Le calme avant la tempête
(Aucune propagande du nazisme n'est faite dans cette nouvelle. Merci de ne détourner aucun propos dans ce sens. Les traductions sont affichées en commentaires)
Ça y est, le moment est probablement arrivé. C'est maintenant, c'est aujourd'hui, que je vais devoir parler, délier ma langue après toutes ces années. C'est aujourd'hui que je vais devoir raconter cette histoire, MON histoire.
Assis dans mon fauteuil, du haut de mes soixante-six ans, je fixais Isabelle, ma petite-fille. Je la détaillais avec la douceur d'un grand-père, me rappelant de sa mère, ma fille, au même âge. Mais peut-être que si je faisais ce geste aussi anodin, c'était pour retarder l'inévitable, pour retarder ce qui la forçait à se tenir devant moi, si droite et tendue, calepin et stylo en mains.
Elle avait traversé le village pour venir me trouver, une certaine appréhension dans le regard, avant de me faire une demande des plus singulière, espérant que j'accepte. Je n'ai pas pu refuser, je n'avais pas vraiment la force, pas vraiment le courage d'affronter la déception dans ses yeux. Mais peut-être que j'allais devoir les trouver. J'allais devoir être prêt à affronter son regard quand elle se rendra compte que son grand-père adoré n'était pas l'un de ces héros tant vantés ; j'allais devoir être prêt à affronter son regard quand elle se rendra compte que son grand-père adoré a porté la croix gammée. Oh quel fichu travail d'école qui m'oblige à délier la langue, à parler de toutes les horreurs que j'ai vu, vécu,entendu. Mais je ne peux pas les blâmer de vouloir entretenir le devoir de mémoire, je ne peux pas les blâmer de vouloir empêcher que les évènements du passé se reproduisent.
Voyant qu'elle attendait toujours patiemment, sans me brusquer. J'ai décidé de le faire moi-même. C'est à moi de me secouer, de me forcer à parler. Allez, Charles, c'est le moment d'affronter tes démons. Et c'est donc le cœur pleins d'appréhension que j'ouvris la bouche, commençant à rassembler mes souvenirs, me replongeant dans un passé que j'aurais préféré oublier.
Septembre 1939
J'avais seize ans depuis maintenant le mois de juillet. Bien que mes souvenirs de cette période soient vagues, je me souviens parfaitement de l'agitation qui régnait. C'est le début de la fin, même si nous ne le savions pas encore. L'Allemagne entre en guerre avec la Pologne, cette Allemagne censée avoir été rendue inoffensive, sans armée, sans moyens de combattre. Et pourtant, la voilà qui attaque, qui se bat. Elle ne devrait pas, n'avait pas le droit. Bien des années plus tard, on apprendra ce qui ne nous était pas encore arrivé aux oreilles, ce qu'Hitler avait déjà fait à ce moment-là. Mais pour le moment, en ce mois de septembre, la seule chose qui nous effrayait, c'était le début de la guerre pour la France elle aussi. Les mères se plaignaient, les anciens juraient, les pères serraient les poings, les jeunes se vantaient d'être forts et les enfants ne comprenaient pas. Ici, les souvenirs de la Grande Guerre étaient encore vifs. On avait peur, on se demandait ce qu'il allait se passer pour nous, encore une fois. Allemands ? Français ? Nous ne savions plus qui nous étions censés être. Ici, beaucoup n'avaient pas de camps, ils voulaient que ça cesse. Pour nous autres, frontaliers, perdus en Moselle, perdus dans le Bitcherland, même, nous savions que la guerre allait être terrible.
Or, nous avions raison. Très rapidement, un ordre de réquisition fut donné, beaucoup de jeunes hommes devaient partir à la guerre. Certains restaient, mais toux ceux qui n'étaient pas décrétés indispensables devaient partir. Par chance, peu de mes proches furent réquisitionnés. Mon père n'était plus en état de partir, la plupart des hommes du village étaient nécessaires pour le faire vivre, tant et si bien qu'ils étaient une dizaine à partir. Quelque part, nous nous réjouissions de ne pas être partis. Moi et mes amis étions heureux d'être trop jeunes pour partir à la guerre mais, en même temps, certains se désolaient de ne pouvoir partir, de ne pouvoir montrer leur force en se battant pour la France. Quelle illusion... Nous étions jeunes, intrépides, idiots. Nous ne savions rien, ou presque, des horreurs de la guerre et nous en savions encore moins sur les horreurs qui nous attendaient.
Octobre 1939 - Mai 1940
Peu à peu, le village s'était calmé, la vie a repris son cours et personne ne parlait de cette guerre, ou du moins, plus en public ou devant les enfants. La France n'attaquait pas, si bien que, de là où nous étions, plus personne ne se préoccupait de cette drôle de guerre, si ce n'est que pour attendre le retour des frères, des fils, des maris arrachés inutilement au foyer. Plus personne ? Non, pas vraiment. En réalité, tout le monde retenait son souffle dans l'attente du moment final, même si personne ne l'avouait, même si personne ne se l'avouait. Le seul à parler était le vieux Jojo. Bien entendu, ça n'était pas son prénom, mais tout le monde l'appelait ainsi. Il était juste lui. Il hurlait à qui voulait l'entendre que les Allemands allaient revenir, que la Grande Guerre allait recommencer, que nous allions à nouveau nous retrouver entre deux feux pour notre fer ou notre charbon, pour nos origines allemandes ou nos origines françaises. Quand il avait bu, il disait que si les Américains n'étaient pas intervenus en 1917, nous aurions gagné la guerre et rien de ce qui se passe ou ce qui allait se passer ne serait arrivé. Pour moi, pour nous, nous autre jeune génération, génération enfantine, tout ceci nous semblait parfois inexplicable. Nous avons gagné la guerre, nous sommes français !! Mais lui ne l'était pas, mes parents non plus, et tous les gens nés avant 1918 ne l'étaient pas. Mais en réalité, nous ne l'étions pas non plus, pas vraiment.
Chez nous, tout le monde parle l'allemand, le parle plus que le français. Certains, mêmes, ne comprennent pas cette langue censé nous être maternelle. Nous ne sommes pas français. Mais nous ne sommes pas allemands non plus. Nous sommes simplement des gens ballottés d'un pays à l'autre comme une feuille dans le vent, des victimes de la folie guerrière de nos dirigeants, des civils face à l'ivresse de pouvoir de gens bien trop grands. Avec le temps, beaucoup n'étaient ni français ni allemands. Nous étions nous, juste nous, et ce qui nous tenait, ce qui nous tiendra, ça n'est pas le patriotisme, ça n'est pas un pays, c'est nous. Nous, notre famille, notre village. Nous n'étions fidèles qu'à eux, qu'à ça.
Pourtant, plus le temps passait, plus la peur grandissait en nous, suivant les mots du vieux Jojo. J'ai peu de souvenirs marquants de cette époque, de ce début de guerre, pourtant, l'un des plus vifs, des plus nets, c'est bien ce matin où les bruits de la maison voisine m'ont alerté. Mes frères dormaient, pour la plupart, mais je voyais bien que Simon me fixait, le regard brûlant de curiosité, tout comme le mien. Oh mon pauvre Simon, si seulement j'avais su tout ce qui allait se passer... Moi et mon aîné nous sommes longuement dévisagés puis, d'un accord commun du regard, nous sommes appliqués à nous extirper du lit sans réveiller le reste de la partie masculine de notre fratrie avant de descendre les escaliers jusqu'à atteindre la porte d'entrée pour fixer l'extérieur.
Je me souviens encore aujourd'hui de la vitesse à laquelle les Becker, nos voisins, sortaient affaires, femmes et enfants pour tout déposer sur une charrette tirée par des chevaux. Ça m'a beaucoup interpelé car je savais bien que les Becker ne faisaient pas partis des quinze familles du village possédant des chevaux. Et puis, que faisaient-ils au juste ? Où allaient-ils ? Je voyais bien que mon frère lui aussi ne comprenait pas, tout aussi interloqué que moi. Il s'apprêta à ouvrir la bouche pour parler quand, au coin de la rue, finirent par sortir les Wagner, probablement possesseurs des chevaux utilisés. Ils commencèrent, eux aussi, à monter les enfants les plus jeunes dans la charrette. Depuis le temps, Simon et moi n'étions plus les seules à observer la scène, interloqués. Une partie du village nous avait rejointe pour entendre les pères Becker et Wagner discuter en patois, la langue de la région, fruit de nos origines franco-allemandes, à propos d'un départ. C'est alors que mon frère a posé la question qui nous brûlaient les lèvres, prenant son courage à deux mains pour demander dans la même langue que les deux hommes : « C'est quoi ça ? À cette heure-ci ? »
Et quelle ne fut pas notre surprise quand le père Wagner répondit : « Nous partons en Charente. »
En Charante ? Que diable allaient-ils faire en Charente ?! C'est une question que nous nous posions tous mais qui, plus tard, nous semblera évidente, à moi comme aux autres. Quoi qu'il en soit, c'est ce matin-là que nous vîmes, pour la première fois, quelques-uns des nôtres partir ailleurs, partir à l'autre bout de la France. Et oh comme, plus tard, leur idée nous a semblé bonne. Et oh comme nous avons regretté de ne pas les avoir suivis.
Mai 1940
Ça y est, nous y voilà, le réel début du cauchemars. Le maire, possédant une radio, a fait sonner les cloches en urgence dès qu'il a appris la nouvelle. L'église hurlait de tous ses caissons, nous avertissant de nous lever, de nous rassembler. Hitler a commencé à arriver, à envahir la France. Nous devions partir, maintenant, rapidement. Nous devions fuir, maintenant, avant l'arrivée des Allemands. Oh comme les Becker et les Wagner nous semblaient intelligents. Et oh comme le vieux Jojo, nous semblait intelligent.
La ligne Maginot qui avait été dressée est parfaitement inutile : ils passent par la Belgique. Nous n'avions pas beaucoup de temps, nous devions nous dépêcher. Presque immédiatement, la plupart des familles préparèrent les bagages qu'ils pouvaient emmener et s'appétaient à partir. Certains ne voulaient pas, certains voulaient rester. Mais pour mes parents, le choix paraissait clair, limpide. C'est à ce moment-là que je me souviens préparer mes valises avec mes quatre frères tandis que ma mère s'affairait avec mes sœurs. Nous voulions partir au plus vite, la panique régnait dans tous le village. Pourtant, Simon, l'aîné des frères, cadet de la fratrie, gardait son calme, un calme olympien. C'est celui avec lequel j'avais tissé une plus grande affinité, en raison de nos presque deux années d'écart, même s'il avait son jumeau. Ils avaient échappé à la guerre de justesse mais Simon ne comptait pas la connaître de sitôt, contrairement à son jumeaux et à tous les autres. Lorsqu'il ne restait plus que nous dans la chambre, il m'a dévisagé longuement avant de me glisser pour la première fois : « Soit fort, Charles ». Avant que je ne puisse répliquer, parler, il était déjà descendu apporter les sacs à mon père. Décidément, je le préférais à François. Ce chère François impulsif, inarrêtable, un caractère que notre mère lui avait si souvent reproché.
Le village était solidaire, comme toujours. Ceux qui avaient des charrettes partageaient avec ceux qui n'en avait pas mais, avec quatorze charrettes pour cent familles, nous ne pouvions pas faire de miracle : il fallait porter. Je me souviens de l'angoisse de ma mère, de l'air grave de mon père mais, et surtout, de ma sœur qui pleurait. Elle ne voulait pas partir, ne comprenait pas. Du haut de ses six ans, elle peinait à comprendre tout ce qu'il se passait. Nous avions beau lui répéter que nous partions en voyage, elle comprenait bien que quelque chose n'allait pas, que quelque chose clochait. Et pourtant, c'est ainsi que nous nous retrouvâmes sur les routes bondées menant à la Charente, les forts soutenant les faibles, les enfants redonnant joue et force aux parents, les anciens se réfugiant dans les charrettes et nous autres, jeunes vigoureux, qui portions les plus petits afin d'arriver à bon port.
Juin 1940
Nous voilà réfugiés en Charente, chez d'autres Français qui nous hébergeaient. Cet élan de solidarité éveilla chez beaucoup de jeunes un sentiment de patriotisme. Pour ma part, je ne savais pas où j'en étais, j'étais perdu. Je voyais bien comment certains nous dévisageaient, comment certains nous traitaient de Boche, de Nazis. Même si j'avais décidé de les ignorer, imitant Simon, François n'était pas du même avis et il arriva qu'il nous créât des problèmes. Mais beaucoup étaient hospitaliers, accueillants, et je me fis mêmes quelques amis durant ce court laps de temps. Mais le bonheur n'est pas fait pour durer, pas en temps de guerre.
Un soir, alors que moi, mes frères aînés et quelques amis nous étions retrouvés au bar, nous entendîmes à la radio une nouvelle qui nous glaça les sangs : la France a perdu la guerre. Le général Pétain rencontrera Hitler. François fut le premier à réagir alors que nous étions tous silencieux. Il explosa, pour ainsi dire.
« Non !! On va pas se rendre ?! Pas à Hitler !! Les nazis vont nous perdre !!»
Trop choqués, nous n'avons pas pris attention à ce qu'il disait, à sa vérité que nous finirons par découvrir. Perdu ? La France avait perdu ? Du haut de notre jeunesse, nous ne pouvions y croire. Et pourtant si, nous n'avions pas le choix.
Quelques temps après, le même schéma à reprit : nous revenions sur les routes. Lors de ce chemin inverse, je me souvenais de tous ces courts moments passés en Charante, de ceux qui y restaient, de ceux qui revenaient, de ces amis que je m'étais fait. Je savais bien que je n'allais pas les revoir de sitôt, je me préparais à des adieux. Mais pour le moment, à mes yeux, ça n'était qu'un aurevoir. Je comptais bien les revoir un jour, plus tard. Quelle illusion. Je n'étais pas prêt à ça, à tout ce qui allait arriver. J'étais encore un adolescent bête et innocent. Un adolescent bourré d'illusions qui allait souffrir de la réalité du monde, de ma réalité de la guerre.
Nous repartions aussi sans mon frère, sans François. En entendant la négociation entre le Maréchal Pétain et Hitler, en entendant les accords qu'ils avaient conclus, cette armistice qui lui semblait tellement injuste, il a décidé de rester en Charante, de suivre un certain « De Gaulle », pour suivre ce qu'il commençait à appeler la « Résistance ». Nous le prenions pour un fou, beaucoup le prenaient pour un fou, mais beaucoup aussi étaient restés avec lui, refusaient de retourner en haut dans notre région, refusaient de se rendre. Je n'imaginais même pas à quel point ils pouvaient avoir raison de faire ça, moi qui, comme les autres, fêtions la fin de cette guerre, attendions le retour de ceux que nous aimons.
Cruelle illusion, à nouveau.
Juillet - Août 1940
Nous étions de retour. Mais nous n'étions pas seuls. Les Allemands avaient annexé notre territoire. A nouveau, nous n'étions plus français, nous étions allemands. Certains se réjouissaient, nostalgiques de l'Avant Grande Guerre, mais beaucoup s'en attristaient. Alors comme ça, la France nous abandonnait ? Nous voulions penser qu'ils n'avaient pas le choix mais beaucoup perdaient la foi, leur patriotisme français.
Les Allemands s'étaient installés, comme s'ils étaient chez eux. Ils cantonnaient, nous prenaient certaines affaires, en réquisitionnaient d'autres. Nous nous doutions bien que dans le reste de la France occupée, cette partie où restaient à présent les Boches, c'était pire. Après tout, nous étions considérés comme allemands, enfin plus ou moins.
Rapidement, nous constations des choses étranges. Quelque chose se préparait, nous en étions sûrs, nous le savions. Même si les violences commençaient, que les Boches nous restreignaient et que les juifs commençaient à être persécutés, nous n'étions pas prêts pour ce qui allait arriver. Je ne peux pas beaucoup raconter des violences civiles, ça n'est pas mon expérience, même si je crois que j'aurais préféré.
A ce moment, malgré ça, la vie n'avait pas beaucoup changé. Elle était certes plus dure, plus restreinte, plus primitive, mais notre quotidien continuait plus ou moins, la vie continuait de tourner. Je fêtais mon dix-septième anniversaire, François ne nous donnait plus de nouvelles, Simon avait commencé à travailler et ma mère redoublait d'acharnement pour s'occuper de nous à la maison et mon père faisait de même au travail. Pour ma part, je me préparais à me faire engager dans les mines de charbons. Même si nous allions travailler pour les nazis et que l'idée me répugnait, il me fallait nourrir ma famille, contribuer moi aussi. De plus, les hommes partis au front ne revenaient pas. Nous pensions que ça n'était qu'une question de temps, maintenant que l'Armistice avait été signée, avant qu'ils ne reviennent. Mais nous nous trompions, nous nous trompions affreusement. Une fois de plus, nous n'étions pas prêts pour la suite.
Un matin, nous avons entendu quelqu'un frapper à notre porte. Je me suis empressé de descendre, suivit de ma mère et de mon frère aîné, pour tomber nez à nez avec un soldat de la Wehrmacht. Son regard froid et son uniforme brun me restent encore aujourd'hui gravés dans ma mémoire, dans ma terreur, dans mon traumatisme.
« Hallo meine Damen und Herren. Wir gaben den Befehl, alle Männer zu requirien, um an der Seite unseres Reiches zu kämpfen, fur unseren Fürer !! Wenn der Militärdienst nicht geleistet wurde, wird er für zwei Jahre in unsere schönen Armee hingerichtet. » Puis il se tourna vers moi et me fixa. « Und du ? Du bist nicht aus unserer Liste. Aber du scheinst stark zu sein. Du kommst !! »
Nous comprenions parfaitement ce qu'il venait de dire et ça me glaça jusqu'au sang. Moi, j'allais me battre avec les Allemands ? Mon frère allait se battre avec les Allemands ? Je n'en revenais pas, mon frère avait blêmit et ma mère avait manqué de défaillir. Ses deux fils et son mari allaient partir au combat ? Non, non ils ne pouvaient pas. On n'allait pas encore lui enlever un enfant, un mari. Comme François nous a semblé intelligent de suivre ce chère chère De Gaulle à ce moment. On regrettait de ne pas l'avoir écouté, de ne pas avoir suivi celui que nous prenions pour un fou, trop perdu dans notre joie et notre illusion.
Pourtant, rien de ce que nous pouvions dire ou penser n'allait changer quoi que ce soit. Le lendemain matin, accompagné de mon père, de Simon et de tant d'autres, nous nous tenions en rang serrés. Mon frère me semblait bien effrayé, soudain, pour moi qui l'avait toujours vu comme un modèle. Mon père, quant à lui, nous jeta ce regard que seuls les pères savent donner, ce regard mourant d'amour, de fierté mais aussi de crainte. Ce regard que, bientôt, je ne verrai plus comme je l'avais toujours vu.
Aujourd'hui
Malgré moi, je dus faire une pause dans mon récit. Les souvenirs de la suite me revinrent en masse et je ne pus m'empêcher de fermer les yeux et de secouer la tête pour éviter de penser au massacre qui peuplait mes pensées. À présent que tout me revenait, la honte, la tristesse, la peur, je ne parvenais plus à regarder ma petite-fille dans les yeux. Mais peut-être qu'en la fixant, je cherchais également à retarder l'inévitable, ce moment où je verrais ses yeux se briser. Je n'étais pas le Résistant qu'était mon frère, je n'étais pas un héros. J'étais un traître, un honteux nazi qui a tué sous la croix gammée.
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