberon de ma cousine, comme ça. Laissé là, sur son siège. C'est la SNCF qui l'a récupéré et ils ne lui ont jamais rien dit. Ce n'était pas très grave, mais ça fait toujours un biberon de moins.
Alors moi, évidemment, je l'ai posé sur le siège d'à côté. Je me suis dit : « Louis, tu ne voudrais pas qu'on vienne mettre le nez dans tes affaires comme ça, alors tu te retiens. ». Mais c'est compliqué, puisque personne n'est venu et, vous comprenez, je suis un sentimental, moi. Ça me déchirait le cœur de l'abandonner. Donc je l'ai pris.
Je l'ai ouvert, j'ai contacté la propriétaire, je l'ai fermé. Puis elle a dit qu'il était précieux alors je l'ai tout de suite rangé dans mon sac. Une photo est tombée. Je l'ai observée à la dérobée. Trois femmes. Une toute vieille, tassée sous le poids des années, une plus jeune qui rit et une enfant qui ne regarde pas l'objectif. Des trois, je me suis demandé qui était Zelda.
Zelda, ça devait être l'enfant ou l'adulte.
Je suis arrivé chez mes parents. On a un appartement dans l'intra-muros, à St Malo. Il n'est pas très grand mais on y tient tous les trois depuis des années. Et puis, comme je fais mes études à l'étranger, de la place, il y en a en veux-tu en voilà.
Donc je suis rentrée. Maman m'a vue et elle a dit :
« Je me suis bien occupée de tes pétunias. »
Ça m'a fait plaisir. S'il y a bien une chose que je ne peux pas emmener en Angleterre, ce sont mes pots de fleurs et ma chienne. Pétunia et pétunias, donc. Puis, comme ma valise fait un peu de bruit et que mon chien aboie de bonheur après moi, mon père a sorti la tête de son bureau.
« C'est mon fils ? qu'il a dit.
- Oui, j'ai répondu.
- Il a faim, mon fils ?
- Il meurt de faim. »
Nous sommes partis au restaurant.
Ce qui n'explique pas pourquoi, trois jours plus tard, j'ai encore les yeux posés sur le bullet journal de Zelda.
.
Trois jours plus tard, j'attends encore sa réponse. C'est un peu fou, comme proposition. Elle doit se demander qui est ce mec un peu psychopathe qui lui suggère de lui rendre son carnet. Déjà, la contacter, Dean trouvait que c'était une idée bizarre. Mais Dean ne sait pas parler aux filles. Moi non plus, je ne sais pas. Mais je pense que je m'en sors mieux que lui.
D'habitude, je ne suis pas un fouineur. Je n'aime pas les ragots, je ne suis pas curieux et je préfère qu'on aborde une conversation plutôt que de devoir l'amener. Mais là, c'est un peu comme si le Diable me proposait la vie éternelle. C'est dur de résister. J'ai vu une photo, j'ai un peu parlé avec elle. J'ai envie de tout savoir, maintenant.
A 11 heures et des brouettes, Zelda me répond enfin. J'ai Dean à l'autre bout du fil.
« Elle a dit quoi ? qu'il me presse dans son anglais parfait. »
Je lis sa réponse.
« Elle a l'air d'accord, je réponds, étonné.
- Elle est farouche ! s'exclame mon colocataire anglais. J'en connais d'autres qui ne t'auraient même pas répondu !
- Et donc ?
- Bah, on va voir. »
Dean rouspète. Il s'assure : suis-je toujours d'accord pour l'accueillir quelques jours en août ? Il n'est jamais venu en France et sa mère a eu une promotion. Elle veut lui offrir des vacances. J'ai répondu que oui. Il m'a demandé si Zelda avait dit quelque chose.
« J'ai l'impression que tu es plus impliqué dans cette histoire que moi, ai-je soupiré, un peu gêné.
- C'est comme dans les romans que lit ma sœur, me répondit-il, amusé. Alors, j'ai envie de savoir.
- Moui, mais non. Je te tiendrais au courant. Bye, Dean. »
Je raccroche à son nez. Dean est très chouette mais, lui, pour le coup, c'est un véritable fouineur.
.
Zelda est à Dinard. Ça me soulage. J'ai un peu la flemme de prendre la mobylette pour un journal. En revanche, je suis content de le lui rendre bientôt. J'arrose mes pétunias tout en tapotant ma réponse. Maintenant, elle sait que je suis juste de l'autre côté de la baie. Est-ce qu'elle regarde dans ma direction ? Est-elle curieuse, au moins ?
Hier, je suis allé sur son profil Facebook. Zelda, c'est une jolie fille. Elle est ronde, toute petite. Elle a de courts cheveux bruns un peu ondulés. Je ne sais pas si elle se maquille souvent mais sur sa photo de profil, elle a un peu de noir, juste au-dessus des yeux. Ça lui va bien. Elle me fait penser à cette anglaise qui a ramassé mon cahier de littérature anglaise moderne. Anne. Ou Elen. Elles sont sœurs jumelles et parfois, j'ai dû mal à les distinguer. Anne, je crois que c'est la plus gentille. Donc, c'était Anne.
« Louis ? s'écrie ma mère, depuis la cuisine.
- Oui ?
- Tu peux sortir Pétunia ?
- Je finis d'arroser mes fleurs et je suis tout à elle.
- Super, elle est insupportable, là. »
Quand Zelda me réécrie, Pétunia grogne. Je ne m'occupe plus de mon chien, je me suis empressée de lui répondre. Elle me donne des petits coups de têtes dans les genoux, pose son bâton à mes pieds, le mâchouille, aboie. Pétunia m'appelle, Zelda me répond aussi vite que l'éclair.
« Oui ma belle, je rassure mon compagnon à quatre pattes en lui grattant le sommet du crâne. On y est presque. »
Zelda me demande quand je peux venir. J'ai envie de dire maintenant pour lever le voile sur toutes mes questions et penser à cet essai que je dois rendre pour le mois de septembre.
Je réfléchis. Je dois venir à Dinard, samedi pour voir un client. Mon père est carreleur. Parfois, il a un souci avec un chantier et quand je suis là, pour qu'il ne prenne pas de retard, je prends sa place. Et puis, ça me fait de l'argent de poche. Ce n'est jamais en trop, l'argent de poche.
« Quoi, Pétunia ? »
Mon chien est assis, elle me bloque le passage. Dans sa gueule baveuse, sa laisse pendouille. Le message ne peut pas être plus clair.
Je m'empresse de conclure la conversation avec Zelda.
Qu'est-ce qu'ils disent déjà ?
Ah oui.
Pétunia avant les...
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